Lutter contre la transphobie: quels constats, quels moyens?
SolidaritéS Vaud a organisé une table ronde qui a réuni plus d’une soixantaine de personnes. Les intervenant·exs étaient Sylla (Actions Queer VNR), Adèle Zufferey (Fondation Agnodice), Sophie Stadelmann (Unisanté) et Nils Kapferer (responsable de stratégie LGBTIQ+ de la ville de Lausanne). État des lieux.
Selon la dernière étude publiée par Unisanté en novembre 2024, les personnes de la diversité OASIEGCS (orientation affective et sexuelle, identité et expression de genre, caractéristiques sexuelles) forment plus de 23% de la population vaudoise âgée de 18 ans, parmi lesquelles 3% de personnes transgenres. Les attaques contre les personnes LGBTQIA+, dont la transphobie est actuellement la face la plus visible, ne ciblent donc pas une infime minorité (et même si c’était le cas, il serait nécessaire de lutter contre toutes les violences), mais près d’une personne sur quatre dans le canton.
Presque tous les indicateurs évalués par l’étude sur la victimisation et la délinquance chez les jeunes montrent que la situation des personnes de la diversité OASIEGCS est moins bonne que celle des autres. En effet, iels sont 56% (vs 31%) à décrire un sentiment d’insécurité globale. Iels ont également deux fois plus de risques de subir une agression sexuelle, 4 fois plus de se faire racketter et 2,6 fois plus de se faire harceler. De plus, iels sont 7,1% à avoir fugué (vs 2,4%) et ont entre 2 et 3 fois plus de risques de consommer des substances psychoactives. Concernant leur santé, 75,5% décrivent de la dépressivité (vs 43,5%) et 34,9% déclarent avoir un état de santé moyen ou mauvais (vs 19,8%).
La transphobie ambiante et ordinaire a des impacts dans toutes les sphères de la vie quotidienne, que ce soit au travail, à l’école, au sein de la famille, dans l’espace public, etc. Les violences psychologiques, les insultes, les remarques déplacées sont autant d’exactions auxquelles sont obligatoirement confrontées à un moment ou un autre les personnes trans. Tout cela s’inscrit dans un contexte où la question de la mort (suicide et meurtre) est fortement présente et agit comme une épée de Damoclès qui plane au-dessus de toute personne qui remet en cause la dimension «naturelle» de l’ordre de genre.
Quel diagnostic pour quelle lutte?
La transphobie n’est donc pas un problème individuel: elle n’est pas le fruit de quelques personnes isolées et est largement diffuse dans toutes les sphères de la société. C’est une oppression systémique qu’il faut traiter en tant que telle.
L’ampleur des attaques actuelles est fortement liée à la montée de l’extrême droite et des idées réactionnaires qui l’accompagne. Il s’agit de réaffirmer l’ordre «naturel» des choses, d’attaquer le droit à disposer librement de son corps et d’affirmer la famille nucléaire comme seul modèle d’existence valable.
Les organisations politiques doivent se saisir pleinement de la lutte contre la transphobie et proposer une perspective de rupture avec la société actuelle. Il est également nécessaire d’obtenir des avancées concrètes dans un avenir proche. Le besoin de formation du personnel des services publics a été soulevé, mais également la nécessité d’informer plus largement la population sur la transidentité.
Les pôles d’accueil des victimes de violences comme le PAV doivent être renforcés et il est nécessaire de mieux visibiliser leur existence et les possibilités d’y faire recours. Actuellement, dans le canton de Vaud, il n’existe pas de lieu pour accueillir spécifiquement les jeunes LGBTQIA+ qui subissent des violences et qui souhaiteraient quitter leur famille.
Hadrien Buclin, député EàG au Grand Conseil vaudois, a récemment questionné le Conseil d’État sur la demande d’étudier la création d’une telle structure qui avait été acceptée en 2019, mais qui est toujours sans réponse!
De plus, il est nécessaire de développer l’accès aux soins et notamment à la santé psychique et somatique. En effet, de nombreuses personnes ayant besoin de tels soins s’en privent faute de pouvoir les payer. C’est un véritable enjeu de santé publique, car les personnes queer sont exposées à un stress minoritaire constant qui a des conséquences plus large sur leur santé globale.
La mise en place d’une politique contre les violences transphobes demande des moyens financiers et il est nécessaire que les organisations politiques se mobilisent, notamment lors des votes sur les budgets, pour obtenir ces financements.
La lutte contre la transphobie n’est pas uniquement une lutte pour les personnes trans (elle l’est évidemment), mais c’est aussi une résistance face à la montée de l’extrême droite, pour la protection des droits reproductifs, contre le démantèlement de nos services de santé, etc.
Les victoires dans ce domaine profitent à l’entièreté de la population et les défaites sont un danger pour touxtes. Il est nécessaire de créer des ponts avec d’autres luttes, de construire des fronts larges et unitaire comme ce fut le cas en France lors des mobilisations contre la réforme des retraites.
Jordan Gaignat