École : victoire de l’exclusion, commentréagir?

École : victoire de l’exclusion, comment
réagir?


Les résultats catastrophiques des votations sur
l’école invitent à la
réflexion. Quant à nous, nous estimons
qu’il faut cesser de mener des batailles
archi-défensives, au risque d’apporter de
l’eau au moulin de nos adversaires, pour défendre
résolument une autre conception de
l’école. Comme première contribution au
débat, nous reproduisons ici l’essentiel de la
réaction du Groupe Romand Ecole Nouvelle (GREN).
réd.

En choisissant de renforcer une école dont le moteur est la
sélection, le peuple genevois vient de décider
d’aller à contre-sens des pays qui
réussissent à instruire le mieux tout en
étant les plus justes pour tous. Pourquoi ce choix? Nos
contacts avec de très nombreux citoyens ces derniers mois,
nous font faire l’hypothèse que nombre
d’entre eux n’ont pas conscience de ce que provoque
une réelle école sélective sur
l’éducation et l’instruction des
enfants, soit ignorent les effets pervers d’une telle
école sur la formation. Expliquons-nous.
 

Premier effet
: Une école sélective
dénature le sens des savoirs et supprime leurs
véritables intérêts. Un savoir appris
dans une école dont le moteur est la sélection
devient synonyme de ticket de passage et pour beaucoup de jeunes, ce
sens des savoirs à acquérir devient
l’essentiel…

Nous venons ainsi de favoriser, par cette votation, la perte des
significations sociales des savoirs et des techniques au profit
d’un sens pauvrement utilitariste.

Nous venons de faire le choix de l’affadissement par
l’école du goût de la culture. Et pour
les enfants les plus en difficulté, de favoriser un risque
de démotivation de se rendre à
l’école par le dégoût du
savoir scolaire.


Deuxième effet
: Les enseignants vont devoir continuer
à travailler dans une école qui biaise, souvent
à leur insu, leurs meilleures intentions
pédagogiques. Comment former, instruire et
éduquer au mieux quand vous devez, dans le même
temps, travailler à l’exclusion de certains
enfants de leur groupe d’appartenance, de leur classe
d’âge?
 

Nous venons de condamner des enseignants à travailler avec
des enfants qui ont peur d’apprendre par peur
d’échouer. Ceux-ci travaillent – et nous
ne l’avons pas assez dit durant cette campagne – la
peur au ventre d’avoir un 2 ou un 3. Ce qui provoque des
attitudes diverses suivant les enfants
(désintérêt, passivité,
diversions par l’indiscipline, mal-être ou
maladies, etc.).


Troisième effet
: L’institution va continuer
à voir ses choix opérés en
matière d’organisation de la lutte contre
l’échec scolaire voués à
l’échec. Lutter contre l’exclusion
scolaire dans une école sélective est une
aberration et un immense paradoxe. Car quoi que l’institution
propose, elle se retrouve dans l’obligation de produire de
l’échec. C’est le cercle vicieux le plus
déprimant, le plus démobilisateur qui soit pour
tous les acteurs de l’école conscients du
phénomène.


Quatrième effet
: Les citoyens sont tous perdants.
Qu’ils aient des enfants ou pas. Parce qu’une
école sélective provoque l’exclusion
tout court de beaucoup de jeunes. Avec son flot de
dégradations du lien social pour tous et une probable
prolifération des incivilités, qui ont un
coût.

Une école sélective rend ainsi la vie difficile
à tout le monde dans une démocratie.
C’est ce choix pourtant que les citoyens genevois viennent
d’opérer. Ceux qui sont lucides de ce
qu’il représente pour notre démocratie
ne peuvent qu’être aujourd’hui tristes.
Et s’en vouloir de ne pas avoir su ou pu, pour diverses
raisons, garantir le débat durant cette campagne sur ces
enjeux. Car finalement de nombreux citoyens n’ont simplement
pas compris ce qui était réellement en question.
(…)


Marie-Ange BARTHASSAT



Etiennette VELLAS



Jean-Marc RICHARD



Représentants du GREN



au comité unitaire



Pour une école juste.