Une soirée autour de l’écrivaine engagée Julia Chamorel
L’association Kyrielle, qui œuvre à valoriser la place des femmes dans la culture, organise une soirée autour de l’écrivaine genevoise Julia Chamorel (1916–2009). Elle a convié la comédienne Caroline Gasser, qui lira des extraits des livres de Chamorel, et l’historien Hadrien Buclin, par ailleurs membre de solidaritéS, qui présentera la vie et l’œuvre de cette autrice. Entretien avec ce dernier.

Qu’est-ce qui t’a amené à t’intéresser à cette écrivaine?
Il y a une douzaine d’années, lorsque je travaillais à une thèse en histoire consacrée à l’engagement des intellectuel·les de gauche en Suisse, j’ai rédigé un court article sur les mémoires publiées par Chamorel en 1984, sous le titre La Cellule des Écoliers. Il s’agit d’un témoignage très vivant sur son engagement politique à Genève durant les années 1930, dont un des éléments déclencheurs est la fusillade de novembre 1932, au cours de laquelle l’armée tue 13 personnes.
Dernièrement, la volonté de la Municipalité de Genève de renommer une rue des Grottes du nom de cette écrivaine a suscité des crispations parmi les habitant·es du quartier. C’est à la suite de cette polémique que l’association Kyrielle a pris l’initiative d’organiser une soirée pour mieux connaître cette personnalité injustement méconnue. De fait, à part mon article, une page qui lui est dévolue dans l’ouvrage de référence Histoire de la littérature en Suisse romande et une notice pour le projet «100Elles*», qui porte sur la place des femmes dans l’espace public à Genève, aucune étude n’a été consacrée à Chamorel. C’est la raison pour laquelle des membres de l’associations Kyrielle se sont tournées vers moi.
En te replongeant dans son parcours, as-tu découvert d’autres aspects de son œuvre et de son engagement qui méritent l’attention?
Oui, les trois autres récits qu’elle publie dans l’après-guerre chez des éditeurs parisiens de premier plan sont remarquables, en particulier par les thèmes qu’ils abordent: dans les Compagnons d’Hannelore, en 1957, elle traite de la réalité alors taboue de la grossesse non désirée, des avortements clandestins et des risques parfois mortels que ceux-ci font courir aux femmes. Les conséquences de la grossesse sur une très jeune femme d’un quartier pauvre de Florence – ville où Chamorel a vécu – sont à nouveau abordées dans Les Verts paradis en 1960.
En 1963, dans Colin Maillard, elle se livre à une critique sans concession du mariage et de l’enfermement qu’il provoque, ce qui n’est pas sans rappeler les récits d’une autre écrivaine romande de cette époque, Alice Rivaz. Ainsi, aux côtés d’autres figures beaucoup plus connues comme Simone de Beauvoir, Chamorel contribue à préparer le terrain à l’essor du grand mouvement féministe des années 1970. Ses livres mériteraient d’être réédités aujourd’hui.
Propos recueillis par Maryelle Budry
Mercredi 12 février
20h UOG Université ouvrière de Genève