Tunnel du Mont-Blanc: à quand les 40 tonnes?
Tunnel du Mont-Blanc: à quand les 40 tonnes?
Le jour de la ré-ouverture du tunnel aux voitures, samedi 9 mars 2002, plusieurs milliers de manifestant-e-s ont montré à Chamonix leur opposition et au retour des T.I.R. dans la vallée et leur détermination.
Dernièrement, la LCR a organisé une réunion publique à Servoz (vallée de Chamonix) avec la participation de Roseline Vachetta, députée européenne chargée des questions denvironnement. A cette occasion, nous avons rencontré Laure Schmutz, présidente de lAssociation du Bassin de Servoz (ABS), une des associations en lutte contre le retour des camions dans la vallée de Chamonix, et première adjointe au Maire de Servoz.
Ses propos traduisent lexaspération de la population dont lavis est systématiquement nié par les autorités: ministre, préfet et autres décideurs représentants du lobby routier. Ainsi, les élus des trois communes de Chamonix, les Houches et Servoz se sont fait remet-tre en place par le préfet de Haute-Savoie qui les a déférés au tribunal administratif: ils avaient organisé malgré son interdiction un référendum populaire sur le retour des camions. Laure cite un autre exemple ahurissant où un commissaire enquêteur donne un avis favorable à la réalisation dune aire de contrôle des matières dangereuses malgré 850 et quelques «non» contre un «oui» lors de lenquête dutilité publique.
Il nest bien sûr pas tenu compte des milliers de signatures recueillies par pétitions, ni des études et recherches indépendantes proposant des solutions sérieuses à court et moyen termes pour éviter à moindre coût le retour des camions dans un tunnel qui reste inadapté: bande de roulement de 7 mètres seulement, pas de vrai tunnel dévacuation, dangerosité des voies daccès
Qui parlera encore de démocratie?
Lanalyse que fait lABS du rôle des transports routiers dans le système économique dépasse largement les préoccupations chamonio-chamoniardes de pureté et de blancheur immaculée: «Il nest pas inutile de répéter que nous refusons la logique du PROFIT
ce profit qui est la principale cause de la mort de 39 personnes ici, et de bien dautres ailleurs, et qui est trop souvent et habilement remplacé par INTERET GENERAL».
Nous partageons cette analyse. En effet, cest laccroissement de la circulation des marchandises et des échanges internationaux, très supérieur à laccroissement de la production, qui est à lorigine de limplacable augmentation des flux routiers. Cest la recherche de la flexibilité dans la production, des coûts salariaux les plus bas et la gestion de la production en «flux tendu» qui provoque cet afflux des camions sur les routes car c est tout le stockage qui est ainsi «externalisé». Cela est dautant plus rentable pour les entreprises que les investissements routiers sont pris en charge par la société toute entière, ainsi que les coûts sociaux en matière de santé (accidents, pollutions).
Ne nous leurrons pas: les mesures de sécurité, certes indispensables, permettent aussi une augmentation continue des tonnages véhiculés tout en maintenant un niveau «tolérable» daccidents. Et si aujourdhui 1,6 million de poids lourds traversent les Alpes françaises du Nord, la perspective est den avoir 3,5 millions en 2020 (in Le Monde du 2/10/2001).
La politique du tout-camion est catastrophique sur le plan énergétique: le pétrole brut consommé par les transports routiers représente 30% du total de lénergie consommée en Europe. Cette circulation des marchandises, vorace en énergie, ne crée pas de richesses, nécessite des infrastructures démentielles aux coûts sociaux démesurés, dans des milieux fragiles, et ne peut que nous interroger quant aux priorités sociales et écologiques de ceux qui nous limposent.
A lheure où la réouverture du tunnel aux camions est une question de jours (!), laissons la parole à lAssociation du Bassin de Servoz: «Notre problème local ne peut en aucun cas être détaché des problèmes économiques généraux. Nous sommes plus déterminés que jamais contre le retour des camions. La crédibilité de notre cri sera fonction de la mobilisation de la vallée et il va falloir continuer à montrer notre détermination quitte à payer de notre personne».
La seule alternative au tout-routier où seul compte le profit, cest apprendre à consommer autrement, cest la priorité au rail, au fluvial, au maritime, à la réorganisation du transport pour éviter tout trafic inutile de marchandises, à linterdiction de laccès des camions au tunnel du Mt-Blanc et de la traversée de tous les massifs montagneux par les camions.
Maryse CREVEAU
LCR 74