Genève: haro sur les fins de droits
Genève: haro sur les fins de droits
Il ne fait pas bon être chômeur/euse par les temps qui courent, on pourrait en dire autant pour les salarié-e-s. En effet, tout employé-e a appris à se considérer comme un-e chômeur/euse potentiel dans le raz-de-marée de dérégulation néolibérale déferlant en Suisse depuis le début des années 1990.
A Genève pourtant, depuis quelque années on vit sous le régime dun «compromis». En résumé, il sagit dune sorte dacceptation de ce phénomène lié au système capitaliste par les uns, avec en contre-partie des mesures pour reporter «le plus tard possible» les affres de la misère pour celles/ceux qui, pour diverses raisons, notamment dâge, ne pourraient pas retrouver un travail dans le délai cadre fixé par la Confédération.
Occupations temporaires en danger
Ainsi depuis 1996, Genève a mis en place un système dembauche dans ladministration, durant une année, de chômeurs/euses ayant épuisé le droit au chômage, afin de pouvoir rouvrir, après cette période de travail, un nouveau droit. Un délai de cinq ans étant ainsi octroyé, permettant dêtre dans une position un peu plus confortable lors de la négociation de son salaire ou des offres demploi à effectuer. Cette mesure a contribué à ne pas abaisser systématiquement les salaires de certaines branches. Quand les rémunérations proposées par les employeurs ne correspondent pas aux usages de la branche. les chômeurs/euses ont un peu de temps pour voir venir. Un gros bémol simpose bien sûr, en effet le nombre de travailleurs/euses ayant une activité professionnelle ne leur permettant pas de vivre décemment a passé à Genève de 2% à 6% en 10 ans!
Pourtant, les plus réactionnaires des milieux économiques navaient pas dit leur dernier mot. A la faveur du changement de majorité parlementaire et sous prétexte dune étude pourtant nuancée1, ils re-viennent en force en proposant la suppression pure et simple des occupations temporaires.
Cette étude a été menée par lObservatoire universitaire de lemploi, sur la base des statistiques du SECO. De manière générale, mais on le savait déjà, les conclusions de cette enquête font ressortir que le chômage à Genève est «plus visible» que dans le reste du pays.
Une étude qui met le doigt sur la politique économique du canton
Le taux dactivité de la population du canton étant denviron 60 %, il est évident, par exemple, que les femmes, revendiquent légitimement leur droit au travail et en conséquence sinscrivent au chômage.
Lanalyse montre quune augmentation du pourcen-tage de main-duvre étrangère établie (permis C) contribue à accroître le taux de chômage cantonal. Et que, depuis le début des années 90, la présence de travailleurs saisonniers stabilisés contribue à renforcer taux et durée du chômage. En dautres termes, la politique du canton consistant à importer de la main-duvre bon marché et peu qualifiée puis à lexporter en cas de crise na plus fonctionné ces dernières années. Le canton doit donc se donner les moyens de mettre en uvre une politique de formation conséquente visant à requalifier lensemble de cette main duvre sur le long terme.
De plus, létude indique que lâge influence la durée du chômage. Il apparaît – fallait-il une étude pour le constater? – que les personnes âgées éprouvent plus de difficultés à retrouver un emploi, leur durée de chômage sen trouve donc prolongée. A noter deux phrases qui résument la problématique: «La sortie du chômage vers lemploi augmente cependant très fortement à lapproche de la fin des indemnités fédérales ce qui témoigne du fait que le salaire de réserve des personnes dépourvues de travail a tendance à diminuer très fortement lorsque la fin des indemnités chômage se profile, incitant les chômeurs a accepter des emplois quils auraient sans doute refusés auparavant compte tenu des conditions de salaires qui leur sont proposées.» en outre: «les conditions travail et de rémunération en vigueur dans certains secteurs qui ne sont pas suffisamment attractives, souvent trop proche des prestations sociales, pour inciter les chômeurs à reprendre un emploi» sont stigmatisées.
Sur la base de ces différents constats, il appartenait aux autorités de définir de nouveaux critères, notamment de formation, pour une politique de réinsertion professionnelle couronnée de succès. Nous en sommes loin. En effet, travestissant les résultats de cette enquête, la droite néolibérale du parlement, avec en tête le radical Pierre Kunz, a organisé une cabale contre les chômeurs/euses; les traitant de profiteurs, médisant sur leur volonté de retrouver un emploi, stigmatisant les soi-disant «largesses» de lEtat social et l«oreiller de paresse» que seraient les occupations temporaires.
Cette droite patronale veut simplement supprimer cette mesure de soutien au chômeurs/euses de longue durée. Aucun projet de loi nest encore déposé, mais cest une question de semaines. Nous aurons donc à y revenir. La campagne fédérale qui sannonce in-fluencera directement lavenir des occupations temporaires à Genève. Un référendum cantonal sera peut-être nécessaire. Il sagit donc, dès aujourdhui, de regrouper les forces de notre mouvement pour combattre résolument ces tentatives antisociales tant au niveau fédéral que cantonal.
Rémy PAGANI
- Les raisons de la différence entre les taux de chômage genevois et suisses Observatoire universitaire de lemploi, laboratoire déconomie appliquée Prof Yves Flückiger