Législatives italiennes: les dangers d’une élection

Législatives italiennes: les dangers d’une élection

A moins de deux mois des élections législatives italiennes du 10 avril, les inquiétudes de la gauche alternative se confirment. Afin de participer – à tout prix – à un éventuel gouvernement, Refondation communiste s’est attelée à l’Union, coalition avec les forces de centre gauche, emmenée par le social-libéral et ex-président de la Commission européenne Romano Prodi.

Refondation communiste (PRC) a signé le programme politique de cette alliance, qui se présentera aux prochaines élections législatives, les 9 et 10 avril prochains. C’est sur la base de cet accord qu’elle entend gouverner durant les cinq prochaines années. Ce programme, qui a été jugé très positif par la majorité de la direction du PRC, ne présente en réalité aucun rapport avec l’«alternative de société» ou avec la «grande réforme» qui figuraient pourtant au nombre des objectifs de la majorité du parti, dans le document adopté au dernier congrès.

Un programme libéral

(…) PRC n’a pu modifier le néolibéralisme du programme d’Union, lequel s’affirme dans la continuité des conceptions de l’ex-président de la Commission européenne, Romano Prodi. Cinq éléments décisifs indiquent la continuité libérale de ce programme: le respect du Pacte de stabilité européen, la référence à la stratégie de Lisbonne de l’Union européenne, la continuité des politiques de privatisation, une politique économique en cohérence avec ces références et la défense d’une armée européenne.

La direction a reconnu que le programme d’Union vise à la relance du système industriel italien: il propose de toucher (partiellement) à la rente mais non aux profits du capital. Il n’est pas anodin que même les banques se soient coalisées aux côtés du centre gauche… L’impossibilité de faire figurer au nombre des objectifs l’abrogation des lois les plus infâmes du gouvernement Berlusconi – par exemple la loi 30, qui déréglemente complètement le marché du travail, ou celle de la ministre Moratti, qui privatise l’école – en accroît encore la dimension négative.

Certes, l’abrogation la loi honteuse de Bossi-Fini sur l’immigration est bien promise. Mais les fameux centres de détention sont maintenus. Or, ils s’apparentent à de véritables camps où sont enfermés des immigré-e-s n’ayant commis aucun délit, mais que l’on souhaite renvoyer dans leur pays d’origine. (…). Le programme reste aussi silencieux sur le refus de la guerre. Le retrait de l’Irak est ainsi conditionné à une concertation avec les autorités irakiennes, à une garantie de «transition démocratique» et à un réengagement «radicalement différent» de l’Italie. Voilà qui ne clarifiera rien… Quant aux droits civils, on reste très en deçà des choix de Zapatero en Espagne.

Moderniser le capitalisme

En conclusion, au-delà d’engagements toujours très généraux, comme ceux sur la taxe Tobin ou sur le «plein et bon emploi», il ne ressort qu’une ligne directrice: la modernisation capitaliste du pays, visant un système de libre marché rendu plus efficace par des procédures diversifiées de contrôle. Une philosophie de modernisation dont le capital italien a le plus urgent besoin pour s’intégrer dans le processus d’unification européenne.

Il suffit, pour s’en convaincre, de prendre la proposition fondamentale de Prodi, soit la réduction de cinq points du coût du travail. (…) C’est une dimension essentielle de l’alliance stratégique avec le grand capital industriel. Les mesures positives figurant dans le texte risquent, du même coup, d’être vidées de tout contenu. Enfin, signalons que les promesses de participation populaire à l’élaboration du programme sont restées lettre morte: tout s’est passé dans l’univers clos des secrétariats de partis et des experts.

Une stratégie erronée

Ce résultat est le fruit d’une stratégie erronée, ayant interdit toute confrontation véritable, dès lors qu’un accord de gouvernement avait été garanti avant même que les contenus soient discutés. A la fin, la réalité des rapports de force politiques et sociaux, ainsi que les choix du centre gauche ne pouvaient que permettre à la logique sociale-libérale de l’emporter. Les événements des dernières semaines n’auront fait que le confirmer.

Non seulement les forces du centre droit se sont livrées à une attaque violente contre les positions du PRC, mais le centre gauche aura été à l’origine d’une vive campagne contre Refondation, exigeant son alignement total sur les choix néolibéraux effectués. Cette campagne aura été orchestrée par certains organes de presse, et elle aura notamment visé les candidats les plus radicaux présentés par le PRC. (…)

Andrea BASSI*

* Paru dans Rouge, n° 2147. Coupures et intertitres de la rédaction.