«À Gauche Toute!» et les élections cantonales vaudoises
En mars 2007, des élections cantonales auront lieu, avec une réduction du nombre de cercles électoraux et de député-e-s, qui passera de 180 actuellement à 150. Sur la base des élections fédérales et communales antérieures, certaines projections prévoient la possibilité d’une double majorité «de gauche» au législatif et à l’exécutif. Ce qui renforce encore la pression à l’unité, sous l’aspect spontané d’un «tout sauf la droite» largement partagé, dans un décor national où s’agite une réaction blochérienne plus arrogante que jamais. La question principale reste toutefois: une majorité pour quelle politique? Le principe d’une candidature électorale d’«A Gauche toute!» au Grand Conseil ayant été accepté par ses deux composantes (POP & Gauche en mouvement d’une part, «solidaritéS» de l’autre), restait à décider d’un processus de décision commun et d’une éventuelle candidature d’«A Gauche toute!» (AGT) à l’exécutif cantonal.
Un premier débat
Lors de l’assemblée générale commune de ces deux formations, le 27 septembre, une première discussion a porté sur la liste des dix mesures urgentes, déjà débattues séparément, qui formeront un premier socle revendicatif immédiat de la liste AGT (voir encart). Cette base sera complétée par le programme d’AGT que ses Assises élaboreront. Elles se tiendront les 14 octobre et 4 novembre. Une seconde discussion porta sur le genre de candidature d’«A Gauche toute!» au Conseil d’Etat (gouvernement). Partisans d’une candidature AGT au premier tour, les membres de «solidaritéS» argumentèrent en terme de nécessité d’une affirmation claire d’un programme antilibéral et de l’expression, sur le plan électoral, d’une «gauche de gauche», fondamentalement critique face à la politique du Parti socialiste vaudois et des Verts. Cette «gauche gouvernementale» est en effet arrimée, pour la social-démocratie depuis des décennies, à la gestion d’une politique dictée par les partis bourgeois. Elle participe à la politique d’austérité et met en œuvre aujourd’hui des mesures d’accompagnement, sociales et écologiques, à la politique néolibérale. Derniers exemples en date: les majorités PS-Verts dans les exécutifs cantonaux à Neuchâtel et à Genève, ou encore, la grande coalition CDU-CSU/SPD en Allemagne et le gouvernement Prodi en Italie.
Une liste AGT indépendante au premier tour à l’exécutif, est, pour «solidaritéS», indispensable pour peser face à cette «gauche sociale-libérale». Cette argumentation resta toutefois sans succès, puisque la majorité de l’assemblée se prononça pour une candidature «A Gauche toute!» sur une liste à 4 (2 socialistes, 1 Vert, 1 AGT) dès le premier tour, par 57 voix contre 20 voix et 2 abstentions. Cette formule, qui est aussi celle du Parti socialiste, a été soutenue par plusieurs interventions, principalement popistes, jugeant une présence au gouvernement nécessaire pour s’assurer, au moins, de la mise en œuvre des dix mesures avancées et estimant qu’une liste commune dès le premier tour était mieux à même d’en garantir le succès.
De la coupe aux lèvres
D’ici à la décision finale, qui tombera le 4 novembre, l’approbation de cette candidature dépendra des discussions menées avec le Parti socialiste et les Verts quant aux dix mesures urgentes proposées. Selon le résultat de ces négociations, «A Gauche toute!» jugera si des engagements suffisants ont été pris ou pas, sans propager d’illusions sur ce que valent les promesses pré-électorales. Une tactique qui n’est pas simple, ni sans risques! Il semble toutefois nécessaire et inévitable d’en passer par-là et de «se frayer un passage par d’étroits sentiers de montagne, impraticables, tortueux, et pleins de périls»
Jean-Michel DOLIVO et Daniel SÜRI
Les dix mesures avancées par « A Gauche toute ! »
- Suppression de la taxation à forfait des fortunés étrangers. Le Canton soumet à l’Assemblée fédérale une initiative pour la suppression du secret bancaire.
- Réforme fiscale: suppression du plafonnement de l’impôt sur le revenu; introduction d’un impôt de solidarité sur les grandes fortunes dès 1 000 000 francs, habitation familiale et outil de travail personnel non compris; cantonalisation de l’impôt sur les sociétés et de l’impôt sur les successions.
- Refus de l’étranglement des finances publiques! Pour l’abolition des articles 163 à 165 de la Constitution vaudoise.
- Refus de toute privatisation des services publics et recantonalisation des structures autonomisées; cantonalisation de la BCV, avec mise sous contrat de prestation priorisant l’octroi de crédit à des PME créatrices d’emploi et respectant les conventions collectives et l’égalité femmes/hommes.
- Salaire minimum légal de Frs 3’500 x 13 (net), inscrit dans la Constitution cantonale
- Lancement d’une campagne pour l’application immédiate de la Loi sur l’Egalité, en collaboration avec les organisations féministes et de salariées, avec l’engagement de 10 inspectrices-teurs chargé-e-s d’effectuer des contrôles dans les entreprises publiques et privées.
- Le Canton crée un nombre suffisant de places de formation dans les écoles des métiers et les écoles professionnelles, pour pallier la pénurie de places d’apprentissages
- Une entreprise ayant bénéficié d’aides publiques sous une forme ou une autre ne peut procéder à des licenciements collectifs sans autorisation du canton; le canton soumet à l’Assemblée fédérale une initiative qui interdit aux entreprises bénéficiaires de procéder à des licenciements collectifs ou individuels, sauf justes motifs.
- Droit de vote et d’éligibilité des étrangers sur le plan cantonal; permis B cantonal pour les migrants en attente de régularisation avec refus d’exécuter les renvois et levée des interdictions de travail.
- Gratuité des transports publics régionaux, cantonaux et intercommunaux et communauté tarifaire avec les CFF.