Université: Le recteur saute,les problèmes restent

Université: Le recteur saute,les problèmes restent

La guerre annoncée entre le Conseil d’Etat et le recteur
de l’Université a été brève. Celui
qui était encensé il y a encore quelques mois pour ses
capacités de décideur a été licencié
séance tenante. Méthode américaine: le contrat de
droit privé a été rompu sur-le-champ. Pour
«faute grave»: refus de rencontrer le Conseil d’Etat
«sans être accompagné».

Le transfert de l’Institut demicrotechnologie à
l’EPFL n’est qu’une péripétie. Le fond
de l’affaire, c’est en effet le statut du recteur. Un
recteur fort, voulu par la majorité socialiste, radicale,
libérale et UDC. La Loi sur l’Université,
votée par leGrand Conseil en 2003 place en effet le recteur dans
le rôle d’unmanager, comme dans une entreprise
privée, doté des pleins pouvoirs pour imposer ses
réformes à l’ensemble de l’Université.
Cela devait inévitablement conduire à un clash. Le
Conseil d’Etat a décidé de passer en force.

En 2003, lors des débats relatifs à la nouvelle Loi sur
l’Université, solidaritéS avait, ensemble avec les
Verts et le POP, défendu une autre conception des rapports entre
les autorités politiques et l’Université. Rappelons
ici ce que nous avons écrit au moment de cette discussion:
«[… ]ce n’est pas en instaurant le pouvoir personnel
qu’on résoudra les problèmes. Il faut au contraire
étendre la démocratie en intégrant y compris les
étudiant-e-s aux projets d’enseignement. En leur donnant
un réel pouvoir de décision. L’Université
n’a pas besoin d’un pouvoir fort, mais
d’enseignements de qualité. Cela ne se
décrète pas par une loi. C’est un état
d’esprit. Celui qu’insufflera la nouvelle loi (si elle
passe) va dans un autre sens: il renforce l’administratif aux dépens du créatif.»

En 2003, la majorité du Grand Conseil avait
préféré suivre l’avis du Conseil
d’Etat et optait pour un rectorat fort. Nommé dans la
logique d’une culture d’entreprise «moderne»,
le recteur a utilisé le pouvoir que lui confère la loi
pour fermer des instituts et restructurer des enseignements. Il a
attaqué de front le corps enseignant et les étudiant-e-s.
Il a imposé ses vues, sans consultation aucune… avec
l’aide d’un conseiller en communication. Il a réussi
à se mettre ainsi à dos presque toute la
communauté universitaire, en particulier la faculté des
sciences, où il était unanimement détesté.
Nombreux sont celles et ceux qui voulaient sa peau et qui,
aujourd’hui, se réjouissent de ce départ
forcé.

Restent deux questions:

  • dans une entreprise cotée en bourse, le manager
    «saute» avec un parachute plus ou moins doré quand
    les objectifs ne sont pas atteints. A l’Université, il
    «saute» quand il ne plaît plus au Conseil
    d’Etat. Bénéficiera-t-il également
    d’un parachute pour amortir le saut?
  • A quand une nouvelle Loi sur l’Université?


Henri Vuilliomenet