Construire un parti anticapitaliste large La LCR en Congrès (24-27 janvier 2008)

Construire un parti anticapitaliste large
La LCR en Congrès (24-27 janvier 2008)



Du 24 au 27 janvier prochain, la LCR
tiendra son 17e Congrès. L’enjeu est de taille,
puisqu’il s’agit pour elle de décider des
modalités de constitution d’un parti anticapitaliste plus
large et plus enraciné dans les couches populaires et la
jeunesse de France… Rappelons que solidaritéS participe
depuis 2001 aux Conférences de la gauche anticapitaliste
européenne, aux côtés de la LCR, du Bloc de gauche
portugais, de l’Alliance rouge et verte danoise, etc. Nous
pensons que les problèmes soulevés par la ligue
intéresseront une grande partie de nos lecteurs-trices,
c’est pourquoi nous avons décidé de publier ici,
sous forme d’un cahier émancipationS, de larges extraits
des thèses majoritaires (Plateforme A), présentées
aux militant-e-s par 74% des membres de la direction nationale
sortante, et disponibles intégralement, ainsi que celles des
plateformes minoritaires B et C, sur le site www.lcr-rouge.org. Ces
trois documents sont actuellement soumis aux votes des congrès
locaux de la LCR, chaque membre devant opter pour l’un
d’eux. Les délégué-e-s au congrès
national seront ensuite élu-e-s à la proportionnelle (sur
la base de 1 délégué-e pour 7 votes).

La victoire de Sarkozy et de la droite et les deux défaites
consécutives de la gauche gouvernementale à la
présidentielle et aux législatives de 2007 (…)
donnent la mesure des reculs accumulés depuis des
décennies. Cette victoire s’inscrit dans
l’évolution de la situation nationale et mondiale,
dominée par deux tendances lourdes: l’offensive
libérale capitaliste et
l’effondrement / mutation des partis traditionnels
du mouvement ouvrier.

Elle tourne la page d’un quart de siècle de gouvernements
d’alternance et de cohabitation [qui] se sont
succédé pour mener des politiques antisociales. Le camp
réactionnaire sort renforcé par la victoire de Sarkozy
qui a réussi à récupérer une grande partie
des voix du Front national. Les clivages parlementaires se redessinent
autour d’un centre de gravité déporté vers
la droite. L’UMP applique son programme, tandis que le PS
dérive vers le centre pour s’adapter encore plus
étroitement aux intérêts du capitalisme
libéral… Vampirisé par sa politique d’alliance
avec le PS, le PCF continue à voir décliner son influence
au sein des classes populaires. Sa mutation en parti
antilibéral, aile gauche de la social-démocratie, est un
échec. Quant aux Verts, majoritairement convertis au
libéralisme, ils apparaissent comme une sorte d’appendice
écologiste du PS voire du Modem [parti de Bayrou]. (…)
Cette offensive provoque des résistances sociales, cette
adaptation crée un divorce croissant des partis de gauche avec
les classes populaires. Une période du mouvement ouvrier
s’est achevée.

Riposter à la violence de l’offensive gouvernementale et
patronale implique l’organisation, l’impulsion d’un
front de résistance pour les mobilisations et une politique
unitaire systématique en réponse à tous les
aspects de la politique du gouvernement Sarkozy; mais aussi, face
à la faillite des organisations traditionnelles du mouvement
ouvrier, de s’engager résolument et sans tarder dans la
construction d’un nouveau parti, regroupant les anticapitalistes
et les révolutionnaires. Un parti pour
l’émancipation qui défendra jusqu’au bout les
intérêts du plus grand nombre, en rupture avec le
capitalisme et ses institutions, pour redonner aux idées du
socialisme et du communisme toute leur force contestataire, leur
actualité.

1/ La perspective d’un nouveau parti prend appui et se
nourrit des évolutions engagées depuis 1995. Les luttes
et les mouvements sociaux (1995, 2001 contre les licenciements, 2003
contre la loi Fillon, 2004 pour le droit à la santé, 2006
contre le CPE…) ont manifesté l’existence d’une
large conscience d’opposition aux plans libéraux du
capital, l’existence aussi de dizaines de milliers de
militant-e-s agissant sur le terrain de l’anticapitalisme et
à la recherche d’une politique en rupture avec le
«réalisme» des directions syndicales, du PS et du
PC.

De nombreuses luttes locales contre les licenciements, pour les
salaires ou la défense des services publics ont montré
cette même réalité. Plus
généralement, c’est l’ensemble des
discriminations et des oppressions que sécrète cette
société qui ont été
régulièrement combattues, parfois à une
échelle de masse. (…) Les campagnes électorales de
1995, 2002, 2004 et 2007 ont élargi l’audience de
l’extrême gauche, et le référendum de 2005 a
manifesté à gauche l’existence d’un puissant
courant de contestation du capitalisme libéral. Ces luttes, ces
élections ont exprimé le besoin d’un parti
anticapitaliste, internationaliste, écologiste,
féministe, qui serait un outil politique pour les
travailleurs-euses et l’ensemble des opprimé-e-s dans les
luttes, qui serait leur porte-parole lors des élections, en
rupture avec le social-libéralisme et sa politique de gestion
loyale des institutions étatiques et de l’économie
capitaliste.

En ayant gouverné dans la durée, les partis traditionnels
du mouvement ouvrier ont encore affaibli les liens qui les unissaient
au monde du travail, ce qui a aggravé la crise de
représentation politique des travailleurs-euses. Si les
possibilités de répondre à cette crise ont
commencé à apparaître depuis plusieurs
années, la situation créée par la victoire de la
droite, la dérive du PS et l’effondrement du PC rend la
nécessité d’avancer dans cette voie encore plus
criante aux yeux de larges secteurs du mouvement social. Il
apparaît clairement que la riposte à la «nouvelle
phase de réformes» engagées par Sarkozy
nécessite une contre-offensive politique globale
légitimant la défense des droits des salarié-e-s
et de l’ensemble de la population face à l’offensive
idéologique menée par la droite et le patronat.
L’audience et la sympathie rencontrées par la candidature
d’Olivier Besancenot lors de la dernière élection
présidentielle, confirmées par les résultats des
candidat-e-s LCR aux législatives, témoignent des
possibilités actuelles de construire un nouveau parti, et
donnent à la LCR une responsabilité particulière
pour engager cette tâche.

2/ La mondialisation capitaliste entraîne guerres,
misère et famines, dégradations des grands
équilibres écologiques, ainsi que reculs majeurs des
conditions de vie de la paysannerie et des salarié-e-s à
l’échelle internationale. Pour répondre aux besoins
élémentaires de la population, il faut
impérativement remettre en cause la logique de la recherche du
profit et pour ce faire, remettre en cause la propriété
privée des moyens de production, la toute-puissance des Etats
impérialistes et des institutions internationales.

(…) La relance du traité européen, au
mépris du droit des peuples, illustre la détermination
des gouvernements européens à adapter leurs instruments
de domination à la nouvelle donne du capitalisme
mondialisé. Elle doit être combattue avec la même
force qu’en 2005. (…)

A l’échelle mondiale, le capitalisme a
développé la mondialisation libérale pour tenter
de refonder durablement les profits financiers. La mondialisation,
c’est d’abord et avant tout l’extension du rapport
d’exploitation à l’ensemble de la planète. Le
développement du capitalisme aboutit à la
prolétarisation de dizaines de millions de paysan-ne-s pauvres
qui migrent vers les mégapoles des pays du Sud ou vers les Etats
impérialistes. Cette mise en place d’un marché
mondial du travail entraîne une baisse générale du
coût du travail qui pèse sur les acquis sociaux. Elle se
traduit également par des migrations de travailleurs-euses
pauvres et par l’immigration. La solidarité avec les
travailleurs-euses sans papiers, la lutte pour leur
régularisation, est une tâche essentielle
d’unification du prolétariat.

La mondialisation capitaliste c’est aussi la globalisation de la
crise écologique qui remet en cause les équilibres vitaux
de la planète. Les puissances impérialistes et les
institutions internationales (FMI, OMC, Banque mondiale…) sont au
service de cette politique; le maintien de la dette et les
interventions militaires en sont les instruments. La résistance
se développe contre cette atteinte au droit des peuples: les
mobilisations internationales, forums, conférences,
manifestations coordonnées, rencontres rassemblant militants,
partis et mouvements du monde entier en sont la preuve
renouvelée.

Le nouveau développement des luttes anti-impérialistes
dans le monde se manifeste principalement en Amérique latine et
au Moyen-Orient. Il y a en Amérique latine un processus global
de radicalisation, avec pour pointes avancées le Venezuela
(«révolution bolivarienne»), mais aussi la Bolivie
et l’Equateur, ainsi que l’Argentine; processus dans lequel
apparaissent certains phénomènes de reconstruction du
mouvement ouvrier et y compris de l’idée socialiste. Au
Liban, en Palestine et en Irak, il y a de grandes luttes de
résistance, mais dans un cadre qui demeure marqué par les
défaites du mouvement ouvrier où seuls les courants
islamistes – hostiles au socialisme – tirent actuellement
leur épingle du jeu.

Cela implique de lutter contre la guerre et le militarisme, exiger le
retrait des troupes d’occupation d’Irak, des troupes
occidentales d’Afghanistan, des forces françaises
d’Afrique, et le retrait des troupes israéliennes de
Palestine. Et de défendre le droit de tous les peuples à
disposer d’eux-mêmes: Palestine, Tchétchénie,
Tibet… Plus que jamais, il n’existe pas de solution
nationale: les droits des travailleurs-euses, le combat contre le
réchauffement climatique, les droits des femmes, le combat
contre les discriminations et le racisme se mènent à
l’échelle internationale, notamment européenne.
(…)

Il s’agit donc de prendre des initiatives…
d’être partie prenante de rassemblements (forums, etc.) et
de luttes sur tous les axes de mobilisation sociaux, anti-guerre,
contre le réchauffement climatique et les atteintes
écologiques, contre le racisme, l’ensemble des
discriminations; d’initier des rencontres et favoriser des
regroupements des forces anticapitalistes européennes, pour une
apparition et une activité communes, coordonnées, de la
gauche anticapitaliste européenne, afin d’aider au
développement des mobilisations en proposant, face aux
politiques de soumission institutionnelle du social-libéralisme,
une orientation qui s’affronte de façon conséquente
aux politiques impérialistes, aux différents
gouvernements et aux institutions de l’Union européenne.

3/ C’est dans ce contexte de concurrence mondialisée
que s’explique la politique de Sarkozy. Il est clairement
mandaté par le Medef (organisation faîtière
patronale) (…). Ce qui n’est pas une question proprement
nationale, mais une exigence européenne incluse dans
l’agenda de Lisbonne, confirmée par le sommet de
Barcelone, transcrite en matière de politiques de formation et
d’éducation par la réunion de Bologne.

En Allemagne, le problème est en passe d’être
«résolu» avec l’Agenda 2010, mis en route par
Schröder et énergiquement appliqué par la coalition
autour de Merkel. En France, les résistances sociales
répétées (1995, 1997, 2003, le Non au
référendum, le soulèvement contre le CPE) ont
jusqu’à présent entravé ou retardé
les réformes programmées. (…) La nette victoire de
Sarkozy ouvre la voie à une accélération de ces
réformes et à un alignement de la situation
française sur les rapports de forces sociaux européens.

Nous avons à faire face à une présidence de combat
(…). Cela dit, la droite et le patronat ne sont pas dupes, ils
ont conscience que la défaite de la gauche n’efface pas le
potentiel de résistance des travailleurs-euses et des jeunes.
Sarkozy (…) est sans doute lucide sur ses propres faiblesses: la
démagogie populiste ne peut répondre aux besoins les plus
pressants de la population et des salarié-e-s, en particulier le
pouvoir d’achat. Ainsi, (…) entend-[il] traduire au plus
vite sa victoire électorale dans les rapports de forces sociaux.
C’est le sens de l’offensive menée au pas de charge
ces derniers mois qui se déploie autour de la remise en cause du
CDI, du statut de la fonction publique et de la protection sociale, en
particulier des retraites.

Cette offensive lui a été d’autant plus
aisée qu’il a su mettre à profit la
déliquescence des directions de la gauche politique et syndicale
pour les coopter, les associer à différents niveaux
à la mise en œuvre de sa politique. C’est le sens de
«l’ouverture» du gouvernement à des membres ou
proches du PS, ou des différentes «concertations»
organisées avec les bureaucraties syndicales. Ainsi, il a pu
faire passer une première série d’attaques
très dures, tout en maintenant une posture de président
soucieux du dialogue et de la concorde sociale. Dans le même
temps, il indique sans ambiguïté qu’il ne
cédera sur rien. (…) Et si Sarkozy a fait
jusqu’alors le choix de soumettre le mouvement syndical et les
travailleurs-euses par le jeu de la concertation, il pourrait demain
faire le choix de poser à l’homme de l’ordre qui ne
craint pas l’affrontement. (…)

Nous devons organiser et participer à la résistance, car
d’une manière ou d’une autre, la violence des
attaques provoquera la volonté d’agir. Nous devons
incarner l’opposition frontale et globale à la politique
de Sarkozy, en développant, dans le cadre d’une politique
unitaire systématique, adaptée à chaque question,
des propositions visant à créer les conditions de la
mobilisation: sur le terrain des délocalisations, des salaires,
du contrat de travail, ou de la protection sociale; de la
défense du droit aux études, contre l’autonomie des
universités et la concurrence; de la défense des
sans-papiers et du soutien au combat de RESF [Réseau
éducation sans frontières}… Il s’agit de
défendre une politique d’unité, de
développement et d’extension des luttes, dans la
perspective d’un mouvement d’ensemble.

4/ Comme dans le reste de l’Europe, la gauche politique
traditionnelle est dans une crise globale due à sa gestion du
libéralisme, de même que le syndicalisme du fait de son
adaptation aux exigences libérales.

Le PS, dans la grande majorité de ses composantes, ne voit son
avenir que dans l’accompagnement social-libéral et dans
une ouverture vers le centre démocrate-chrétien de
François Bayrou. Ce parti et l’essentiel de ses courants
renoncent ainsi ouvertement à tout combat de transformation
sociale. Les Verts, incapables de sortir d’une logique
institutionnelle, vouent leur futur à celui de leur tuteur
social-démocrate, perdant toute valeur de
référence pour des courants militants qui pouvaient
s’y reconnaître dans les deux décennies
précédentes. Il y a encore beaucoup d’inconnues
quant aux projets de transformation du PS. «Nouveau parti
social-démocrate», «Parti démocrate»
à l’américaine… ce qui est sûr,
c’est que la direction de tout ce mouvement c’est
«à droite toute» sous couvert de modernité!

Continu et irréversible, le déclin du PCF menace
maintenant sa survie même, au point que le maintien ou la
transformation de ce parti est en débat au sein de son appareil,
où se confrontent plusieurs options: maintien du PCF dans une
alliance plus ou moins conflictuelle avec le PS, repli
«identitaire», transformation en une nouvelle formation au
contenu flou en alliance avec d’autres secteurs… Ce parti
n’est plus que l’ombre de ce qu’il a
été (…). Au plan électoral, il (…)
ne garde plus que des points d’ancrage locaux. Force du
passé, il n’apparaît plus comme un parti de
contestation du capitalisme et il n’est plus capable de
rassembler l’essentiel des militant-e-s combatifs, comme il
pouvait le faire jusqu’à la fin des années 1970.
Son reste d’ancrage municipal ne pourra être maintenu que
par une alliance avec le PS (…). Ces contradictions seront
inévitablement sources de nouvelles crises.

L’expérience de ces dix dernières années
montre que le mouvement social ne peut à lui seul
répondre sur le plan politique aux carences du mouvement ouvrier
traditionnel et qu’il est illusoire de croire pouvoir esquiver la
question de la construction d’une alternative anticapitaliste au
social-libéralisme et aux diverses moutures de l’union de
la gauche. Il n’en reste pas moins que des mouvements sociaux
divers comme AC! Droits Devant, RESF, Attac, l’affirmation des
SUD et de la FSU, le mouvement altermondialiste, les organisations de
quartiers et de banlieues, les forums sociaux, sont non seulement des
éléments de résistance aux politiques
libérales, mais participent à leur manière
à la création d’un terreau favorable à la
construction d’une alternative anticapitaliste. Et la
participation de tout ou partie des équipes qui les animent sera
un élément déterminant pour la construction
d’un nouveau parti.

Les directions du mouvement syndical ne voient d’issue
qu’en acceptant la place qui leur est donnée
d’interlocuteur institutionnel dans le cadre des
négociations patronales et gouvernementales qui accompagnent les
réformes libérales: recentrage et adaptation qui sont aux
antipodes des exigences exprimées par un grand nombre
d’équipes syndicales (…). Il est nécessaire
de reconstruire un mouvement syndical unitaire et lutte de classe
(…) au niveau national et intersyndical. Ce courant devra se
construire autour des principales exigences concernant l’emploi,
les salaires, les services publics et la protection sociale, fondant
son combat dans la mobilisation des salarié-e-s, dans la
création d’un rapport de forces face au patronat, dans la
perspective d’un mouvement d’ensemble à même
de porter un coup d’arrêt aux politiques libérales.
Cela implique que les salarié-e-s se réapproprient leurs
organisations. (…) Le syndicalisme doit être partie
prenante de la reconstruction d’une conscience de classe et nous
devons y prendre toute notre place.

Parallèlement, on voit apparaître des courants qui
préconisent des formules «intermédiaires»
entre le social-libéralisme et la gauche anticapitaliste.
(…) La discussion s’est développée au sein
de ce mouvement ainsi que dans la gauche radicale: un projet
conséquent de construction/reconstruction du mouvement ouvrier,
d’une gauche antilibérale ou anticapitaliste est-il ou non
compatible avec des alliances, un soutien parlementaire ou une
participation gouvernementale à des coalitions avec le
social-libéralisme, voire le centre gauche? Ce débat a
déjà divisé la gauche en Italie ou au
Brésil. Cette question était à la base de
divisions de la gauche antilibérale à
l’élection présidentielle. La dynamique de la
campagne et de l’après-campagne a confirmé
l’existence de ces divergences stratégiques. (…)

5/ Toutes ces évolutions appellent une réponse
à la hauteur des enjeux: il faut engager maintenant la
construction d’une nouvelle représentation politique des
exploité-e-s et des opprimé-e-s, un nouveau «parti
des travailleurs», pour la rupture globale avec le capitalisme et
la transformation révolutionnaire de la société,
une nouvelle force politique qui renoue avec les meilleures traditions
du mouvement ouvrier, tout en tirant les enseignements des
expériences des dernières années. De ce point de
vue, le succès de la campagne Besancenot est un point
d’appui pour créer les conditions d’avancée
vers ce nouveau parti.

Quelles devraient être les lignes de force de son programme? Au
centre, la question sociale – dans toutes ses dimensions
incluant, avec la défense générale des
intérêts et revendications des travailleurs-euses, le
féminisme, l’écologie, les droits de la jeunesse,
ceux des populations immigrées et de tous les secteurs
discriminés – et la question démocratique
(défense de tous les droits démocratiques, rupture avec
la Ve République, élection d’une assemblée
constituante, contrôle des travailleurs-euses et de la
population, pouvoir à des assemblées élues dans
les communes et les entreprises). Sa méthode: la lutte contre le
système capitaliste et la logique du profit, sa substitution par
la satisfaction des besoins sociaux, la remise en cause de la
propriété privée des moyens de production pour
développer l’appropriation publique et sociale de
l’économie. Sa perspective: la répartition des
richesses, l’égalité sociale, le socialisme. Sa
stratégie: l’unité, l’indépendance de
classe, la démocratie socialiste et le pouvoir des
travailleurs-euses. Un tel parti à influence de masse
s’adresse à tous ceux et celles qui veulent construire ou
reconstruire une nouvelle force politique vraiment à gauche,
dans le camp des travailleurs-euses. (…) La confiance ne peut se
nouer entre militant-e-s de différentes origines ou parcours que
sur la base de tâches politiques communes. C’est pourquoi
nous mettons au centre de la construction du nouveau parti sa
capacité d’initiative.

Cette nouvelle formation politique ne tranchera pas dès le
départ toutes les questions tactiques et stratégiques.
Une série de débats resteront ouverts, mais elle aura
clarifié sur la base de l’expérience politique les
problèmes clés qui sont aujourd’hui posés
dans les luttes et les processus politiques. En particulier,
l’indépendance vis-à-vis de l’Etat et de ses
institutions, le rapport aux institutions (participation aux processus
électoraux et action des élu-e-s) subordonné
à l’intervention dans les luttes et le mouvement social,
le rôle central de l’auto-émancipation et de
l’autogestion de la population dans la transformation sociale, le
rejet de toute participation à des gouvernements de gestion de
l’Etat et de l’économie capitalistes. (…)

Ce parti devra fonctionner démocratiquement, veiller à
articuler centralisation de l’activité et
efficacité dans l’action, droit à certaines formes
d’expérimentation, droit d’expression publique des
divers points de vue avec droit de tendance et de fraction, à
quoi il faut ajouter la transparence la plus totale. Il devra donner
les garanties que sa direction reflète la réalité
du parti, veiller au contrôle des directions élues par les
militant-e-s, à la rotation des dirigeant-e-s à tous les
niveaux, donner à chacune et chacun toute sa place dans le
combat commun.

Ce processus de formation d’un nouveau parti participe
d’une évolution sociale et politique que l’on ne
saurait limiter aux frontières de l’hexagone mais qui se
déroule non seulement à l’échelle
européenne mais, plus globalement, à
l’échelle internationale. (…) Nous nous
considérons comme des militant-e-s d’un mouvement ouvrier
international et nous inscrivons notre combat pour un nouveau parti
dans le combat pour une nouvelle internationale, anticapitaliste,
révolutionnaire, démocratique, capable de formuler une
politique pour la classe ouvrière pleinement indépendante.

(…) Ce nouveau parti (…) ne pourra être la section
française de la IVe Internationale. Nous proposerons [cependant]
que les camarades de la LCR qui participent aux réunions et
instances de la IVe Internationale continuent à le faire, et que
le parti lui-même développe au sein de celle-ci et en son
nom propre l’action pour un regroupement international
anticapitaliste et révolutionnaire rassemblant toutes les
organisations et courants militants partageant le même objectif.
Ce qui implique qu’il soit ouvert sans exclusive aux
différents courants rattachés à d’autres
regroupements internationaux dans le souci de contribuer à unir
les forces existantes. Nous proposerons également que, comme sur
d’autres questions, un débat plus approfondi sur la
politique internationale du nouveau parti soit organisé au sein
de celui-ci dans les deux années suivant sa fondation.

* * *

Toute la question qui nous est maintenant posée est comment
construire ce nouveau parti. Le nouveau projet n’est nullement
réductible à une transformation et à un
élargissement de notre organisation. Un parti ouvert,
rassemblant sans aucun sectarisme tous les militant-e-s, courants,
expériences qui se reconnaissent dans une telle démarche.
C’est dans cet état d’esprit que nous devons ouvrir
le dialogue avec les forces qui sont prêtes à
s’engager dans la construction de ce nouveau parti
anticapitaliste en commençant par les secteurs de la jeunesse et
du monde du travail les plus avancés dans le combat
anticapitaliste.

Nous engagerons des discussions au niveau local et
éventuellement national avec les courants issus de la crise du
PS et du PCF, les collectifs anti-libéraux, les équipes
du mouvement social et du mouvement syndical, les
révolutionnaires dont Lutte ouvrière. (…) Cela
implique de créer les conditions politiques et
organisationnelles pour fusionner le meilleur des expériences de
la lutte de classes de ces dernières années, dont nous
n’avons pas le monopole, et une volonté politique commune
de surmonter les divergences, produit d’expériences
politiques différentes mais aussi du fait que les
réponses concrètes à des situations nouvelles
peuvent être diverses.

(…) Tenter d’organiser des milliers de nouveaux
militant-e-s signifie aller au-delà de la LCR, avancer vers une
force plus implantée, plus large, plus ouverte qui rassemble et
permette une nouvelle avancée dans la construction d’une
force au service des exploité-e-s et des opprimés. Notre
tâche est immense. Il s’agit à la fois de participer
à l’animation d’un mouvement social puissant en y
avançant les exigences sociales et politiques du plan
d’urgence; d’être immergé dans les aspirations
des couches les plus jeunes, les plus disponibles à lutter et
résister, s’engager; de prendre la mesure d’une
société multiculturelle et de la diversité, dans
le combat contre les discriminations et le racisme, d’un monde du
travail autant féminin que masculin, dans lequel les femmes
mènent la lutte contre leur oppression. (…)

A son congrès, la LCR proposera de lancer ses forces dans un tel
projet, par un appel pour constituer un parti avec les militants et les
militantes, les collectifs et les groupes locaux ou
éventuellement nationaux, partageant cet objectif. (…) Un
parti qui regroupe toutes et tous les anticapitalistes, les
révolutionnaires, un parti anticapitaliste, écologiste,
féministe et internationaliste, se battant pour
l’émancipation des travailleurs-euses, pour une
société débarrassée de
l’exploitation, de toutes les discriminations et oppressions,
dirigée démocratiquement par les productrices et les
producteurs.