Chômage des jeunes à Genève: les recettes du parti Radical
Chômage des jeunes à Genève: les recettes du parti Radical
En ce début dannée 2006, les pays européens rivalisent dimagination pour sattaquer au chômage des jeunes, apprentissage dès 14 ans et CPE (introduit en force puis retiré) en France, travail à 1000 euros en Italie et en Espagne, stages non rémunérés partout1. Dans cette course à la précarisation du monde du travail, la Suisse est en avance et elle fait tout pour accroître cet «avantage» compétitif.
Lan dernier, à Zurich, une élue verte proposait des emplois «rémunérés» à 1000 Frs. Cette année, cest le parti radical genevois qui a décidé de se servir de ce problème, pour attirer des jeunes et entretenir la politique des petits copains en proposant douze mesures radicalement discriminatoires2, comme quoi les Verts et le grand vieux parti partagent de plus en plus les mêmes préoccupations et les mêmes recettes.
Trier et sélectionner
Plusieurs propositions radicales sinscrivent dans le prolongement dune école qui évalue, sélectionne et discrimine. Cest dans cette droite ligne quils souhaitent mettre de côté les élèves «problématiques» dès la 7ème du cycle dorientation, en les parquant dans des classes atelier, dans une filière de préapprentissage (bases de français et de mathématiques et travail plus manuel) ou dans un apprentissage précoce. Cela rappelle furieusement lapprentissage à 14 ans, voté par lassemblée nationale française. Cette mesure ne valorise en rien la voie professionnelle, mais contribue encore à la stigmatiser: voie de relégation et dexclusion pour celles et ceux qui ne trouvent pas leur place au cycle, sans que ne soit posée la question de savoir pourquoi. Certain-e-s jeunes seraient donc «destinés» au préapprentissage, par nature, alors que dautres auraient les capacités «naturelles» de poursuivre un type denseignement large, ouvert et généraliste. Les radicaux estiment quil sagit «dun excellent moyen pour donner une perspective réaliste à ces jeunes peu scolaires».
Acculturer les migrant-e-s
Un autre volet concerne lintégration des migrant-e-s. Si lintégration des jeunes ne pose pas de problème, en revanche, celle des familles laisserait à désirer. Les familles migrantes devraient donc prendre des cours de français faisant lobjet dévaluation régulière (avec des notes?) et avoir lobligation de suivre des leçons dintégration (lire: «dacculturation»). Que feront Maudet et ses amis des heures dabsence et déventuelles mauvaises évaluations? Refus de permis, renvois, amendes? Ils ont limmense culot de justifier cette mesure discriminatoire en se basant sur une recommandation du Conseil de lEurope3. Ils évitent de mentionner la lutte contre le racisme, les conditions dhabitation et socio-économiques de ces familles, alors que ces aspects forment le corps de cette recommandation. Il est vrai que ce parti de droite est toujours en pointe pour supprimer laide aux plus défavorisé-e-s, pour faciliter la spéculation immobilière plutôt que le droit à des logements décents. Noublions pas non plus que les radicaux soutiennent bruyamment la LEtr et la LAsi.
Une autre grande lumière du parti radical consiste dans la création d«un centre de mentorat» entre jeunes et retraité-e-s ou préretraité-e-s, afin de faire prendre conscience aux jeunes «que la performance est la clé du succès». Une grande alliance intergénérationnelle pour permettre lentrée des jeunes dans le monde du travail sans rien demander aux entreprises. Bien au contraire, ils souhaitent que les entreprises jouissent de simplifications administratives pour engager des apprenti-e-s. Simplifications qui risquent bien de se résumer à de moindres exigences dencadrement des jeunes en formation. De plus, comme ils ne craignent pas les contradictions et le ridicule, ils aimeraient favoriser les entreprises formatrices dans ladjudication des marchés publics. Or, cela serait sans doute contraire à laccord intercantonal sur les marchés publics, découlant de la logique de lOMC, et dont les radicaux ont appuyé la mise sur pied.
Adhère au parti radical pour trouver un emploi!
La suite de ces mesures repose sur le volet daides au mérite. Si les jeunes font des efforts pour sinsérer dans le monde du travail, alors ils auront droit à des allocations chômage. Ces efforts seront aussi évalués. Par qui, comment? Rien nest indiqué. En filigrane, on peut imaginer que ces jeunes devront accepter tout et nimporte quoi comme travail. Les radicaux prévoient la suppression totale des occupations temporaires cantonales et proposent une allocation dentrée en emploi aux jeunes inscrit-e-s au chômage depuis six mois. LEtat prendrait alors une partie du salaire à sa charge durant la première année dembauche.
Aucune piste de financement de ces mesures nest avancée. Les radicaux appellent à voter pour le «frein à lendettement» et appuient les baisses dimpôts pour les plus favorisés. Afin de couronner le tout, le parti radical invite les jeunes à sinscrire sur leur site www.viens.ch pour trouver un employeur, et des entrepreneurs à se proposer pour faciliter lentrée dans la vie active. Trouver un emploi sous le patronage du parti radical représente un excellent moyen de pression pour faire adhérer des jeunes au parti et permet à des employeurs de se faire une publicité à bon marché.
Marie-Eve TEJEDOR
- solidaritéS no 83, p. 7
- www.viens.ch
- Recommandation 1206 (1993) relative à lintégration des migrants et aux relations intercommunautaires