Tirage au sort des juges fédéraux ?
Une initiative à rejeter
L’initiative dite sur la justice soumise au vote le 28 novembre prochain vise à modifier le système de désignation des juges au Tribunal fédéral. Certes, le système actuel n’est pas exempt de critiques, mais le remède proposé par l’initiative est pire que le mal.

L’ initiative sur la justice, lancée par un entrepreneur alémanique, prétend améliorer l’indépendance de la justice et favoriser des candidatures de qualité, en combattant le système actuel où les juges fédéraux sont présenté·e·s par les partis politiques et élu·e·s par l’Assemblée fédérale. Les initiant·e·s combattent également le système de réélection périodique (tous les six ans) des juges fédéraux, qui est une source potentielle de pressions politiques, et propose de les désigner pour une période unique, prenant fin cinq ans après l’âge ordinaire de la retraite. En contrepartie de cette désignation « à vie », l’initiative introduit une possibilité de révocation, par l’Assemblée fédérale, en cas de grave violation des devoirs de fonction ou de perte de la capacité d’exercer sa fonction.
À défaut d’élection par l’Assemblée fédérale, les juges fédéraux, selon l’initiative, seraient désigné·e·s par tirage au sort, mais seulement après qu’une commission spécialisée composée de membres nommé·e·s par le Conseil fédéral ait statué sur leur admission au tirage au sort, sur la base de critères prétendument objectifs d’aptitude professionnelle et personnelle. Or, il faudrait nous expliquer en quoi le hasard (principe du tirage au sort) permettrait d’assurer la désignation des candidat·e·s les mieux qualifié·e·s ! Mais surtout, le système proposé manque totalement de légitimité démocratique, puisque les membres de la commission chargée de décider de l’admission au tirage au sort seraient nommé·e·s par le Conseil fédéral (et non élu·e·s), selon des critères non précisés, mais dont on peine à croire que les considérations d’ordre politique seraient exclues !
Par ailleurs, c’est une illusion de croire que les juges, quel que soit leur mode de désignation, pourraient être de « pur·e·s » professionnel·le·s du droit. L’application du droit n’est en effet pas une science exacte, mais fait aussi appel aux convictions personnelles, philosophiques – voire « politiques » au sens large du terme – des juges.
Anne-Marie Barone