3 x NON du 16 mai: Victoire populaire à ne pas brader

3 x NON du 16 mai: Victoire populaire à ne pas brader

Le 16 mai, le paquet cadeau fiscal en faveur des riches, la hausse de la TVA antisociale et la révision de l’AVS au dépens des femmes, avec élévation de leur âge de la retraite à 65 ans, ouvrant la voie aux 67 ans pour toutes-tous, se sont heurtés à l’écueil de la résistance populaire, exprimée dans les urnes, à une majorité des deux tiers.

La droite patronale était dépitée: «La Suisse est sans doute le seul pays du monde qui refuse des allègements fiscaux… la question du bon fonctionnement des institutions se pose», se lamentait la Chambre du Commerce et d’Industrie genevoise. Le think tank des multinationales Avenirsuisse affirmait: «On devrait diminuer le pouvoir des électeurs…», et revendiquait «moins de droits démocratiques» en critiquant ce «pouvoir de veto incongru et exotique qui empêche de conduire les réformes…».

En effet, ce vote montre que la résistance au rouleau compresseur néolibéral est possible. Comme l’écrivait, le 16 mai, la coalition nationale «A gauche toute!», dont fait partie solidaritéS, avec nos camarades du PST/POP et des listes alternatives alémaniques:

«Ce résultat représente un désaveu pour tous les partis gouvernementaux. Après la victoire contre la Loi sur le marché de l’électricité (LME) en 2002, c’est un nouveau rejet populaire majeur de la politique néolibérale qui donne raison à notre volonté d’opposer une politique de résistance déterminée, refusant les accommodements avec la droite et ses contre-réformes anti-populaires. Les trois NON ce dimanche ne relèvent pas d’une coïncidence, ils sont bien le refus d’une seule et même politique! Ce même refus pour lequel se battent les plâtriers-peintres suisses alémaniques en faveur de la retraite anticipée à 62 ans, comme les travailleurs-euses du secteur public genevois, qui par leur mobilisation exemplaire du 14 mai ont donné un exemple de solidarité et de détermination à toutes les travailleuses-eurs de ce pays et montré qu’au-delà des urnes, sur le terrain, Chacun-e peut et doit participer à la mobilisation sociale nécessaire pour battre la droite et sa politique!»

Deux voies s’ouvrent aujourd’hui, celle de l’opposition conséquente à une droite patronale qui maintient le cap, ou celle des accommodements, dans l’esprit du «consensus helvétique» dont l’association patronale economiesuisse chantait les louanges le 17 mai, en rappelant son caractère «diablement efficace» et plus réaliste – dans l’immédiat – à la «suppression de la démocratie directe»!

C’est ce pari de «faire vivre la concordance», qu’a repris le parti radical en convoquant le 4 juin, sous la coupole, sa «table carrée» à laquelle participeront les partis gouvernementaux, du PSS à l’UDC, pour arriver à une «analyse commune des problèmes urgents à résoudre» et faire avancer les «réformes».

Le PSS quant à lui déclare, par la bouche de son président, que le 16 mai démontre qu’«on ne peut gouverner ce pays contre le parti socialiste», que celui-ci «n’a jamais dit non dans une logique exclusive d’opposition» et que des «projets définis unilatéralement sans y associer étroitement le PS n’obtiendront pas de majorité dans cette législature.» Dans cet esprit, ce parti lance des appels du pied en direction du PDC et des radicaux pour qu’ils «se distancent de l’UDC»… Rappelons que c’est avec ce type de logique, que le PSS a failli accepter la 11e révision de l’AVS. S’il a basculé dans le camp de l’opposition référendaire, c’est que la majorité de droite n’a pas lâché les quelques centaines de millions nécessaires à la retraite anticipée à la carte, prix exigé par le PS pour un compromis incluant l’élévation de l’âge de la retraite des femmes à 65 ans.

A propos de la TVA, si nombre de socialistes, comme la présidente du PS genevois, reconnaissent que le «fait que le Conseil fédéral ait appelé à augmenter un impôt antisocial, tout en soutenant le paquet fiscal a été très mal perçu», on voit le PSS indiquer qu’il soutiendra la nouvelle proposition de hausse de cet impôt en faveur de l’AI, plutôt qu’une augmentation des cotisations beaucoup plus sociale. Sur l’allègement du droit de timbre sur les transactions en bourse, volet du paquet fiscal rejeté que le Conseil fédéral entend resservir derechef, le PSS est prêt à «soutenir cette réforme», s’il s’avère que les raisons de l’imposer en 2000 de manière provisoire par arrêté urgent «sont restées les mêmes».

Pourtant, la votation du 16 mai le démontre, pour «battre la droite» le bon chemin n’est pas de lui demander d’être «associé» à sa politique pour rendre chaque pilule un peu moins amère, mais de combattre pied à pied chacune de ses mesures antisociales… de faire le lien entre elles, de mobiliser les gens sur le terrain. C’est cette voie qui permettra de modifier le rapport de force social réel et de gagner d’autres batailles… en dessinant aussi la perspective d’une contre-offensive de longue haleine, qui brise avec la logique du profit et du tout-au-marché.

Pierre VANEK