Le RMR devient RI: suspicion et économies

Le RMR devient RI: suspicion et économies

Dans le canton de Vaud, le Revenu minimum de réinsertion (RMR) a été instauré en 1997. Il était accordé aux personnes en fin de droits de chômage ou sans droit au chômage: sa durée maximale était de deux ans. À l’époque, l’Association de défense des chômeurs et chômeurs de Lausanne (ADC)* avait vivement critiqué le RMR. En effet, les montants alloués étaient très bas et l’accès aux prestations restreint. Au premier janvier 2006, l’aide sociale vaudoise et le RMR ont fusionné pour former le RI (Revenu d’insertion). Voici quelques éléments de réflexion livrés par l’ADC dans son bulletin CouRAGE de mars 2006.

Le bulletin rappelle d’abord que l’assurance-chômage fonctionne à la fois avec un timbrage assoupli et un contrôle plus policier, à travers les rendez-vous de «conseil et de contrôle», tout en rejetant la responsabilité du chômage sur celle ou celui qui la subit. Une logique comparable est à l’œuvre dans le RI.

Contrôle comportemental et tarifs à la baisse

«Si la simplification du système et le caractère non-remboursable de l’aide sociale pouvaient dans un premier temps séduire, il nous a fallu vite déchanter. Là encore, sous couvert de chasse aux abuseurs/ses, d’activation et de responsabilisation des individus, l’Etat renforce son système de contrôle et conditionne petit à petit l’octroi de l’aide à l’adoption de comportements conformes à la logique néolibérale de soumission et de flexibilisation.

Les plus précaires d’entre nous seront aussi celles et ceux qui auront le plus de peine à s’adapter à la nouvelle donne. Sans compter celles et ceux qui n’ont pas de goût particulier pour la soumission à des mesures souvent absurdes et pour l’obéissance en général. Si nous ne nous battons pas, celles et ceux qui avaient très peu auront encore moins. Avec le RI, l’Etat de Vaud s’attaque aujourd’hui au dernier filet que constituait l’aide sociale. Il tente de remettre en question le minimum intangible assuré jusque-là par l’aide sociale».

Comment? En alignant les tarifs vers le bas: «si vous étiez au RMR, vous allez toucher Fr. 100.- de moins par mois. Si votre famille est composée de 6 personnes vous perdez 30.-, de 7 personnes 65.-, de 8 personnes 95.- et ainsi de suite, par personne supplémentaire, vous perdrez 30.- par mois. On pourrait dire que ce sont de petites baisses… Mais sur un petit revenu, c’est important! Et cela d’autant plus que depuis plus de dix ans, malgré l’augmentation incessante du coût de la vie, il n’y a eu aucune indexation; soit, de facto, une baisse du pouvoir d’achat. Le discours des autorités prétendant que la situation des personnes les plus précarisées ne s’est pas aggravée est donc faux. Au-delà des généralités ci-dessus, la pratique et le calcul se sont considérablement compliqués et de nombreuses diminutions des montants ont été constatées. Par exemple, avant 2006, il y avait une première somme calculée sur le nombre de personnes composant la famille et une seconde liée au nombre de personnes réellement aidée (les forfaits I et II). Ces deux sommes ont été fusionnées. Cela implique concrètement qu’une personne au bénéfice du RI qui vit avec 4 autres membres de sa famille non aidés (par exemple ses parents, une sœur et un frère mineur) verra la somme qui lui est remise baisser de près de 10%!»

Pas mort, le père Ubu!

«Les autorités ont également profité du changement de loi pour casser une décision récente du Tribunal administratif (TA) qui rétablissait enfin un peu de logique dans la notion d’obligation d’entretien entre parents et proches.

En effet, dans le courant de l’année dernière, Monsieur X s’est adressé à l’ADC car (attention, ce n’est pas un gag!) la naissance de son petit-fils avait provoqué une baisse de la somme que lui et son épouse touchaient de l’Aide sociale vaudoise (ASV), sous prétexte que le nourrisson devait «contribuer à l’entretien du ménage»! Monsieur X a décidé de s’opposer à cette décision. Le TA a donné raison à Monsieur X. Toutefois, «grâce» au nouveau régime, les autorités ont pu modifier l’article de loi. Ainsi Monsieur et Madame X sont à nouveau prétérités du fait de vivre avec leur fils, leur belle-fille et leur petit-fils. Entre décembre 2005 et janvier 2006, ils ont vu leur minimum vital baisser alors même que rien dans leur situation ne s’était modifié!»

Suspicion constante de l’Etat et chasse aux «abus» reposent sur l’idée méprisante que les personnes font appel au RI en raison d’un choix personnel, alors que pour la très grande majorité, c’est une réponse à une situation qui est source de souffrance. S’y ajoute une volonté d’économies qui domine clairement le souci d’insertion.

* ADC: assemblée générale ouverte à toute personne intéressée les lundis à 18 heures, rue du Maupas 81 à Lausanne. Permanence: mardi et jeudi, de 14 à 17 heures (021/646 63 10)


La suppression de la dette

L’avantage le plus important pour les personnes est constitué par la non remboursabilité des prestations, ce qui permet aux «bénéficiaires» de se sentir moins coupables et moins redevables. Par contre, pour l’Etat cela ne représente pas une grande différence puisque les personnes en situation de pauvreté le restent généralement durablement. Cela d’autant plus que pour une personne seule, par exemple, la limite de fortune a été baissée de 25 000 francs (RMR) à 4000 francs. Ce qui signifie que si vous avez plus de 4000 francs de fortune vous ne pouvez bénéficier d’aucune aide! Dans le cadre de notre permanence, nous rencontrons des personnes de plus de 50 ans qui ont travaillé durant toute leur vie, fait quelques petites économies et se voient dans l’obligation d’utiliser ces fonds pour survivre.