Talon de fer de la répression et main invisible du marché
Talon de fer de la répression et main invisible du marché
Les politiques néolibérales, cadeaux fiscaux aux
riches, privatisations, démantèlement social, sont
systématiquement associées à des mesures autoritaires,
répressives et antidémocratiques. Cette règle se
vérifie aujourdhui en Suisse, pays où le capitalisme dispose,
par ailleurs, dune longue tradition de répression
de lopposition sociale et politique
Quon se souvienne
de l«affaire des fiches», qui révélait, il y a quinze
ans, que plus dun demi million dhabitant-e-s de ce
pays avaient fait lobjet, pendant des décennies, dune
surveillance et dun fichage systématiques axés sur la
lutte contre la «subversion». On rappellera aussi, quà
travers son dispositif administratif et policier de
«contrôle» de la population étrangère, au service dun
racisme dEtat avéré, la Suisse a une longue tradition de
négation des droits humains élémentaires.
Le 22 décembre dernier, le Conseil fédéral annonçait un
nouveau train de mesures visant à «renforcer la sûreté intérieure», comportant notamment l«amélioration des mesures
dans le domaine de la protection de lEtat à titre préventif», au motif, évidemment, de la participation helvétique à
la croisade «contre le terrorisme» qui couvre toutes les
dérives antidémocratiques des deux côtés de lAtlantique.
En 1998, le Conseil fédéral et le Parlement rejetaient
linitiative «Pour une Suisse sans police fouineuse», en
prétextant que ses exigences avaient été «largement
remplies», et quil ny avait « plus de police politique à
proprement parler». Des affirmations qui sonnent particulièrement
creux aujourdhui, où manifestement le
fichage politique préventif a repris sur une large échelle.
Quon en juge: le 31 janvier, la police bâloise annonçait
avoir contrôlé au total 777 personnes dans le cadre de la
manif contre le World Economic Forum de Davos du
samedi précédent à Bâle, alors que les dépêches dagence
annonçaient le jour même que celle-ci avait rassemblé
500 manifestant-e-s, «encadrés» par 500 policiers.
Le 22 janvier, la manifestation anti-WEF a Berne avait été
interdite par la municipalité rose-verte une restriction
inacceptable aux libertés publiques fondamentales
qui renvoie notamment au projet de loi de lUDC et de
lEntente bourgeoise genevoises, visantde factoà supprimer
le droit de manifester dans le canton. Pourtant,
des centaines dopposant-e-s au WEF se sont rendus à
dans les rues de la ville fédérale, ce jour là, répondant à
lappel des organisateurs de la manif annulée pour y
mener des actions «créatives et décentralisées». Si ces actions elles-mêmes comme dautres, dont la manifestation qui a traversé Genève le 21 janvier à lappel de
solidaritéS se sont déroulées sans roblèmes, il nen
a pas été de même des actions
de la police.
De très nombreux manifestant-e-s potentiels ont été
interpellés dès leur arrivée à Berne, arrêtés, détenus
pendant des heures dans des «cages dattente», dans
des conditions inacceptables, interrogés, fouillés,
fichés. Ceci, alors que les initiateurs de guerres criminelles,
qui violent le droit international, comme Tony
Blair, étaient accueillis comme hôtes dhonneur à Davos,
sous la protection bienveillante dun dispositif militaro-policier
helvétique sans précédent.
Pendant ce temps, dans ce même pays le Conseil fédéral
a mis en consultation un projet de loi sur l«usage de
la contrainte dans le cadre du droit des étrangers
» qui
prévoit notamment des formes avérées de torture,
comme lusage délectrochocs contre des personnes
détenues (procédé interdit en Suisse pour le bétail!).
Pendant ce temps encore, des syndicalistes qui résistent,
encourent les foudres de lappareil judiciaire,
comme à Genève encore, où lon continue à inculper, à
interroger et à poursuivre des militant-e-s syndicaux
dont le seul «crime» est davoir, un matin de grève lan
passé, participé à un piquet devant les dépôts des
Transports publics genevois.
La coupe est pleine! Certain-e-s comme linitiatrice de
la pétition contre la Loi sur lusage de la contrainte et ses
pistolets à électrochoc que nous avons interviewée dans
ce journal nhésitent pas à qualifier la situation de
«fascisme rampant». Quoi quil en soit, il est certain que
nous sommes confrontés aujourdhui à un changement
qualitatif majeur dans ces domaines, qui appelle une
réaction collective, organisée, dépassant le «coup par
coup» de tous les secteurs militant-e-s concernés et de
tous les démocrates.
Dans ce sens, le fait que le Forum Social Suisse, qui aura
lieu en juin 2005 à Fribourg, ait décidé de traiter, comme
lun des ses «axes» de débat, le thème des «tendances
autoritaires, répressives et exclusives dans la société actuelle» vient à point. Pour avancer la préparation de ce
débat le FSS organise une réunion de travail nationale le 17 février. Un rendez-vous à ne pas manquer!
Marie-Eve TEJEDOR