Pénalisation de l'action syndicale

Pénalisation de l’action syndicale

Les 2 et 3 mai, quatre syndicalistes de Comedia (le syndicat des médias) répondront pénalement du «délit de contrainte» suite à une action syndicale du18 juin 2001 devant les Presses centrales de Lausanne pour le maintien d’un contrat collectif de travail. Ce procès, comme à Genève l’inculpation de syndicalistes SSP pour «blocage» des TPG dans le cadre de la grève du secteur public en 2004, participe d’une profonde remise en cause des droits fondamentaux et des libertés publiques. Comedia a organisé sur ce thème un meeting mardi 25 avril auquel participait notamment notre camarade Eric Decarro du SSP, l’un des inculpés à Genève. Nous publions ici l’appel à ce meeting et invitons à participer à la manif de solidarité du 2 mai à 8h30 devant le Tribunal d’Arrondissement (Palais de Justice de Montbenon).

Il faut le dire simplement mais clairement: la démocratie est en panne dans ce pays et celles et ceux qui utilisent effectivement les libertés fondamentales dans les entreprises et dans la rue se retrouvent de plus en plus fréquemment confronté-e-s à une répression immédiate policière et pénale. Les 2 et 3 mai prochains, quatre syndicalistes de comedia devront répondre pénalement du délit de contrainte, principalement, à cause de l’action syndicale menée le 18 juin 2001 devant les Presses centrales de Lausanne pour le maintien d’un contrat collectif de travail. Cette situation est de plus en plus courante en Suisse. Pourquoi?

On a cru pendant longtemps, et bien des gens y croient encore, que la concordance sociale et la concordance politique étaient les piliers de la sécurité, du niveau de vie et du progrès social. On est très loin du compte…

Brutalité sociale

Les mythes ont la vie longue, surtout quand ils sont entretenus par les mensonges sociaux. Au premier rang de ceux-ci: le taux de chômage officiel qui sous-estime totalement la réalité. La Suisse dite compétitive n’a rien à envier aux autres pays capitalistes occidentaux et son économie marchande est marquée par la brutalité et rejette de plus en plus de monde hors du travail, ce qui permet d’augmenter la concurrence entre travailleurs, de faire pression à la baisse des salaires réels, de précariser les statuts. Le résultat a été publié par Caritas: il y a un million de pauvres en Suisse sur 7,4 millions d’habitants; ça fait quand même beaucoup… D’ailleurs, ça commence à se savoir vu le nombre de gens touchés, mais ça ne provoque pas (encore) un vaste mouvement de résistance. On a un peu perdu ici la culture de la solidarité et du combat social et les syndicats ne sont plus très formés à transmettre cette culture et organiser ce combat…

Reprise de combativité…

Pourtant, ici et là, on voit une reprise de la combativité. Il y a eu bien sûr, dès le milieu des années nonante, l’éclosion du mouvement altermondialiste qui a vu des secteurs de la jeunesse se radicaliser et contester sur le fond le règne de la marchandise comme seul horizon de l’existence. Il y a maintenant dans le monde du travail des tentatives de s’opposer collectivement au démantèlement social et au saccage de la vie des gens. Le combat mené aux Presses centrales, la grève à l’imprimerie Aro (ZH), chez Allpack (BL), chez Orange, à Filtrona, mais aussi aux TPG (GE), à la Zeba (BS), dans le gros œuvre, ou à la Boillat à Reconvilliers montrent que l’action syndicale retrouve de la vigueur et que les salarié-e-s n’hésitent plus à reprendre le chemin de la grève. Une grève n’est jamais gagnée d’avance, mais c’est le meilleur moyen collectif de dire «basta !», d’affirmer sa dignité, de dire leur fait aux princes qui veulent dominer le monde.

…et de la répression

Dans ce début de construction d’un mouvement de résistance, on (re)découvre l’usage des libertés fondamentales, celles d’association, de réunion, d’expression, de manifestation et de grève. On (re)découvre que ces libertés ont été conquises et qu’elles sont un levier de légitimité puissamment politique. Mais, on (re)découvre aussi très vite qu’elles sont détestées par les dominants qui se voient limités dans leur arbitraire et leur toute-puissance… Et alors, entrent en scène le code pénal et la police. La police et le juge n’interviennent jamais, ou si peu, quand il y a violation ou dénonciation d’une convention collective, quand il y a des licenciements, quand il y a mépris et mobbing quotidiens dans les entreprises. Pourtant, c’est là qu’il faut trouver le désordre social, la violence contre les personnes et la violation des droits…

Pierre VANEK