Santé: nouveaux coups bas antisociaux

Santé: nouveaux coups bas antisociaux



Court-circuitant les débats
parlementaires de la session d’hiver 2010 sur l’assurance
maladie, le Conseil fédéral a promulgué, par
ordonnance, une augmentation de 15 francs par jour de la
contribution aux frais de séjour hospitalier pour les adultes,
supprimé la prise en charge de verres de lunettes et de
lentilles de contact, et abaissé le remboursement d’autres
prestations de l’assurance de base.

Ce « baptême du feu » de Burkhalter,
nouveau chef du Département fédéral de
l’intérieur, marque la volonté du Conseil
fédéral de poursuivre son combat vers un rationnement des
soins dans l’assurance de base, en augmentant la charge
financière directement sur le dos des patient·e·s.

    Le train de mesures d’économies de 200
millions par an prévu par Couchepin dans l’assurance de
base avait été repoussé par les chambres
fédérales en automne 2010. Cela n’a pas
freiné Burkhalter dans son élan. Il a choisi, avec
l’appui du Conseil fédéral, d’imposer 185
millions d’économies par voie d’ordonnance à
la charge directe des ménages.

    Alors que ces dernières années, le
revenu réellement disponible pour plus de la moitié des
salarié·e·s de ce pays a diminué
(communiqué USS du 6.1.11), la population paye
déjà une part directe croissante dans le financement des
soins, avec les franchises, par quotes-part de participation
(10 %, avec un plafond de 700 fr. par an), et la prise en charge
de soins ou examens non remboursés. Sans parler du
système de primes par tête dans le financement de
l’assurance maladie, qui reste le plus antisocial de tous les
systèmes de santé des pays développés.
 

Mesures injustes et antisociales

En fait, la hausse de la taxe hospitalière sera facturée
par les caisses maladie dans l’assurance de base, et non
encaissée par les hôpitaux, et réalisera ainsi une
« économie » annuelle de 115 millions
sur le dos des assuré·e·s, au profit des
assureurs ; une « opération blanche »
selon Burkhalter !

    Avec l’augmentation de 10 à 15 fr. pour
la taxe hospitalière et son extension à tous les adultes
de plus de 25 ans (à l’exception des séjours
« maternité »), la charge pour une
durée moyenne de séjour hospitalier en Suisse de 9,7
jours représentera donc plus de 145 fr. en moyenne, taxe qui
n’a évidemment pas le même poids selon le revenu
disponible ! Cette mesure pénalise scandaleusement les
patient·e·s dont l’état de santé
nécessite des séjours hospitaliers de longue
durée. Elle a été dénoncée par
l’Association suisse des patients, par l’association
faîtière des hôpitaux H+ et même par des
parlementaires de droite.

Un rationnement choquant !

L’économie réalisée par les assureurs sur
l’achat de lunettes et de verres de contact, désormais
à la charge des assuré·e·s
représente 10 millions de francs par an.

    Une économie supplémentaire de
30 millions est prévue, particulièrement mesquine
puisqu’elle se réalisera sur les couches absorbantes
nécessaires dans les soins d’incontinence ou sur les
pansement hydrocolloïdes (qui favorisent les cicatrisations).

    Il faut aussi rappeler les 30 millions
d’économies prévues sur le remboursement des
appareils auditifs. Cette prise en charge par l’AI sera
dorénavant plafonnée à 840 fr. par appareil.

    Ce transfert pénalise les personnes atteintes
dans leur santé, et encore plus lourdement celles et ceux qui
sont atteints d’affections chroniques ; il ne tient aucun compte
des différences de revenu des assuré·e·s,
sans parler de leur fortune.

    Cette politique revendiquée de longue date
par la droite au nom d’une responsabilité individuelle
face aux coûts de la santé, représente en fait une
tendance de fond dans le financement du système de santé
suisse : diminuer la part de financement des pouvoirs publics et
des employeurs, et augmenter celle des assuré·e·s,
que cela soit sous forme de « taxe de séjour
hospitalier » ou par la réduction du catalogues des
prestations prises en charge par l’assurance maladie obligatoire.

Le remboursement des médicaments : nouveau front antisocial

Alors que les caisses maladie Supra et Assura pratiquent
déjà le système de remboursement des
médicaments en tiers garant (après que les patients aient
payés directement les médicaments en pharmacie),
l’Intras, une grande caisse s’associe à cette
pratique qui pénalise les patient·e·s : le
fait de devoir s’acquitter de factures de médicaments
souvent onéreux grève d’autant le budget des
ménages et met plus particulièrement en difficulté
les familles à faible revenu. Cette nouvelle pratique des
caisses maladie devrait être interdite, car elle met en danger le
suivi médical et thérapeutique et menace directement la
qualité des soins, certain·e·s
patient·e·s renonçant de plus en plus souvent
à payer directement les médicaments.

    Manifestement les injustices sociales
s’accumulent dans notre système de santé. Une
refonte en profondeur s’impose pour rompre avec la logique du
profit à court terme des assureurs, d’une concurrence
absurde qui ronge le système de soins, et surtout d’un
mode de financement profondément antisocial. Notre mouvement
doit poursuivre son combat pour un financement d’une assurance
maladie publique en fonction du revenu, pour un système
hospitalier intégré à l’ensemble du
dispositif de soins et non pas centré sur lui-même, avec
un service public de qualité, et une promotion de la
médecine de premiers recours, alors que la relève
médicale n’est déjà plus assurée.

    En 2011, les débats déjà
annoncés porteront sur les soins intégrés, sur la
fin de la clause du besoin, sur l’introduction du système
national de financement des hôpitaux selon les pathologies
(système DRG), sur l’avenir des caisses maladie, la
nouvelle loi sur la prévention et bien sûr la
deuxième partie de la  6e révision de l’AI.
Autant d’occasions de faire avancer nos propositions pour un
système de sécurité sociale solidaire et
socialement juste.

Gilles Godinat