Les femmes payeront double facture!

Les femmes payeront double facture!

Les milliers de femmes qui ont manifesté leur colère à Berne, suite à l’élection du Conseil fédéral le 10 décembre 2003, ne s’y trompaient pas: le trio Blocher-Merz-Couchepin a fait lever une tornade anti-féministe, raciste et antisociale. Les effets destructeurs sont visibles à tous les niveaux.

L’UDC et la droite dure ne le cachent même plus: pour eux, c’est clair, les femmes sont allées trop loin dans leur capacité à s’émanciper et dans leur volonté d’autonomie; l’heure du retour au foyer a sonné. Restrictions budgétaires à tous les niveaux, affaiblissement des assurances sociales, privatisation des services publics, référendum contre le congé maternité payé: toutes ces mesures concourent à une même politique réactionnaire et touchent prioritairement les droits que les femmes ont conquis grâce aux luttes qu’elles ont menées depuis le début des années 70 dans le Mouvement de Libération des Femmes (MLF) d’abord, puis dans les syndicats.

Par tous les bouts, le machisme dominant impose ses solutions: réorganisations multiples dans la santé sur le dos des femmes, diminutions de l’offre publique dans l’enseignement, remise en cause des structures d’accueil de la petite enfance, multiplication des contrats de droit privé dans les services publics (avec engagements précaires, à temps flexibles et partiels), travail sur appel, mandats ponctuels, chômage.

Dimanche 13 septembre, le chef de l’Office fédéral de la santé, interviewé dans le cadre de l’émission «Forum», répandait ainsi tranquillement son venin machiste sur les ondes de RSR1: «dans les hôpitaux, de nombreux malades sont insuffisamment suivis, notamment au moment des repas» relevait-il très justement, mais la solution, il ne la cherche évidemment pas du côté d’une embauche supplémentaire. Il faut, préconise-t-il, «que les familles s’impliquent davantage pour tenter de décharger le personnel soignant surchargé de tâches».

D’une pierre, quatre coups au moins! Tous lancés contre les femmes:

  1. Restrictions budgétaires dans la santé publique = blocage des salaires et des postes de travail (dans la santé la majorité du personnel sont des femmes). Moins d’embauche de femmes formées = importantes économies faites sur leur dos.
  2. Moins d’infirmières, moins de personnel hôtelier dans les hôpitaux = chômage accru de femmes bien formées et qui pourtant seraient fort utiles aux malades.
  3. Moins de lits dans les hôpitaux (une autre façon de faire des économies…) = plus de malades renvoyé-es à la maison avant une guérison complète = charge supplémentaire pour les familles (9 fois sur 10 c’est une femme qui assumera à domicile ce travail gratuit)
  4. Moins de personnel dans les hôpitaux pour assurer les soins = obligation pour les familles de se rendre à l’hôpital pour s’occuper sur place de «leur» malade.

Equations simples avec une constante: les femmes, par vocation ou par nature, sont destinées au sacerdoce et au bénévolat. Et tant mieux si elles ont appris un métier dans la santé; il leur sera utile, quoiqu’il arrive… Et tant pis pour leur indépendance économique, il n’y a pas que l’argent qui compte. Cynique? Peut-être. Machiste et anti-social, à coup sûr.

Crèches et structures d’accueil de la petite enfance

A force d’insistance et de mobilisations durant des années, les femmes ont obtenu sur ce plan, des résultats visibles: aux solutions souvent précaires, auxquelles le mères devaient recourir au cours du XXème siècle pour leurs enfants en bas âge, s’est finalement substituée une loi fédérale et des lois cantonales, voire communales, favorisant l’ouverture de crèches et de structures d’accueil. Un pas essentiel pour l’émancipation des femmes, et reconnu comme bénéfique pour la socialisation et l’épanouissement des enfants.

A peine mise en place, cette loi est remise en cause dans son application concrète. Les raisons invoquées sont partout les mêmes: diminution de subventions (économie oblige), financements insuffisants pour garantir des lieux d’accueil de qualité, difficultés matérielles (manque de locaux adéquats) conduisent à la fermeture de crèches ou empêchent la création de nouvelles structures d’accueil.

Tout le monde le sait: 9 fois sur 10, même bien formées, diplômes en poche après des études bien réussies, ce seront les femmes qui retourneront à la maison pour garder leur(s) enfant(s). Egalité des droits, où te caches-tu?

«Les femmes et les enfants d’abord!»…

Une chose est claire: ces coups (comme d’autres) portés prioritairement contre les femmes ne nuisent pas qu’à elles seules:

Le démantèlement de la prévoyance sociale et des services publics, sous prétexte que l’Etat manque d’argent pour continuer à financer une politique sociale nuit à la très grande majorité de la population. Ces divisions (de classe) plus affirmées – entre femmes et hommes, suisses et non suisses – sont une des forces du capitalisme dans sa version néolibérale. Seule une toute petite minorité y gagne, mais elle détient le pouvoir et l’exercera tant qu’on la laissera faire.

Seules des résistances sur la durée et des mobilisations conjuguées au pluriel peuvent s’ériger en antidotes au traitement de choc qu’on nous impose ici, comme partout ailleurs où la gauche est trop molle et trop faible pour contrer ces politiques néolibérales qui s’imposent du Nord au Sud, sur le plan mondial.

Marianne EBEL