Interview dun refuznik: la Palestine peut nous sauver
Interview dun refuznik: la Palestine peut nous sauver
Le collectif Urgence Palestine Vaud a organisé, le 15 mars dernier, une conférence à Lausanne avec un Israélien, Guy Elhanan, refuznik, et un membre de lUnion Juive Française pour la paix, Georges Gumpel, conférence qui a rencontré un énorme intérêt. Nous publions les extraits dun entretien réalisé avec Guy Elhanan*. (réd)
Guy Elhanan a vingt cinq ans et il est étudiant. Il est membre de lassociation israélienne: «le courage de refuser» ainsi que membre du «forum de parents de familles endeuillées», lassociation «Parents Circle», qui regroupe 500 familles endeuillées par le conflit tant au niveau israélien que palestinien. Il a perdu sa sur dans un attentat à Tel-Aviv et, depuis cet événement, après avoir lutté trois ans sur place, il est parti suivre des études en France, tout en suivant de très près les activités des associations de résistants en Israël.
Vous auriez pu avoir un esprit de vengeance après cet attentat; quest-ce qui vous a conduit au contraire à résister?
Jétais plutôt désespéré par létat de la société israélienne, je ne trouvais plus de résonance dans cette société, ni de partenaire pour faire la paix. À cette époque-là, après la deuxième Intifada, jétais dégoûté de voir que le gouvernement Sharon simposait de plus en plus et quil avait gagné les élections. Jen ai tiré la conclusion que je préférais maffirmer comme citoyen du monde et non pas comme citoyen israélien. Ma famille est pourtant très ancrée en Israël. Mon grand-père est rescapé de lholocauste et ma famille est là-bas depuis neuf générations, elle sest donc toujours identifiée comme israélienne.
En effet, votre engagement est totalement à contre-courant?
Il faut savoir quen Israël, si on ne fait pas son service militaire, on est pratiquement exclu de la société civile: on ne trouve aucun débouché professionnel, ce qui, pour un jeune, est terrible. Larmée est lintermédiaire absolu pour réussir dans le pays. Pour trouver un travail, on doit dire son grade, son affectation dans larmée; si on nen a pas, les portes sont fermées. Dailleurs, comme larmée fonctionne de façon très hiérarchique, plus on grade, plus les chances sont grandes. Cette gradation au sein de larmée correspond pratiquement à la même hiérarchie sur le plan social. Au sommet, les pilotes faisant partie des unités spéciales sont lobjet de tous les égards dus à leur rang.
Il faut du courage pour oser dire non!
La société israélienne a un respect indéfectible pour le soldat. Lorsquun jeune commence à prendre conscience que les barrages ne servent pas à défendre les frontières dIsraël, mais quau contraire ils servent à punir la société palestinienne et à nier le droit dexistence des Palestiniens, il trouve un soutien important en participant aux associations de «refuzniks» qui sopposent à loccupation. Les barrages, les colonies illégales, les destructions, les crimes ne servent quà provoquer la formation de «kamikazes». Ce sont des outils dhumiliation qui mènent aux attentats et qui ne servent en aucun cas la défense du territoire israélien. En ce qui me concerne, jai quitté larmée avec beaucoup de colère: je ne pouvais plus appartenir à une troupe délite et cest ainsi que jai rencontré tout la constellation des organisations qui sopposent à larmée. De plus, après avoir eu pas mal damis blessés au Liban, je voulais trouver un moyen de parler aux gens qui allaient être soldats en leur faisant comprendre que le cadre actuel de larmée ne sert quà perpétuer le mythe du soldat et celui du héros qui se sacrifie pour elle.
Quel est votre espoir dans la situation actuelle?
La paix ne va pas se faire par une signature. La vraie paix se fait par des actes, ce qui signifie la destruction du mur: comme Israélien, jaimerais promouvoir la paix par la connaissance des autres. Il faut que les deux peuples se rencontrent et quils parlent ensemble. Dailleurs, dans notre association, le plus important est la rencontre de lautre; on ne le considère plus comme un monstre, il peut devenir un ami. Le mur ne sert quà rendre cette approche encore plus infranchissable. Il représente une barrière plus vaste et dangereuse qui accentue la frontière culturelle et lignorance de lautre. Sur le plan politique, il y a aussi pas mal de murs à franchir. De plus, jai bon espoir qu à lintérieur dIsraël, les choses bougent. Le gouvernement Sharon subit des critiques de toutes parts contre son plan d«apartheid» et la situation économique devient de plus en plus difficile.
Quel message entendez-vous faire passer?
Pour moi, dune part, la résolution du conflit viendra du côté israélien, qui est «loccupant». Cest à la société israélienne dagir et de faire le pas. D´autre part, il faut continuer à se mobiliser au niveau international. Je suis retourné dans mon pays pour deux mois et jai rencontré beaucoup de sympathisant-e-s qui sont sur place par solidarité. Pour nous et pour le peuple palestinien, cest un encouragement déterminant.
Entretien réalisé par Pierrette ISELIN
* Vous pouvez obtenir linterview complet, ainsi que celui de Georges Gumpel dans la revue «Entre les lignes» éditée par le Collectif Urgence Palestine Vaud qui paraîtra fin avril: (Renseignements: lecteur@cupvd.ch)