Palestine: entretien avec Ahmad Saadat (FPLP)

Palestine: entretien avec Ahmad Saadat (FPLP)

Les images de blindés israéliens perforant à coups d’obus les murs de la prison palestinienne de Jericho pour s’emparer d’Ahmad Saadat, dirigeant du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP) sont dans toutes les mémoires. Un assaut mené à la mi-mars, au mépris de l’accord tripartite réunissant Israël, les USA et l’Autorité palestinienne. Mais qu’est-ce que le FPLP et quelles sont ses positions politiques? Cet extrait d’un entretien avec Ahmad Saadat, réalisé il y a quelques mois, en donne un premier aperçu.

Comment jugez-vous le retrait de Gaza?

Le retrait de Gaza est avant tout le fruit de la résistance de notre peuple. Le coût de l’occupation pour les Israéliens était devenu très élevé et ils se trouvaient dans une impasse. Mais le retrait ne signifie pas pour autant la fin de l’occupation tant que la souveraineté sur le ciel, la mer et la terre n’est pas complète. On peut gagner d’autres batailles, parce qu’il n’y a que deux voies: soit la voie proposée par Israël ou par les projets internationaux comme la feuille de route, soit la voie de la lutte. C’est cette voie qui va nous permettre de mettre fin à l’occupation et de donner à notre peuple le droit à l’autodétermination et ses droits nationaux. Soit les droits nationaux pour construire un Etat palestinien en Cisjordanie et à Gaza, soit un Etat national et démocratique sur l’ensemble du territoire palestinien, un Etat qui rassemble les Arabes et les Juifs. Cet Etat ne sera pas établi sur une base ethnique, religieuse, de couleur ou de sexe. (…)

Sharon est clair dans sa politique. En retirant l’armée israélienne de Gaza, il veut se débarrasser d’une crise pour renforcer sa présence stratégique en Cisjordanie, parce que cela lui permet de contrôler la moitié ou 60% du territoire de la Cisjordanie. C’est comme l’avortement de la possibilité d’un Etat palestinien, de sa souveraineté. De cette façon, la Cisjordanie sera divisée en plusieurs bantoustans. D’après Sharon, pour lier les Bantoustans entre eux, on peut construire des routes qui passent dans des tunnels. Un Etat qui est divisé en plusieurs bantoustans et séparé par un mur n’est pas un Etat, parce qu’il n’a pas de souveraineté et d’indépendance et n’est pas capable de survivre. Ça, c’est le projet de Bush.

Le maire FPLP à Bethléem a été élu avec le soutien du Hamas, est-ce un accord de tactique électorale uniquement pour Bethléem ou est-ce qu’on pourra prévoir d’autres accords tactiques ou stratégiques entre le FPLP et le Hamas?

Sur la base d’une stratégie de lutte commune contre l’occupation israélienne et de construction de l’OLP, notre but n’est pas d’avoir un accord seulement avec le Hamas, mais avec tous les courants politiques du peuple palestinien. Concernant les élections municipales et notamment à Bethléem, les rapports de force ont obligé le Hamas à soutenir soit le candidat de Fatah, soit celui du Front Populaire. C’est normal dans le contexte du rapport de force actuel. Si le Front Populaire a une chance d’être à la tête de Bethléem, par le soutien du Hamas ou du Jihad Islamique ou d’une autre formation politique, même le Fatah, ça ne nous pose aucun problème.

Mais pour qu’on parle d’une alliance stratégique entre le Front Populaire et le Hamas, il faut qu’on soit d’accord sur un programme politique. Il y a bien des points communs et la même vision sur la façon de gérer la lutte contre l’occupation sioniste. Ailleurs dans le monde arabe, il y a des mouvements de l’Islam politique qui militent contre l’impérialisme, contre le projet du grand Moyen Orient, contre la mondialisation et ses conséquences sur le monde arabe, comme le font des courants nationalistes ou de gauche. Mais sur le plan stratégique, nous voulons construire un pôle de gauche démocratique. Il y a un pôle islamique avec son projet et il y a un autre pôle de la bourgeoisie, c’est l’Autorité palestinienne et le Fatah. Nous de notre côté, nous essayons de toutes nos forces de construire un troisième pôle, un pôle de la gauche démocratique. Ce sera le troisième pôle entre le Hamas et Fatah en Palestine.

Propos recueillis par Mireille COURT pour Rouge et Chris Den HOND pour La Gauche*

* Cet entretien a été filmé en prison – ce qui n’était pas du tout permis – et sera bientôt disponible sur DVD en arabe, sous-titré en français.