L’impasse institutionnelle

L’impasse institutionnelle

Après la démission de six Ministres du bloc allié
au Hezbollah, l’assassinat du jeune Ministre phalangiste Pierre
Gemayel, la mobilisation de 200 000 personnes pour appuyer les forces
gouvernementales à l’occasion de ses obsèques,
enfin l’occupation de la rue par les partisans de
l’opposition (un million de personnes le 1er décembre),
quel sens donner à la crise libanaise? Nous avons demandé
au Parti communiste de nous donner son point de vue après
l’assassinat de Pierre Gemayel, le 23 novembre 2006.

Le gouvernement actuel est illégitime du point de vue
constitutionnel. Il est connu comme le «Bloc du 16 mars» ou
la «Majorité» proaméricaine. Pourquoi est-il
illégitime? Parce que le Liban est un Etat confessionnel qui
dispose aussi d’une structure politique confessionnelle: les
principales religions doivent être représentées au
gouvernement. Le bloc chiite ayant démissionné, cela a
enlevé toute légitimité constitutionnelle au
gouvernement actuel.

La «majorité» fait face également à de
graves problèmes avec la démission du bloc chiite du
Parlement. Pourquoi? Parce que l’élection du nouveau
Président du Liban est prévue pour 2007 et que, selon la
loi, c’est le Parlement qui élit le Président. Dans
la situation actuelle, le Parlement ne peut pas élire le
Président. Il devrait donc y avoir des élections
parlementaires anticipées.

Selon les statistiques et les grandes tendances de l’opinion,
s’il y avait des élections parlementaires, la
«majorité» perdrait ces élections et ne
serait plus majoritaire au Parlement comme aujourd’hui, avant la
démission du bloc chiite. La majorité serait entre les
mains du Hezbollah et de ses alliés. Cela signifie que la
«majorité» perdrait sa majorité.

Par quels moyens la «majorité» peut-elle tenter de
rester majoritaire? Le bloc du Hezbollah appelle à des
élections anticipées ou à l’augmentation du
nombre des membres du Parlement. La «majorité»
rejette ces deux propositions et exige la démission du
Président Emile Lahoud pour en élire un nouveau.

Le Parlement actuel ne peut pas prendre une telle décision en
raison de la démission du bloc chiite. L’institution
gouvernementale est ainsi semi-paralysée, si bien que la
«majorité» se trouve dans une situation vraiment
critique. La popularité du Hezbollah s’accroît, la
«majorité» est travaillée par des conflits
internes et ne peut forcer le Président Lahoud à
démissionner.

La seule façon pour elle de s’unifier à nouveau et
de gagner le soutien de la rue pour rester au pouvoir consiste à
s’attirer la sympathie du peuple en accusant les Syriens et les
Iraniens d’interférer avec les affaires internes du Liban
en soutenant le bloc du Hezbollah. (…) Gemayel a
été assassiné afin de regagner la sympathie de la
population, de renforcer la position du gouvernement
proaméricain représenté par la
«majorité» et de conserver le status quo. (…)

Ahmad DIRKI

* Membre du Parti communiste libanais.