Élections néerlandaises: triomphe de laGauche anti-libérale
Élections néerlandaises: triomphe de la
Gauche anti-libérale
Les dernières
élections anticipées du 22 novembre pour
renouveler le Parlement des Pays-Bas ont amené une surprise
de taille. Le SP (Parti socialiste) a en effet quasiment
triplé ses sièges, passant de neuf à
vingt-cinq parlementaires. Afin de lever toute confusion possible,
précisons que le Parti socialiste se situe à la
gauche du Parti social-démocrate, le PvdA (Parti du
travail). Il sagit dès lors dune
victoire conséquente du camp opposé au
néolibéralisme.
Le SP est aujourdhui le troisième parti des
Pays-Bas en termes de sièges, mais aussi en nombre
dadhérent-e-s (env. 50 000). Le premier parti
reste le CDA (chrétien-conservateur), suivi par le PvdA
(social-démocrate) qui a tout de même perdu 10
sièges.
Quel peut bien être lorigine dun tel
engouement populaire pour le SP, considéré comme
le fer de lance de la lutte contre le
néolibéralisme? Rappelons quil a
été fondé au début des
année 70 sous le nom de «Parti Communiste des
Pays-Bas». Dobédience maoïste,
son audience populaire était alors réduite. Son
attitude conservatrice sur les problèmes de
société le rendait peu attractif pour une partie
du mouvement social dalors, notamment les mouvements
féministes et homosexuels.
Proche des résistances populaires
Le SP a cependant modifié cette approche et son programme
dès la fin des années 70. Il a donné
la priorité aux revendications populaires
immédiates en renonçant à ses
perspectives révolutionnaires. Ses membres ont fait du porte
à porte pour demander aux Néerlandais-e-s quelles
étaient leurs attentes et leurs problèmes. Ils
ont créé des organes daide juridique
et lancé des actions répondant à des
problèmes locaux.
Au début des années 90, le SP a
modifié ses statuts dans le but dattirer plus de
membres: les références explicites à
Lénine et à Marx ont été
retirées de la présentation du parti. Ce
changement sest traduit par la mise en place dune
ligne graphique et dun logo percutants (une tomate en plein
vol après avoir été jetée).
Ses campagnes étaient fondées sur un slogan
simple: «Votez contre, votez SP!». Le SP
décida aussi dinvestir massivement les mouvements
sociaux Cette visibilité nouvelle allait avoir les
résultats escomptés en lui permettant
dobtenir deux sièges au Parlement national.
Face à une droite brutale au pouvoir
Cette percée doit aussi beaucoup à
lévolution du contexte socio-politique des
Pays-Bas, déterminé par des attaques
néolibérales massives. Durant les
années 90 le gouvernement de coalition du Parti
conservateur, des Sociaux-démocrates et du Parti
libéral, a entamé un long processus de
démantèlement des acquis sociaux: privatisation
des services publics et «promotion» du travail
à temps partiel. Dans le domaine des affaires
étrangères, les Pays-Bas se sont fait remarquer
par leur soutien sans faille aux politiques états-uniennes,
une défense aveugle de lEtat
dIsraël et une implication importante dans le
développement de lOTAN.
Ces politiques antisociales ont marqué
définitivement le glissement du PvdA
social-démocrate vers le social-libéralisme.
Au début des années 2000, ces
évolutions ont conduit à une percée
massive de lextrême droite, incarnée
par Pim Fortuyn. Son parti a été
représenté au sein du gouvernement de coalition
mis en place après son assassinat. La population
néerlandaise sest cependant rapidement rendu
compte de lincurie de ses responsables, qui laissaient le
champ libre aux Chrétiens-conservateurs. En face, les
Sociaux-démocrates, deuxième formation du pays,
narrivaient pas à tenir un discours
dopposition clair et cohérent. Pourtant, jamais
depuis la Seconde guerre mondiale, les Pays-Bas navaient
été gouvernés sur la base
dun programme aussi ouvertement neolibéral.
Lassassinat du cinéaste Théo van Gogh
par un extrémiste musulman permit dajouter une
politique brutalement xénophobe au programme de
démantèlement social. Les Pays-Bas sont ainsi
devenus le pays le plus dur en matière
dimmigration, au point que lannée
précédente, Chritoph Blocher a même
exprimé son admiration pour Rita Verdonk, ex-Ministre de
lintérieur.
A la pointe de lantilibéralisme
Au contraire, durant cette période, le SP sest
manifesté par des positions tout à fait claires,
notamment:
- Pour le retrait des troupes néerlandaises
dIrak et dAfghanistan. - Contre le démantèlement et la
privatisation du système de santé. - Pour le NON à la Constitution
européenne jugée
néolibérale.
Les médias européens ont souvent
opposé un NON français de gauche à la
Constitution européenne à un NON
néerlandais de droite. Les situations étaient
cependant plus voisines quil ny paraît,
puisque les partis de droite traditionnels, soutenus par les
sociaux-démocrates des deux pays défendaient le
OUI, alors que les mouvements de gauche étaient les
principales forces à défendre un NON
anti-libéral. Ainsi, la campagne du NON a clairement
été menée par le SP aux Pays-Bas; elle
a eu cependant des répercussions importantes sur les
élections qui viennent davoir lieu.
Un parti anticapitaliste?
Comment définir aujourdhui le SP
néerlandais? Il sagit clairement dun
parti opposé au néolibéralisme. Est-il
pourtant anti-capitalise? Ce nest pas
sûr
du moins ne le revendique-t-il pas
ouvertement. Anti-royaliste? Labolition de la monarchie
néerlandaise a été laissée
dans lombre durant la dernière campagne.
Internationaliste? Le SP se targue de défendre avant tout
les travailleurs locaux contre le dumping salarial provoqué
par louverture des marchés à la main
duvre étrangère
Anti-impérialiste? Le SP a renonncer à
réclamer le retrait de la Hollande de lOTAN et
revandique la transformation de cette organisation militaire en
«instrument de paix».
En somme, le SP est aujourdhui plus proche des
Sociaux-démocrates des années 70, bien que de
nombreux jeunes adhérents se définissent comme
anti-capitalistes. Notons enfin que la section néerlandaise
de lInternational Socialist Tendancy (auquel appartient le
Socialist Workers Party britannique) a rejoint le SP il y a un ans et
quil est depuis lors considéré comme
une tendance de celui-ci.