A lire

Pour un monde multipolaire
Samir Amin
Editions Syllepse, Paris, 2005, 230 pages. ISBN: 2-84950-063-1

Samir Amin qui, comme son ami François Houtart, fait preuve à plus de 75 ans de vigueur et de prodigalité intellectuelles époustouflantes, met en perspectives les grandes forces qui dessine le monde actuel soumis à «l’impérialisme collectif de la Triade composée par les Etats-Unis, l’Europe et le Japon et à travers laquelle s’exprime la solidarité fondamentale du capital dominant.» Il réaffirme l’indispensable lutte pour un monde multipolaire et désigne les conditions stratégiques pouvant permettre son émergence, passant en revue les alternatives possibles dans quelques régions clés: d’abord les diverses composantes de cette «triade», puis la Chine, l’Inde, la Russie, les Suds ensuite, en commençant, pour ce dernier vaste ensemble, par «un bilan critique» de ce qu’il appelle «l’ère de Bandoug, 1955-1975»¹. La solidarité des Suds peut-elle être reconstituée? se demande-t-il dans une analyse toute en nuances qui soupèse les potentialités et trace les conditionnalités stratégiques d’un changement. Enfin, comme il l’avait déjà fait dans le livre du CETIM (2005) «ONU: loi du plus fort ou droits pour tous», il évalue le rôle que pourrait jouer cette institution et dessine ce qui en constituerait une réelle réforme.
Certaines des conclusions d’ordre stratégique de l’auteur ne rencontreront peut-être pas l’assentiment de tous ses lecteurs et lectrices. Elles ont le grand mérite de jeter un regard le plus analytique possible sur les réalités concrètes, en le dépouillant de tout lyrisme idéologique, et de se placer dans la longue durée. (fr)

1. Du nom de la ville où, pour la première fois, les chefs d’Etat des pays d’Asie et d’Afrique ayant reconquis leur indépendance s’étaient réunis et où avait été lancé ce qu’on a appelé par la suite le «mouvement des non-alignés».

Les luttes paysannes et ouvrières face aux défis
du XXI^e siècle: L’avenir des sociétés paysannes
et la reconstruction d’un front uni des travailleurs
Coll. sous la dir. de Samir AMIN.
Forum mondial des alternatives, éd. Les Indes savantes, Paris, 2005, 368 p. ISBN: 2-84654-089-6.

Parler d’alliance ouvriers-paysans peut résonner comme «obsolète» à bien des oreilles européennes. Et pourtant, considérée à l’échelle du monde, la question posée est probablement plus actuelle que jamais. Mais elle se présente en de nouveaux termes, souvent différents d’un lieu à un autre, qui ont surtout en commun la gravité des attaques subies par les paysans pauvres et les travailleurs urbains précarisés dans le monde entier, soit par la grande majorité de la population de la planète. Il y a lieu donc d’examiner précisément la diversité des situations.

Sous la direction de Samir Amin, une quinzaine d’analystes de premier plan s’y sont employés. Chacune de leurs contributions mérite une lecture attentive. Y sont tour à tour abordés la Chine, l’Inde, le Sri Lanka, les Philippines, l’Egypte, l’Ethiopie, l’Afrique de l’Ouest, le Zimbabwe et l’Afrique du Sud, le Brésil, la Pologne, l’Algérie, le Nigeria, l’Ouganda… (fr)

La fracture agricole & alimentaire mondiale:
nourrir l’humanité aujourd’hui et demain
dirigé par Marcel Mazoyer ­et Laurence Roudart
Universalis, collection Le tour du sujet, Paris, 2005, 196 pages. ISBN: 2-85229-792-2.

Egalement sur la question agraire, ce livre dirigé par les auteurs de l’excellente Histoire des agricultures du Monde (Le Seuil, 2002) expose magistralement le processus technique qui a conduit en un siècle aux énormes disparités de productivité existant aujourd’hui entre les différentes catégories de «paysans» et indique pourquoi l’immense majorité d’entre eux sombre dans la pauvreté la plus extrême. Un tiers de la population rurale souffre de graves carences alimentaires et c’est en son sein qu’on dénombre près des trois quarts des malnutris. L’ouvrage souligne aussi l’aberration de la libéralisation du marché agricole mondial, dissèque les mécanismes qui y prévalent et plaide pour une refonte des échanges internationaux dans ce domaine, fondée sur une souveraineté alimentaire. (fr)

Délégitimer le capitalisme: reconstruire l’espérance
François Houtart
Colophon éditions, Bruxelles, 2005, 208 pages. ISBN: 2-930254-13-0.

Sociologue, prêtre, communiste, fondateur et directeur du Centre tricontinental à Louvain-La-Neuve, François Houtart entreprend une «délégitimation» systématique du capitalisme en décortiquant ce système sous tous ses aspects (chapitres 1 et 2). Au chapitre 3, il dessine le contenu nécessaire d’une alternative, qu’il met au pluriel, et trace les éléments méthodologiques pour définir les étapes concrètes de sa maturation et de son avancement. «Les stratégies, elles aussi, écrit-il en postface, sont des réalités concrètes et ne peuvent se satisfaire de la simple expression d’aspirations et de désirs. Certaines ont fait leurs preuves, d’autres sont remises en question. Il faut éviter les écueils du dogmatisme, comme ceux de l’amateurisme. Bref, les luttes sociales sont loin d’être à réinventer complètement, même si elles revêtent un nouveau visage. Un processus de maturation est en cours, qui prendra son temps, mais qui en même temps est urgent, vu les enjeux». Enfin, en tant que chrétien très actif dans l’élaboration de la théologie de la libération – le choix des mots dans le titre de l’ouvrage le laisse entendre –, l’auteur s’attache à définir «la place du croyant dans les luttes sociales» (chapitre 4) mais aussi, comme le souligne Samir Amin dans une courte préface, en quoi cette théologie «conflue naturellement avec tous les autres courants de la pensée humaniste dans la construction de l’avenir socialiste possible et nécessaire.» (fr)

Tous ces livres sont disponnibles au CETIM
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