À Gauche Toute! Le sens d'une démarche

À Gauche Toute! Le sens d’une démarche



solidaritéS est favorable
à l’unification de la gauche anti-libérale pour
défendre un certain nombre d’objectifs fondamentaux. En
effet, quelles que soient nos divergences politiques, dont il nous faut
débattre plus sérieusement, nous devons rassembler celles
et ceux qui entendent résister à la libéralisation
de l’économie, à la précarisation de
l’emploi, à la dégradation des services publics et
de la prévoyance sociale, à l’explosion des
inégalités, notamment entre femmes et hommes, au
rétrécissement des libertés démocratiques,
au racisme, à la guerre, à la destruction de
l’environnement, etc. Il n’y a pas de temps à perdre!

Depuis 1992, l’Alliance de Gauche (ADG) avait
représenté un premier espoir dans ce sens.
Malheureusement, elle s’est concentrée de façon
trop exclusive sur une succession de batailles électorales, avec
des succès spectaculaires, mais en négligeant un peu trop
les mobilisations sociales de terrain, comme les comités de
quartier pour la défense des bureaux de poste, les
débrayages des services publics, les mobilisations des sans
papiers, voire les manifestations contre la guerre, où
solidaritéS s’est retrouvé souvent bien seul…

ADG, raisons d’un naufrage…

De surcroît, l’ADG n’a pas su se donner un
fonctionnement transparent permettant à l’ensemble de ses
militant-e-s de débattre démocratiquement et de se
reconnaître dans les décisions de ses instances, prises
à la majorité de ses trois composantes
(solidaritéS, PdT & Indépendants). Ce mode de faire a
aussi découragé les nouvelles adhésions. Ainsi, le
lancement simultané du référendum contre
l’extension de la libre circulation et de l’initiative
cantonale pour la protection du marché local de l’emploi a
été décidé sans discussion
préalable, par deux composantes (PdT & Indépendants),
mais sans l’aval des militant-e-s. Elle a joué un
rôle décisif dans l’éclatement de
l’alliance, à la veille des dernières
élections cantonales et ainsi dans son éviction du
Parlement.

Dans un tel contexte, les méfiances, les rivalités et les
mauvais coups se sont succédés avec les effets
démoralisants que l’on sait. Chaque composante de
l’ADG, au lieu de dialoguer avec les autres et de construire des
liens plus solides et plus riches à partir de nos
diversités, a tendu à se replier sur
d’étroits calculs d’influence. La grande presse a eu
dès lors beau jeu de nous accuser de placer nos querelles de
pouvoir et certaines ambitions personnelles au dessus des
intérêts de celles et ceux que nous prétendions
défendre…

Nouvelles perspectives

Cependant, depuis le printemps dernier, solidaritéS, le Parti du
Travail et les Indépendants, auxquels s’est joint le
groupe des Communistes, ont établi des premiers contacts pour
envisager la présentation de listes communes aux
élections municipales et nationales de 2007, ainsi qu’aux
élections cantonales de 2009. En juin, une première
assemblée ouverte à tous les acteurs de la gauche
anti-libérale a réuni plus de 60 personnes; des
réunions de travail ont eu lieu durant l’été
pour élaborer une première plate-forme de positions
politiques communes. Parallèlement, un plan de mesures
concrètes pour les élections municipales a
été élaboré.

Cette démarche a rencontré un vif succès, puisque
la seconde assemblée générale ouverte de nos
quatre groupes a réuni 150 personnes. Le nouveau rassemblement
s’est donné pour nom «A Gauche Toute!»,
à l’image de la coalition mise en place par
solidaritéS, le PST et les Listes alternatives
suisses-alémaniques au niveau fédéral, dès
2003. Il a adopté une liste d’engagements précis
pour les élections communales. Des assemblées de
militant-e-s vont encore devoir trancher de certaines modalités
concrètes et adopter un programme détaillé de
législature.

Contrairement à ce qui a été écrit ou dit
dans certains médias, il ne s’agit pas de la
résurrection de l’Alliance de Gauche ou d’une
Alliance de Gauche bis, mais réellement d’une nouvelle
coalition. Son mode de fonctionnement est très différent
de celui qui avait provoqué le déclin inexorable de
l’ADG. Les décisions se prennent à la
majorité en assemblée générale, sans
système de délégation par organisation politique.
Il s’agit donc d’un fonctionnement qui donne une place
prépondérante à la base de chaque organisation et
encourage de nouvelles adhésions. Le processus est donc plus
ouvert, avec l’intégration possible de militant-e-s,
à n’importe quel moment du processus.

Vers un mouvement unifié?

Ces premiers pas sont encourageants. Cependant, pour redonner un
élan unitaire durable à la gauche antilibérale
genevoise, trois conditions nous paraissent indispensables:

  1. Privilégier les échanges et les débats
    politiques afin de décider toutes et tous ensemble de nos
    orientations fondamentales, ainsi que de nos campagnes et actions
    concrètes. De ce point de vue, la question de
    l’immigration et de la libre circulation, qui nous a
    divisés en automne 2005, ne doit pas être
    éludée à l’avenir. Bien au contraire, il
    nous faut reprendre cette discussion très sérieusement en
    vue des élections nationales de l’automne 2007.
  2. Ne pas limiter notre action aux échéances
    électorales afin de participer activement à des
    mobilisations sociales et de permettre à nos membres et
    sympathisants d’y jouer pleinement leur rôle en faisant
    d’«A Gauche Toute!» un véritable mouvement
    populaire de terrain.
  3. Garantir dans la durée un mode de fonctionnement
    démocratique et transparent, qui permette d’adopter
    clairement, après discussion, des options majoritaires en
    assemblée générale.

A moyen terme, cette coalition de militant-e-s issus de quatre
formations, qui peut encore s’élargir, pourrait jeter les
bases d’un nouveau mouvement politique unifié de la gauche
anti-libérale à Genève et en Suisse. En son sein
coexisteraient bien sûr des courants politiques distincts,
même si leurs frontières pourraient bouger par rapport
à celles de nos organisations actuelles. Dans ce cadre,
solidaritéS continuerait à défendre un projet
anticapitaliste internationaliste, écosocialiste,
féministe et démocratique, tout en travaillant au
quotidien et en débattant avec d’autres forces au sein
d’A Gauche Toute! Une perspective stimulante qui vaut la peine
d’être envisagée sérieusement.

Marie-Eve TEJEDOR & Jean BATOU