Dans les bacs

Dans les bacs

Réédition d’une pépite

Il avait fallu attendre la sortie, l’année passée, de Carbon Glacier, son quatrième opus, pour découvrir de ce côté-ci de l’Atlantique, le talent surprenant de Laura Veirs, songwriter au charme aussi discret qu’envoûtant, dont le folk épuré a conquis la scène indépendante des Etats-Unis. Le succès de Carbon Glacier a amené son label, Bella Union, à diffuser en Europe le précédent CD de Laura Veirs, Troubled by Fire (2003), sur lequel on retrouve rien moins que le guitariste Bill Frisel. Mais La grande surprise que nous a réservée l’équipe de Bella Union, est arrivée le mois dernier dans les bacs: la réédition de l’album auto-produit de 2001, The Triumphs & Travails of Orphan Mae. Cet album concept, qui évoque l’histoire d’une jeune femme voyageant dans l’ouest des Etats-Unis, s’inscrit plus dans la tradition country-blues que dans le folk épuré et atmosphérique de Carbon Glacier. Tout simplement splendide.

Laura Veirs, The Triumphs & Travails of Orphan Mae, Bella Union.

Un ange noir et envoûtant

Enfin un bon disque folk-rock urbain new-yorkais! Ça faisait longtemps qu’on n’avait plus entendu quelque chose d’aussi bon que Come Down, premier album de l’ancienne barmaid Tara Angell. Les ambiances âpres et mélancoliques, à la fois déprimantes et apaisantes, font penser au mythique Blonde on Blonde de Bob Dylan et la voix de Tara Angell fait agréablement penser à celle de Marianne Faithfull de la période de Broken English. Une beauté sombre agrémentée d’un son une peu «sale» qui évoque l’atmosphère enfumée et tamisée des bars où le whiskey coule à flot, à mille lieues des albums pop sur-produits et ripolinés. Tara Angell est une révélation époustouflante et c’est avec impatience qu’on attend d’entendre la suite.

Tara Angelle, Come Down, Rykodisc.

Les côtés lumineux de la vie

Marc Olivier Everett, a man called E, est sans conteste un artiste de grand talent. Auteur, compositeur et interprète, il a marqué les critiques avec Beautiful freaks, premier album de Eels, après deux disques solos. Everett va ensuite passer par une phase particulièrement difficile durant laquelle il perdra successivement l’ensemble des membres de sa famille. Il en résultera le sublime Electro Shock Blues, dans lequel il chante toutes ses désillusions. Trois album plus tard, Eels revient avec un somptueux double CD de 33 titres, lumineux et dégageant un sentiment de bien-être et de plénitude tout simplement hallucinant. Blinking lights & other revelations est un projet introspectif de longue haleine, qui a débuté à l’époque du noir Electro Shock Blues. De la mélancolie, Everett semble être passé à l’espoir vivifiant et on ne peut que s’en réjouir. Plus efficace que n’importe quel antidépresseur!

Eels, Blinking lights & other revelations, Vagrant

Music-shake

Avec Human (2003), Nitin Sawhney avait déjà quitté le cadre un peu restreint de la scène électro de Bristol, en dépassant le simple métissage entre musique urbaine anglaise et musique traditionnelle indienne et en développant un groove plus éclectique que lors de ses débuts. Avec son septième CD, Philtre, l’artiste semble arriver au sommet de cette expérience. Jamais la musique de Nitin Sawhney n’a brassé autant de styles, avec une maîtrise aussi poussée. On y croise sur un fond d’électronica, de la pop, de la musique orientale, du rock, du blues, du folk, du rap et même… du flamenco. Si les irréductibles amateurs de Badmarsh and Shri et autres Trilok Gurtu, resteront une nouvelle fois sur leur faim avec un brin de nostalgie, Nitin Sawhney leur rappelle néanmoins qu’il n’a pas complètement tourné le dos à son passé avec l’envolée Drum’n’Bass du morceau «The Search».

Nitin Sawhney, Philtre, V2 Records.

Extrême pop

La pochette de I am a Bird Now, nouvel album d’Antony and the Johnsons, frappe lorsque l’on tombe dessus en épluchant les bacs des disquaires. Sombre et triste, la reproduction d’une photo de Candy Darling, égérie de Warhol, couchée sur un lit blanc avec une rose noire, prise peu de temps avant sa mort en 1974, est forcément un symbole pour cette partie torturée d’Antony, âme féminine enfermée dans un corps d’homme, à la recherche incessante d’un équilibre fragile. Le ton est donné. I am a Bird Now est une longue complainte mélancolique d’une beauté acide, sur laquelle vole une des plus stupéfiante voix du moment. Outre le style soul-pop inclassable et tellement extrême, d’Antony and the Johnsons, qui justifie à lui seul l’acquisition de ce chef-d’œuvre, on découvre avec plaisir sur ce second album la complicité de Boy George, Lou Reed, de Rufus Wainwright ou encore de l’icône new-folk Devendra Banhardt. Un disque inclassable et envoûtant.

Antony and the Johnsons, I am a Bird Now, Rebis Music

Atmosphères finlandaises

Entre réalisme esthétique et folie douce, le Finlandais Marko Nyberg à l’origine de Husky Rescue, a retranscrit en musique les atmosphères qui l’habitent, dans son quotidien à Helsinki. Il en ressort un disque, Country falls, oscillant entre folk doux et trip hop aérienne. Nyberg nous offre une musique lounge, qui s’apparente à une bande originale imaginaire d’un long-métrage agréablement déphasé qui n’existe pas. Les fan de Röyksopp apprécieront cette galette cotonneuse, douce et aux arrangements parfaits. En écoutant bien, on peut y entendre le murmure du silence.

Husky Rescue, Country Falls, Catskills

Erik GROBET