Équateur: victoire du candidat«bolivarien» Rafael Correa
Équateur: victoire du candidat
«bolivarien» Rafael Correa
Parmi les événements récents qui
polarisent lAmérique latine, on
relèvera les élections du 6 novembre au
Nicaragua, du 26 novembre en Equateur et du 3 décembre au
Venezuela, ainsi que laffrontement entre le gouvernement
dEvo Morales et la droite bolivienne. Cela ne fait aucun
doute, nous assistons à une montée des luttes
sociales à léchelle de tout le
sous-continent. Loccasion de rappeler cette phrase
emblématique du révolutionnaire cubain
José Marti: «Cest lheure des
brasiers, il ne faut y voir que la lumière». Nous
publions ci-dessous deux brèves notes sur la Bolivie et
lEquateur.
Le 26 novembre, avec 57 % des suffrages, le candidat de la gauche,
Rafael Correa, a gagné le 2e tour des élections
présidentielles. Parmi ses thèmes de campagnes:
le refus de lALCA (Zone de libre-échange des
Amériques) et du plan Colombie (lutte anti-insurrectionnelle
impulsée par les USA), la renégociation de la
dette et des contrats avec les entreprises
étrangères du secteur pétrolier, le
retour de lEquateur au sein de lOPEP.
Correa devra affronter de nombreux défis:
labsence de soutien au Parlement,
lhostilité des USA et de la droite autochtone, la
«dollarisation» de la monnaie
équatorienne. A titre dinformation, nous publions
des extraits dun entretien quil a
accordé à «El Pais», le 29
novembre 2006.
La profonde réforme politique
quimplique la convocation dune
Assemblée constituante semble très
risquée pour votre gouvernement. Ne craignez-vous pas une
crise qui rende le pays ingouvernable?
La réforme politique est prioritaire, car il serait
très difficile de faire avancer le pays avec la domination
de certaines mafias. La réactivation de
léconomie est liée à la
réforme politique, les mafias sont partout, et il
ny aura pas de croissance si nous ne les combattons pas.
Vos rivaux disent que vous dissoudrez le Congrès
sil ne se plie pas à vos volontés…
Personne na parlé de dissoudre le
Congrès, nous proposons la convocation dune
Constituante. Conformément aux pouvoirs constitutionnels de
la Présidence, il y aura une consultation populaire. Peut-il
y avoir procédure plus démocratique?
Outre la réforme politique, quelles mesures
allez-vous prendre à court terme?
Dabord, notre gouvernement ne procédera pas
à des ajustements structurels qui frappent les plus pauvres.
Nous maintiendrons les aides publiques et réduirons le prix
des services de base, comme
lélectricité. Voici nos trois premiers
pas: mon entrée en fonctions, la votation populaire sur la
Constituante, la baisse du salaire présidentiel (qui passera
de 8000 à 4000 dollars).
La renégociation de la dette extérieure
et la suspension temporaire de son paiement rendent les investisseurs
nerveux…
Jai annoncé une restructuration de la dette, non
son moratoire, car le pays ne peut croître avec le poids des
intérêts à payer. Nous
navons pas prévu un moratoire
unilatéral, mais nous ne lexcluons pas, car nos
priorités sont claires: dabord le pays et la vie,
ensuite la bourse des créanciers et la dette.
– Allez-vous importer le modèle
«chaviste» en Equateur?
Hugo Chavez est mon ami, jen suis très fier. Les
accords lemporteront sur les divergences, avec des gens aux
mains propres, à lesprit lucide, au coeur
patriote comme Hugo Chavez et dautres présidents.
Mes amis ne commandent pas dans ma maison: en Equateur, la
décision revient aux Equatoriens, ni à Bush ni
à Chavez.
GUALDONI et Daniela CREAMER*
lespagnol: H.P. Renk
Réforme
agraire en Bolivie
Le 29 novembre, le président Evo Morales a
promulgué une réforme de la loi agraire
répartissant les terres en friche au profit des paysans
pauvres. Quelques heures plus tôt, le gouvernement avait
brisé la résistance de la droite au
Sénat, qui ne sopposa pas à cette
réforme (déjà acceptée par
les députés) malgré les protestations
de loligarchie.
La semaine précédente, la droite avait
boycotté le Sénat en exigeant
lapprobation de la nouvelle Constitution par une
majorité des deux tiers, ce qui devait permettre
à lopposition de paralyser la Constituante. Elle
dénonçait alors la révolution agraire
comme une atteinte à la propriété
privée.
Le 29 novembre, en appui à la «guerre contre le
latifundium», une grande manifestation indigène
encercla le Sénat. Fort de cet appui, Evo Morales somma les
sénateurs de regagner leurs sièges:
«Quand la démocratie
bénéficie à la majorité, et
non à quelques grandes familles, la droite qui
nen veut pas fait un coup dEtat institutionnel au
Sénat. Si lexpropriation légale des
grandes propriétés improductives ne passe pas,
les occupations de ces terres par les paysans seront
justifiées». Quant au vice-ministre de la Terre,
Alejandro Almaraz, il a dénoncé la vente de terre
par des propriétaires qui les avaient reçues
gratuitement à lépoque des dictatures
militaires!
Le 27 novembre, le «comité civique» de
Santa Cruz, animé par la droite et le patronat
régional, annonçait une grève
nationale si le gouvernement nacceptait pas la clause des
deux tiers à la Constituante et une loi agraire
«consensuelle». Mais ce mouvement ne serait suivi
que dans lEst de la Bolivie et pas dans lOuest
indigène, qui soutient le gouvernement (67 %
davis favorables nationalement, selon un sondage du journal
«La Razon»).
*Selon Clarin, Buenos Aires, 29 novembre 2006.