L’«agenda social» de Bush en Amérique latine

L’«agenda social» de Bush en Amérique latine

Une nouvelle «Alliance pour le
progrès» contre le «socialisme du 21e
siècle»? Eva Golinger – avocate
vénézuélienne-étatsunienne et auteure de
The Chavez code: craking U.S. intervention in Venezuela (La Habana,
2005)
1
– démystifie l’«agenda social»
proposé par le président des USA lors de sa
récente tournée en Amérique latine. Il y a 50 ans
déjà, pour contenir la révolution cubaine, son
prédécesseur J.F. Kennedy avait lancé
l’«Alliance pour le progrès»: en clair, une
série de réformes sociales servant d’additif
à une stratégie contreinsurrectionnelle – qui
installa plusieurs dictatures militaires… et conforta celles
déjà existantes! (hpr)

La nouvelle offensive des USA en Amérique latine n’utilise
pas un armement venu des casernes ou du «complexe
militaro-industriel», mais du Venezuela! Avant de se rendre dans
cette région, G.W. Bush expliquait que son gouvernement
souhaitait «la promotion de la justice sociale dans
l’hémisphère occidental » selon trois axes:
éducation, santé, logement; des institutions justes,
efficaces, non corrompues; une économie juste pour les
travailleurs. Le mot «justice sociale » dans la bouche du
Seigneur de la Guerre étonne. «Notre mission consiste
à terminer la révolution, initiée par Simon
Bolivar et George Washington», conclut G.W. Bush. La
révolution bolivarienne dirigée par Chávez
a-t-elle donc un si grand impact sur la politique des USA? (…)

Puisque le bâton ne suffit pas…

Il est indubitable que G.W. Bush et ses conseillers prennent les
Latino-Américains (et plus globalement les humains) pour des
imbéciles… Mais après les multiples interventions
de ses prédécesseurs (de Kennedy à Bush Sr) en
Amérique latine, Bush Jr ne savait plus quoi faire. Durant les
premières années de son mandat, il a mis toute son
énergie à détruire le Moyen Orient.

Lorsque les USA ont vu la force réelle de Hugo Chávez
(capable d’impulser un tournant à gauche en
Amérique latine), ils ont tenté de le liquider au moyen
d’un coup d’Etat (avril 2002), puis par le sabotage
économique. Après l’échec du
référendum révocatoire lancé
par l’opposition vénézuélienne (le 15
août 2004), le gouvernement des USA s’est rendu compte du
manque de fiabilité de cette opposition. Alors, depuis janvier
2005, ils ont commencé à tenir des discours violents
contre le Venezuela: «Chávez est une force négative
dans la région» (Condolzza Rice, secrétaire
d’Etat), «Chávez ressemble à Hitler»
(Donald Rumsfeld, ex-secrétaire à la Défense),
«Chávez menace la démocratie et la stabilité
régionale» (John Negroponte, sous-secrétaire
d’Etat).

Les USA cherchent à lier le Venezuela au terrorisme d’Al
Qaida. Ils accusent ce pays «de collaboration insuffisante dans
la guerre contre le terrorisme» et l’empêchent
d’acheter des armes aux USA. Des dizaines de parlementaires US
ont clamé sur tous les tons: «Chávez est un
dictateur autoritaire». En 2006, Condolezza Rice promettait
d’ «isoler le Venezuela». Mais comme les autres
stratégies de Washington, ce plan a échoué.

…Pourquoi ne pas utiliser aussi la carotte?

Le monde entier applaudit Hugo Chávez lorsqu’il traite
G.W. Bush de «diable»; mais lorsque Bush et sa clique
traitent Chávez de «dictateur» ou de
«menace», ce dernier voit augmenter ses appuis et sa
popularité dans la communauté internationale et
Washington est qualifié d’«agresseur
impérialiste». Les USA ne savent plus quoi faire pour
intervenir au Venezuela et à Cuba. Ils changent
régulièrement d’ambassadeur à Caracas, sans
rien avoir obtenu. Leur politique agressive ne trouve pas
d’alliés (même pas l’Union européenne).
Financée avec des millions de dollars, l’opposition ne
réussit pas à s’unir pour obtenir une victoire
électorale.

A l’augmentation du potentiel militaire US dans la région
(navires de guerre, porte-avions, hélicoptères de combat,
sous-marins nucléaires), le Venezuela réagit en
renforçant sa défense. L’ultime remède des
USA consiste donc à copier le Venezuela. Une école
médicale à Panama formera gratuitement des
infirmières, des techniciens et des travailleurs de la
santé. Un navire de la flotte US sera envoyé dans
plusieurs ports (de Belize au Surinam) avec un contingent de
médecins et d’infirmières (susceptibles de soigner
85000 patients et d’effectuer 1500 opérations). Une copie
de l’Université latino-américaine de
médecine ou des missions «Barrio Adentro» ou
«Milagro » (Programmes sociaux du gouvernement bolivarien).
Autres promesses de Bush: 75 millions de dollars pour des
étudiant-e-s souhaitant apprendre l’anglais; 100 millions
pour des crédits hypothécaires au Mexique, au
Brésil, au Chili et en Amérique centrale. Les montants
versés à des groupes et à des organisations
oeuvrant à «la promotion de la démocratie en
Amérique latine» (aujourd’hui 1,6 milliard de
dollars) seront augmentés (en plus des 300 organisations
nord-américaines, financées par le Département
d’Etat, actives aujourd’hui sur le continent). La
«bataille des idées» s’accélère.
Washington n’a plus d’autre recours qu’une
«façade sociale» pour tenter de regagner le terrain
perdu sur la révolution bolivarienne.

Eva Golinger *

* Texte original en espagnol: www.aporrea.org, 7 mars 2007. Adaptation et traduction: Hans-Peter Renk.

1 La version française de son ouvrage Code Chávez: CIA
contre Venezuela (Esch-sur-Alzette, Oser dire 2006) peut être
commandée à: kovic@ skynet.be (20 euros + 3,5 euros pour frais de port).