Les locataires se mobilisent à Zurich
Uni·es sous le slogan Wo, Wo, Wonige? (où, où, les logements?) depuis la fin des années 1980, les locataires zurichois·es ne cessent de se mobiliser face à la pénurie de logements abordables. Le 5 avril, environ 8000 locataires ont manifesté lors de la Wohndemo contre des logements trop rares, trop chers et une politique parlementaire inopérante. Entretien avec Nouri Abdelgadir chercheur en urbanisme, logement et migration à l’Université de Zurich et actif au sein du collectif de locataires Mietenplenum.

Quelle est la situation actuelle à Zurich et quelles en sont les conséquences sociales?
Pour les médias et les politiques, les deux grands problèmes actuels sont les loyers toujours plus chers et un taux de logements vacants à moins de 1%. Même la «classe moyenne» a toujours plus de peine à trouver un appartement. Ainsi, la majorité de la population peut être sensibilisée à notre cause.
En tant qu’activistes, nous reconnaissons ces problèmes, mais nous dénonçons aussi les inégalités existant dans le processus d’acquisition d’un logement. Par exemple, les personnes issues de la migration ou racisées sont évincées lors du tri des candidatures. Les politiques ne thématisent pas assez ce problème.
Votre recherche fait partie du projet Responsible Cities. Quelles sont ces «responsabilités»?
La première dimension est descriptive: comment les responsabilités sont réparties entre les communes, le canton, les propriétaires et les gérances. Ce que l’on constate, c’est que chaque entité semble renvoyer la balle aux autres et que finalement, personne ne se voit assigner de responsabilités concrètes.
La deuxième dimension est politique: qui devrait assumer la responsabilité de rendre le logement accessible? Dans ma future recherche, je souhaite donner la voix à la population tenue à l’écart du logement, une question sociale presque inexistante dans la recherche bien que primordiale.
Pour le moment, les politiques n’endossent pas cette responsabilité: le PLR a récemment proposé d’instaurer un «bonus autochtone» lors de l’attribution de logements pour éviter que les appartements de zones rebâties favorisent les nouveaux·elles arrivant·es.
Je comprends cette démarche pour protéger les habitant·es, mais cela peut devenir très problématique: si on favorise l’accessibilité des logements aux personnes qui habitent déjà un lieu, la répartition inégale des zones d’habitation et les injustices sociales et raciales vont s’accroître. Il existe un droit de rester dans un logement, bien sûr, mais aussi un droit de venir habiter la ville de Zurich…
La dimension écologique du logement est de plus en plus présente…
Les questions de la densification des villes et de l’écologie forme une tension complexe avec les questions sociales: une grande partie des démolitions se justifient par le besoin de constructions écologiques. Cependant, ceci provoque des expulsions de logements.
Nous pouvons nous demander si reconstruire entièrement un bâtiment est vraiment écologique… Il faudrait favoriser la rénovation et introduire des lois de protection des loyers, comme à Genève ou à Bâle où des lois strictes encadrent les rénovations, protègent les logements abordables et soutiennent les coopératives en leur attribuant des terrains à prix réduit – certes insuffisantes et perpétuellement combattues par la droite. Zurich ne dispose pas de loi équivalente, ce qui freine la lutte contre la spéculation.
Quelles étaient les revendications concrètes de la Wohndemo?
Le slogan principal demandait que le logement soit un «espace pour tousxte» et non des objets de placements à long-terme pour les propriétaires.
Cela suggère une volonté d’encadrer davantage les pratiques des propriétaires et des investisseur·ses. De manière générale, la Wohndemo proposait des revendications larges auxquelles tousxtes les locataires peuvent s’identifier: le logement doit être un droit fondamental! Nous revendiquons des espaces publics accessibles sans obligation de consommation, des logements et des locaux commerciaux pour tousxtes, indépendamment du statut de séjour, de l’âge, du revenu, de la couleur de peau, du nom ou de la forme du ménage.
Ces derniers mois, les résiliations de bail avant rénovation ont pris de l’ampleur dans le discours public, avec l’exemple récent des immeubles «SUGUS» dont la propriétaire a expulsé plus de 250 locataires pour maximiser son profit. Ce cas a fait beaucoup de bruit car il touche les revenus moyens.
Ce constat est (malheureusement) très intéressant: les résiliations avant rénovation ou augmentation de loyer de quartiers situés en agglomération se produisent depuis longtemps au sein des classes plus pauvres! Ce sont elles qui doivent impérativement être considérées et protégées.
Zélie Stauffer