États-Unis
Le mouvement pour le démantèlement de la police s’impose
Aux États-Unis, les manifestations continuent à s’intensifier. Dans ce cadre, la revendication d’un démantèlement (defunding) de la police, et la dénonciation plus générale de son rôle au sein de la société, a atteint une visibilité importante et des premières victoires.

Les appels au démentèlement de la police et à la réallocation de son budget en faveur de secteurs sociaux comme l’éducation et la santé se multiplient dans de nombreux États du pays. Dressant le constat d’une « police structurellement raciste » et « non réformable », une majorité des membres du conseil municipal de la plus grande ville du Minnesota, dans le nord des États-Unis, a voté pour son démantèlement et la construction d’un « un nouveau modèle de sécurité publique » en concertation avec la population. L’intention est de transférer les fonds alloués au budget de la police de la ville vers des projets s’appuyant sur la population. Il reste à voir encore quel modèle alternatif sera proposé, mais cela constitue un signal fort dans cette période.
La campagne de démentèlement comprend également d’autres propositions. Celles demandant l’expulsion des forces de police des campus scolaires et la fin des contrats liant les établissements éducatifs avec la police ont gagné du terrain. Un certain nombre de syndicats d’enseignant·e·s ont entamé des démarches dans cette direction au sein de leurs institutions. Les programmes d’échange et de collaboration entre des départements de police et des gouvernements étrangers, eux-mêmes coupables de violation de droits humains, ont également été la cible d’activistes. Par exemple, septante organisations et des dirigeant·e·s locaux·ales exigent de l’État de Géorgie qu’il mette fin au programme d’échanges avec l’État d’Israël.
Dans ce contexte, le camp démocrate tente de limiter les revendications du mouvement de démentèlement. Il appelle à une nouvelle série de réformes inspirée de l’ère Obama sans perspective de changement structurel et de remise en cause du rôle de la police dans la société. Le Justice and Policing Act, soutenu par plus de 200 élu·e·s essentiellement démocrates, entend créer un registre national pour les policiers commettant des actes de violence dans l’exercice de leurs fonctions, faciliter les poursuites judiciaires contre les agents, et repenser leur recrutement et formation.
Face aux critiques contre la police, le président états-unien Trump a, de son côté, défendu la nécessité d’avoir une police « plus forte » et a accusé les démocrates de vouloir « couper les vivres de la police ».
Le rôle social de la police : maintien de l’ordre dominant
Pour de nombreux·euses militant·e·s de gauche, le démentèlement de la police constitue un premier pas vers l’abolition de cette institution répressive. Son budget annuel se situe aux environs des 100 milliards de dollars (des polices aux tribunaux), soit le double de la somme allouée aux programmes sociaux.
Le rôle fondamental de la police est la protection de la propriété privée et des rapports de production capitalistes. Les policiers·ères ne sont pas des « travailleurs·euses en uniforme », mais font partie intégrante de l’appareil répressif de l’État et de ses dynamiques racistes. De nombreuses preuves démontrent le rôle extrêmement négatif joué par les syndicats policiers. Ils empêchent toute tentative de réforme, même mineure, pour davantage de transparence et de rendre compte de leurs actions violentes et meurtrières. Entre 2005 et 2015, seuls 5 agents des forces de polices ont été condamnés pour meurtre. Dans le même temps, environ 1000 personnes, issues de manière disproportionnée de populations noires, ont été tuées par la police chaque année.
L’histoire de la police des États-Unis est particulièrement parlante. Les services de police ont émergé dans les États du Sud des patrouilles qui durant les 18e et 19e siècles capturaient et renvoyaient les esclaves en fuite. Dans le Nord, les premiers services de police municipaux du milieu des années 1800 aidaient à réprimer les grèves et les émeutes contre les riches.
Une radicalisation générale
L’imposition de la campagne de démentèlement dans le débat public reflète la radicalisation continue du mouvement de protestation aux États Unis. Des arrêts de travail symboliques ont eu lieu dans tous les ports de la côte Ouest pour témoigner de leur solidarité avec la cause de Black Lives Matter. Des manifestant·e·s dans la ville de Seattle, après des confrontations avec les forces de police ayant abouti à la fermeture d’un poste de police, ont déclaré une partie du quartier de Capitol Hill comme zone autonome.
Le mouvement de Black Lives Matter constitue sans aucun doute un espoir pour les classes salariées et populaires unies dans leur diversité pour s’attaquer à l’ordre dominant capitaliste et raciste.
Joseph Daher