Deuxième pilier: la vieillesse n’est pas une marchandise

Deuxième pilier


La vieillesse n’est pas une marchandise



Suite à la volonté du Conseil fédéral de diminuer le taux de rendement minimum des capitaux du deuxième pilier, l’USS et le PSS ont appelé à la mobilisation… Nous manifesterons nous aussi nombreuses et nombreux à Berne pour dire non à la soumission inacceptable du gouvernement au lobby des assureurs privés, qui se sont déjà accaparés des milliards appartenant aux salarié-e-s, et non à la dégradation des rentes.



Mais il faut aussi comprendre qu’il ne s’agit pas de réagir à une «gaffe» d’un gouvernement aux ordres, et de se contenter d’un retour à un rendement de 4 %, encore moins d’accepter un compromis à 3,5%. En effet, la crise actuelle ne résulte pas d’une décision hâtive du Conseil Fédéral. Elle découle de la crise boursière, de ses implications sur le système du deuxième pilier, mais surtout de la volonté des assureurs privés de tirer parti de ces éléments pour engranger de profits des capitaux du deuxième pilier.



Il faut rappeler que le système des trois piliers résulte du contre-projet opposé par la bourgeoisie à l’initiative de 1972 du Parti Suisse du Travail «Pour de véritables retraites populaires». Il s’agissait alors d’opposer à une sécurité sociale garantie par l’Etat, fondée sur la solidarité et la répartition, un système d’assurance privatisable, basé sur la capitalisation. En introduisant ainsi une épargne forcée pour les salarié-e-s, le patronat mettait à sa disposition, non pas légalement mais concrètement, un énorme capital, qu’il entendait bien utiliser à son propre profit et non dans l’intérêt des travailleurs-euses.



Il faut aussi rappeler qu’à l’époque, le PSS et les appareils syndicaux avaient soutenu le contre-projet du patronat, nourissant ainsi l’illusion que le capital accumulé par chaque salarié-e lui offrait la meilleure sécurité et les meilleures garanties. Les mêmes réagissent aujourd’hui avec virulence et prétendent sortir les griffes… Pourtant, cette prétention à «résister» vise varisemblablement à gagner 0,5%, à l’approche des élections. Rien ne laisse augurer une mise en cause plus fondamentale de la politique bourgeoise en matière de sécurité sociale.



En ce qui nous concerne, la mobilisation indispensable sur la prévoyance vieillesse doit se donner pour objectif la transition du système des trois piliers vers une véritable sécurité sociale fondée sur l’élargissement de l’AVS et garantissant un maintien correct du niveau de vie pendant la retraite, et ceci pour les raisons suivantes:



  • L’extension de l’AVS, basée sur la répartition, permet de garantir à chacun-e une vieillesse décente, alors que le deuxième pilier ne concerne qu’une partie des salarié-e-s, les femmes formant la plus grande part des exclu-e-s. Les prestations sont garanties en fonction des besoins, et non des fluctuations boursières. Le financement peut être conçu socialement, et non comme une épargne personnelle. Enfin, cette vision permet d’intégrer la prévoyance vieillesse dans une conception globale de la sécurité sociale, qui doit aussi couvrir le chômage, l’indigence, la maladie, les accidents et la maternité.

  • La prévoyance vieillesse fondée sur la capitalisation doit être abandonnée. Premièrement, parce que le capital ne représente pas la garantie absolue que revendiquent ses défenseurs (cf. la crise boursière actuelle). Au contraire, elle fait supporter les risques aux travailleurs-euses. Deuxièmement, parce que son succès éventuel dépend du rendement des capitaux, qui repose sur l’exploitation des travailleurs-euses en Suisse et dans le monde. Donc, «plus le capitalisme sera capable d’exploiter les travailleurs-euses, plus il sera en mesure de nous garantir de bonnes retraites»… Troisièmement, parce que la capitalisation suppose que chacun accumule son propre capital, ce qui exclut toute forme de solidarité. Et quatrièmement, parce que c’est en général un système plus coûteux qui, en particulier, ne permet pas de garantir l’indexation des rentes.

  • Il faut cependant tenir compte du fait que les retraites, aujourd’hui versées ou garanties par les caisses du deuxième pilier, sont des acquis des salarié-e-s. Ils ne peuvent être remis en cause. Les 500 milliards de fortune accumulés par le deuxième pilier représentent un salaire différé: ils ne peuvent être dilapidés. De là, la nécessité d’une transition organisée vers un système plus sûr et plus solidaire.


Nous irons à Berne pour défendre un système de retraites fondé sur la répartition, c’est-à-dire sur la solidarité des revenus et des générations. En refusant le pillage du deuxième pilier par les assurances privées, nous entendons dénoncer la main mise du capital sur nos pensions. La vieillesse n’est pas une marchandise!


Michel DUCOMMUN