Pour les «NEM» de l'AI: précarité et appauvrissement

Pour les «NEM» de l’AI: précarité et appauvrissement

Ci-dessous l’essentiel
d’un article publié par la revue Actualité sociale
dans son numéro de novembre-décembre. Il relate une
étude sur les «refusés de l’AI» et leur
situation. Le constat est accablant et justifie à nos yeux
d’autant plus le référendum contre une
révision qui aggraverait encore cette situation.  (
réd.)

Dans son communiqué de presse du 14 septembre 2006, le
Département fédéral de l’intérieur
(DFI) se réjouit des données du premier semestre 2006: le
nombre de nouvelles rentes a baissé de 18% par rapport au
premier semestre 2005. Depuis janvier 2006, le nombre total des rentes
en cours s’est stabilisé pour la première fois,
alors que les recettes dues aux cotisations salariales ont
augmenté. le déficit de l’Al, qui avait
été évalué à 1, 7 milliard, est
ainsi resté bien en deçà, soit à 1,2
milliard. […]

Selon les informations fournies par le DFI, les Offices AI ont
octroyé un total pondéré de 9800 rentes au cours
du premier semestre 2006, contre 11 900 pour la même
période de 2005, soit une baisse de 18%. La baisse est
même de 30% par rapport au premier semestre de 2003.
L’autocensure fonctionne à merveille. Les ONG qui
conseillent les personnes handicapées les découragent de
déposer une demande, voire de recourir, sachant qu’elles
n’ont aucune chance d’obtenir une rente.. Si elles le font
quand même, les OAI se chargent d’écrémer.
Les taux de refus continuent de croître, passant de 41 % à
45% entre les premiers semestres de 2005 et 2006, pour les
premières demandes.

Très bien! Mais que deviennent les personnes à qui
l’on refuse une rente AI? Dans l’idéal, elles
retrouvent un travail rémunérateur et subviennent
à leurs besoins. Le DFI soutient qu’il en est ainsi. […].

Etude et méthode

En l’absence de toute donnée sur ce sujet, il était
impossible de confirmer ou d’infirmer ces dires. […] Comment
savoir si les personnes menacées d’invalidité se
réintègrent dans le circuit professionnel? Leur situation
est-elle au contraire préoccupante? Correspond-elle à un
transfert de charges de l’ AI vers d’autres assurances
sociales, en particulier vers l’assurance chômage et
l’aide sociale? Dans ce cas, il ne s’agirait pas
d’une amélioration, mais d’une péjoration de
la situation sociale des personnes concernées. Il
s’agirait également, non pas d’économies,
mais d’un report de charges de la Confédération sur
les cantons et les communes.
Pour pouvoir répondre à ces questions, nous avons
observé un échantillon de 69 personnes ayant toutes
reçu une réponse négative à leur demande de
rente AI. Les participants proviennent de toutes les régions de
la Suisse. Leurs âges sont compris entre 28 et 65 ans. […]

Résultats

79% des personnes interrogées disent avoir fait une demande de
rente à la suite d’une maladie physique ou de douleurs
chroniques les empêchant d’exercer une activité.
professionnelle. Une grande partie des participant-e-s cumule ces deux
handicaps. Les autres souffrent de troubles psychiques ou des suites
d’un accident.

  • 35% des individus interrogés sont actuellement pris en
    charge par leur famille (salaire du conjoint, aide financière
    des parents ou des enfants).
  • 39% vivent de l’aide sociale.
  • 26% travaillent à temps partiel ou ont d’autres sources de revenus.

On peut donc observer que dans les faits, la réinsertion
professionnelle, même partielle, est une solution minoritaire. En
outre, les emplois décrochés sont souvent
précaires et peu rémunérateurs. 74% des personnes
interrogées sont entièrement à la charge de leur
famille ou de l’aide sociale. Dans les remarques annexes,
plusieurs personnes ajoutent qu’elles n’ont pas
été écoutées par les experts de l’Al.
Elles sont souvent désemparées par leur situation et
culpabilisent à l’idée d’être un poids
pour leur famille. […]

Conclusion

Notre échantillon a été récolté de
manière totalement aléatoire. Il ne peut être
extrapolé sans précaution. Il est cependant indicatif du
problème que peut poser une politique d’octroi de rentes
trop sévère.

Les personnes interrogées, à qui l’on a
refusé une rente AI, ont beaucoup de peine à trouver un
emploi et à en vivre. Elles sont majoritairement à la
charge de leur famille ou de l’aide sociale. La situation
idéale que nous avons évoquée
précédemment ne correspond pas vraiment à la
réalité.

La réalité, c’est un transfert de charges de la
Confédération vers les cantons, les commune et les
familles. La réalité, c’est l’appauvrissement
des familles qui doivent entretenir la personne malade. La
réalité, c’est la précarisation de personnes
atteintes dans leur santé.

Gisèle ORY*

*Conseillère aux Etats neuchâteloise et directrice
de Pro Infirmis. L’article est paru sous le titre «AI: pas
de rente… et après?» dans le No de nov-déc. 2006
d’Actualité Sociale–Avenir Social. Précisons
que la conclusion que nous en tirons en faveur du
référendum est de solidaritéS et n’engage
pas l’auteure.