«Bamako», film d'action et de justice

«Bamako», film d’action et de justice



Il avait fait parler de lui au
festival de Cannes 2006. Il est actuellement à l’affiche
dans plusieurs salles romandes. C’est pourquoi nous reproduisons
ici la présentation qu’en font deux membres du
Comité pour l’Annulation de la Dette du Tiers-Monde
(CADTM).*

Tout d’abord, les choix artistiques de son réalisateur, le
Malien Abderrahmane Sissako, en font un vrai film d’auteur.
(…) Insistons ici sur le premier de ces choix,
l’idée de base du scénario qui donne au film sa
colonne vertébrale: mettre en scène, dans la cour
d’une maison malienne où la vie quotidienne continue de
s’écouler, le procès du Fonds monétaire
international (FMI) et de la Banque mondiale à propos de leurs
responsabilités dans la situation économique africaine.
La Cour, les avocats, le public, les témoins sont là, sur
la terre battue malienne. Loin d’être des boucs
émissaires, les deux institutions mises en cause doivent
effectivement rendre des comptes pour leur rôle central dans
l’impasse actuelle pour le continent noir. Qu’on en juge.
(…)

Une très grande quantité des prêts octroyés
par la Banque mondiale ont servi à mener des politiques qui ont
porté préjudice à des centaines de millions de
citoyen-ne-s. Celle-ci a systématiquement
privilégié des projets néfastes pour les
populations concernées et pour leur environnement: grands
barrages souvent inefficaces (plus de 10 millions de personnes ont
dû être déplacées à cause de tels
projets soutenus par la Banque mondiale, souvent privées
d’indemnisation suffisante), industries extractives (mines
à ciel ouvert, oléoducs), politiques agricoles favorisant
le «tout à l’exportation» au prix de
l’abandon de la souveraineté alimentaire, centrales
thermiques (grandes consommatrices de forêts tropicales), etc.
(…)

Après la crise de la dette au début des années
1980, le FMI est intervenu à la demande des créanciers
pour organiser et sécuriser le remboursement de la dette. Il a
conditionné ses prêts aux pays surendettés à
la signature de programmes d’ajustement structurel (PAS)
(…) [qui ont renforcé les inégalités
sociales et la dépendance extérieure]. (…) Le FMI
a donc complété l’action de la Banque mondiale dans
le sens d’une colonisation économique. En effet, tant le
FMI que la Banque mondiale soutiennent une politique de captation des
richesses des pays du Sud au profit d’une poignée
d’entreprises multinationales, de quelques individus
fortunés et des proches du pouvoir, dont les choix
s’imposent cruellement à la majorité des
habitant-e-s de la planète.

Le caractère nocif de ces prétendus remèdes a
été démontré dans les multiples crises qui
se sont succédé à partir du milieu des
années 1990, du Mexique à l’Asie du sud-est, de la
Russie au Brésil, de la Turquie à l’Argentine… Le
résultat de ces politiques est une profonde dégradation
des conditions de vie des populations du Sud, particulièrement
en Afrique: le nombre d’Africain-e-s devant survivre avec moins
de 1$ par jour a doublé entre 1981 et 2001, plus de 200 millions
de personnes souffrent de la faim et l’espérance de vie
est en chute (pour 20 pays d’Afrique, elle est passée sous
la barre des 45 ans).

Depuis quelques années, ces deux institutions internationales
font des annonces tonitruantes sur l’annulation d’une
partie de la dette des pays les plus pauvres. Mais elles oublient de
préciser que peu de pays sont concernés et que cet
allégement s’effectue en contrepartie de longues
années de réformes économiques draconiennes, dans
la droite ligne de l’ajustement structurel. En termes de
réduction de la dette, de lutte contre la pauvreté, de
respect des droits humains, le FMI et la Banque mondiale ont
indéniablement échoué et les dégâts
qu’ils ont provoqués sont considérables.

Aucune institution ne bénéficie d’immunité
si elle est impliquée dans des crimes contre
l’humanité, pour lesquels n’existe aucune
prescription. Au motif de crimes contre l’humanité, le FMI
et la Banque mondiale doivent être traduits en justice.
«Bamako», film d’action et de justice, film
d’action en justice soutenu par le CADTM, vient
révéler cela au grand jour.

Damien MILLET

et Olivier LORILLU

*    Le texte complet de cette présentation est disponible sur le site www.cadtm.org.