Olivier Besancenot invité du PCF au Zénith
Olivier Besancenot invité du PCF au Zénith
Le 14 avril dernier, Olivier Besancenot, porte-parole de la LCR et candidat aux élections présidentielles 2002 en France, était l’invité du Parti Communiste Français, dans son grand meeting contre la Constitution européenne au Zénith. Nous reproduisons son allocution. (réd)
Je tiens à vous dire, pas simplement au nom de mon parti, mais également en mon nom propre à quel point je suis touché et enthousiaste d’être là. C’est pourquoi je tiens à remercier le Parti communiste, ses militants pour cette invitation et je dois dire que, pour moi c’est une première. Touché, parce que cela fait un bout de temps que l’on se disait qu’il fallait bien que cela arrive, qu’il fallait bien qu’on se retrouve un jour.
Depuis des années, nous nous croisons dans les différents combats militants et dans les différentes luttes. Il fallait donc bien qu’on se retrouve un jour pour une bataille politique unitaire. Et ce combat anticapitaliste contre la Constitution, c’était le moment à ne pas rater. Car l’enjeu du référendum est réellement crucial et décisif: il s’agit bien de savoir quel type de société on construit.
On le sait, cette Constitution du point de vue démocratique, social, mais aussi militariste, ne représente pas un rempart à la mondialisation actuelle. Au contraire, elle est un des meilleurs supporters de la World Company. L’Europe qu’ils construisent n’est donc en rien un contrepoids ou un modèle alternatif aux Etats-Unis. Cette Europe rivalise, concurrence les Etats-Unis, mais sur son propre terrain, celui du capitalisme. Une Europe plus royaliste que le roi, qui cherche à contester aux Etats-Unis son rôle de leadership, mais à l’intérieur de la mondialisation.
L’enjeu est crucial donc, mais nous avons deux bonnes raisons d’être enthousiastes. Deux bonnes raisons, car non seulement le NON peut aujourd’hui l’emporter, mais en plus, s’il l’emporte, ce sera par la gauche, car c’est dans ce camp que les choses peuvent basculer. Et tout ça, c’est grâce à cette campagne unitaire, militante que nous effectuons depuis le début avec le Parti communiste, la LCR, les opposants des Verts, ceux du PS, mais aussi et surtout tous les animateurs et animatrices du mouvement social.
On le sait, depuis le début, le NON de droite a fait le plein de ses voix: c’est l’électorat de l’extrême droite, version Le Pen ou de Villiers. Ceux-là, on les laisse où ils sont, c’est-à-dire au Moyen Âge. En revanche, si les choses peuvent basculer à gauche, c’est parce que le climat social a changé. Depuis janvier, de nombreuses mobilisations sociales se sont succédées, sur les services publics, pour les salaires, contre les licenciements et, bien entendu, le mouvement lycéen. Toutes ces luttes ont eu une traduction immédiate: la poussée dans le pays d’un NON qui n’est ni raciste, ni chauvin, ni anti-turc, mais un NON social, européen et antilibéral. ( ) La victoire du NON, ce serait l’espoir d’un nouveau départ qui aurait des répercussions d’un point de vue social et politique.
D’un point de vue social d’abord, en France et en Europe. Ce serait la possibilité pour les mouvements sociaux de repartir du bon pied, d’établir un nouveau rapport de forces contre les gouvernements nationaux, mais aussi contre les institutions européennes actuelles. Ce serait la possibilité de poser les jalons de la construction d’une autre Europe, en établissant de nouveaux critères de convergence, pas financiers et économiques cette fois-ci, mais sociaux et démocratiques. Nous voulons prendre le meilleur de la législation d’un pays pour en faire profiter toutes et tous, car il n’y a pas de raison qu’on ne se partage que la misère. ( ) Le gouvernement a bien compris que plus les luttes montent, plus le NON grimpe dans les sondages. C’est ça notre force.
Répercussions politiques enfin, en termes de nouveau départ. Car, dans ce référendum, c’est aussi à gauche qu’il faut remettre les pendules à l’heure. Nous avons la possibilité de faire le choix d’une autre orientation politique à gauche, une gauche 100% à gauche. C’est-à-dire une gauche qui ne succombe pas à l’air du temps, qui ne succombe pas à l’idée que le capitalisme serait un horizon indépassable, et que du coup il n’y aurait qu’à la marge qu’on pourrait changer les choses. Oui, l’espoir d’une gauche anticapitaliste, capable de se battre jusqu’au bout pour augmenter tous les revenus de 300 euros en répartissant de façon égalitaire les richesses. Une gauche qui s’opposerait aux privatisations, mais lutterait aussi pour étendre le service public à des domaines comme l’eau. Une gauche qui se battrait pour interdire les licenciements collectifs, notamment dans les entreprises qui font du bénéfice. Une gauche enfin, qui se battrait tout simplement pour appliquer parfois la loi, la loi de réquisition des logements vides par exemple. ( )
Notre espoir ne craint pas les agressions de la droite. Mais il ne redoute pas non plus les ambitions de la gauche sociale libérale. Il est temps que la gauche sociale libérale comprenne qu’elle n’est plus hégémonique sur l’ensemble de la gauche. Qu’elle comprenne qu’on ne règle pas les problèmes politiques de fond avec des amalgames scandaleux entre notre NON anticapitaliste à la Constitution par exemple, et celui de l’extrême droite. Il est temps que la gauche sociale libérale comprenne qu’elle ne nous fera pas faire demain, dans les institutions, le contraire de ce que nous défendons aujourd’hui sur la place publique, dans le cadre de ce combat anticapitaliste commun. Bref, il est temps qu’elle comprenne que ce combat anticapitaliste unitaire n’ira pas mourir demain dans un gouvernement libéral qui appliquerait dans les faits la Constitution, ou même une Constitution light, à peine amendée, si le NON l’emportait.
Alors, pour clore les discussions, certains nous reprochent de parasiter ce référendum. Quand nous affirmons possible un autre choix de société, ils nous traitent de romantiques. Je ne savais pas que c’était une insulte. Et pour tout dire, je suis fier de faire partie de ceux qui, y compris dans cette campagne, n’oublient pas de dire qu’une autre société que le capitalisme est encore possible.
Olivier BESANCENOT