Le service des autos en passe d’être privatisé... en douce!

Le service des autos en passe d’être privatisé… en douce!

L’esprit
néolibéral a encore frappé. Une nouvelle loi
régissant le service cantonal des automobiles et de la
navigation (SCAN) est à l’ordre du jour de la
séancedu Grand Conseil de mars 2008. Fernand Cuche, conseiller
d’Etat Vert, autrefois syndicaliste paysan, aujourd’hui
chef du département de la gestion du territoire (DGT), propose
un projet de loi de privatisation du SCAN.

Certes, tout cela commence doucement, par la création
d’une société indépendante,
établissement de droit public, qui ne doit pas faire de
bénéfices. Le Conseil d’Etat sait parfaitement
qu’une privatisation brutale, d’un seul coup, aurait
suscité une levée de boucliers, même du
côté du PS et des Verts.

Mais ne nous y trompons pas: le cœur du projet est bel et bien –
et ouvertement – de pouvoir s’abstraire des grilles salariales
contraignantes de l’Etat: «Dans le cadre ainsi
défini, le SCAN pourra adopter un système salarial
autonome, devant lui permettre de valoriser les prestations de ses
collaborateurs et de mieux tenir compte de la situation du
marché du travail.»1

Accroître les écarts salariaux

A l’heure où les patrons des multinationales affichent
leurs salaires en millions, il serait indécent que le futur
directeur et les cadres supérieurs du SCAN soient soumis aux
limites vexantes des salaires qui ont cours dans la fonction publique,
et qui sont en plus discutées avec les syndicats… «La
rémunération du personnel du SCAN prendra en compte les
prestations individuelles des collaborateurs. Cette prise en compte
pourra s’opérer, notamment, par une modulation de
l’augmentation annuelle de salaire en fonction de ces
prestations, ainsi que par l’octroi d’une prime à
des collaborateurs ou un groupe de collaborateurs
particulièrement efficaces. Elle suppose l’adoption
d’un nouveau système d’appréciation des
prestations des collaborateurs, à l’élaboration
duquel le personnel sera associé.»

Mais comment le personnel y sera-t-il associé? Par une
commission qui assure un rôle de figuration: «Les
tâches qui lui sont confiées font d’elle une
entité de consultation et de transmission de
l’information.»

On en tombe à la renverse: «être consulté et
transmettre l’information», était-ce la conception
de Fernand Cuche quand il était syndicaliste paysan? Même
dans les entreprises ultra-libérales à
l’américaine qui sévissent chez nous, on ne se
permettrait pas des formulations aussi brutales.

Un projet refusé à Genève

La proposition soumise aujourd’hui par le Conseil d’Etat ne
tombe pas des nues. Une même démarche a été
réalisée par le canton de Fribourg, voici dix ans
déjà. Et à en croire le rapport du Conseil
d’Etat, elle «s’est révélée
très positive autant pour le canton, ses finances, ses
employés et ses usagers. Un sondage annuel de satisfaction
indique d’ailleurs que plus de 90% des usagers sont satisfaits ou
même très satisfaits des prestations dudit office.»

En revanche, ce que les autorités neuchâteloises omettent
de dire, c’est qu’un projet semblable avait
été clairement rejeté à Genève, en
1995, grâce à un référendum que nos
camarades de solidaritéS avaient largement contribué
à porter…

Le passage de la démocratie représentative à la
démocratie sondagière est partie prenante de ce processus
de privatisation rampante, dont nous voyons le résultat tous les
jours dans l’approfondissement des injustices et des
inégalités. C’est cela la gestion
néolibérale! On fait des sondages de satisfaction, dont
on rédige les questions et interprète les réponses
à sa convenance.

En moins de trois ans, l’ancien syndicaliste Fernand Cuche semble
avoir perdu le réflexe de s’adresser directement aux
représentant-e-s du personnel, aux syndicats, pour
connaître et analyser leur position.

Un référendum nécessaire

Ainsi donc le SCAN est appelé à connaître le
même processus d’autonomisation que les Hôpitaux
Neuchâtelois, où le mécontentement aussi bien des
usagers -ères que du personnel est aujourd’hui patent.
Comme pour les hôpitaux, on prévoit ici une gestion via un
Conseil d’Administration. Voilà qui est
préoccupant. Mais le néolibéralisme ne
connaît pas de limites, même un service aussi petit que le
SCAN – 72 personnes (65 postes équivalents temps complet) –
n’y échap-pe pas.

Ceci dit, le Conseil d’Etat tient à nous rassurer:
«Le service conserve le produit des prestations fournies aux
usagers. Les taxes et redevances auxquelles sont assujettis les
véhicules et les bateaux sont en revanche acquises à
l’Etat. Le service verse à l’Etat une contribution
annuelle dont le montant est fixé dans le mandat de
prestations.» Mais pourquoi se défaire d’un service
qui marche aujourd’hui bien au sein de l’Etat?
Pourquoi autonomiser un service qui rapporte
régulièrement de l’argent aux caisses de
l’Etat et qui en rapportera immanquablement moins, sauf à
diminuer les salaires ou les prestations fournies à ses usagers
et usagères?

Quel est le prochain candidat à la privatisation?
L’Université, l’école post-obligatoire?
d’autres? Où cela s’arrêtera-t-il? En
privatisant secteur par secteur, chaque «nouvelle»
entreprise optimisera son rendement financier en s’appuyant sur
un marché du travail globalisé. C’est la
négation  de l’idée de maîtrise de
l’Etat sur le développement cantonal. Nous sommes
décidés à nous opposer à ce processus de
privatisation, y compris par voie de référendum.

Marianne Ebel


1 Les citations sont
tirées du Rapport du Conseil d’Etat à l’appui
d’un projet de loi sur le service cantonal des automobiles et de
la navigation.