Colonialisme et bombardements terroristes
Colonialisme
et bombardements terroristes
Les bombarde-ments aériens civils commencent en 1911, dans le cadre de la colonisation de lAfrique du Nord. Avant de faire irruption en Europe, en 1937, contre les républicains basques, ils sont utilisés par toutes les puissances coloniales. Ils incarnent la guerre à bon marché du puissant contre le faible.
Pendant la Seconde guerre mondiale, ils sont lapanage des Anglais et des Américains, dabord contre lAllemagne, puis contre le Japon, où des dizaines de milliers de civils périssent dans des tempêtes de feu. Hiroshima et Nagazaki font moins de morts que les «frappes» conventionnelles sur Tokyo.
Depuis 1945, lUS Air Force alterne tapis de bombes et frappes chirurgicales pour minimiser les pertes américaines dans des engagements toujours plus inégaux contre les Etats insoumis de la périphérie. Ce sont les civils qui paient le prix fort de cette escalade de la terreur.
Une arme coloniale de choix
En bombardant aujour-dhui les villes afghanes pour les terroriser, lUS Air Force sinscrit dans une vieille tradition coloniale. Il y a exactement 90 ans, le 1er novembre 1911, quelques années seulement après le premier vol motorisé, lItalie inventait les bombardements aériens de terreur en larguant quatre bombes du ciel sur les tribus dune oasis de Libye. Il sagissait alors de briser définitivement la résistance des bédouins aux «bienfaits de la civilisation» romaine.
Peu après, en 1917, les Anglais mettaient définitivement au point le protocole de la guerre coloniale à bon marché, réduisant des trois quarts le coût de la soumission du «mollah fou» de Somalie, grâce à une campagne de bombardements aé-riens. Impressionné par ce succès fulgurant, Winston Churchill, alors Ministre de la guerre, dépêcha la Royal Air Force pour pilonner lIrak, qui rejetait la tutelle de ses nouveaux maîtres britanniques.
Désormais, les insoumis des empires britannique, français, italiens et espagnols allaient être soumis à des bombardements répétés, de lEgypte à lIran, du Maroc à la Syrie, de lInde à lAfghanistan… En 1935, lItalie fasciste de Mussolini se distingua tout particulièrement en écrasant les défenseurs du dernier pays indépendant dAfrique sous un déluge de bombes et de gaz de combat.
De la Guerre dEspagne à Hiroshima
En Europe, les bombardements de terreur ont commencé le 26 avril 1937, avec la première campagne massive de la Légion Condor, lancée par Hitler contre la ville basque de Guernica, qui ne comptait pourtant aucun objectif militaire. En un peu plus de trois heures, 5700 bombes explosives et incendiaires réduisaient la petite cité en cendres, faisant 1654 morts et 889 blessés. On se souvient du tableau déchirant de Pablo Picasso!
La Deuxième guerre mondiale a consacré lescalade sans précédent de ce moyen de guerre, aussi «économique» que barbare. Après le bombardement de la ville anglaise de Coventry par les nazis, le 14 novembre 1940, qui fit quelques milliers de morts, linitiative de la terreur du ciel revient avant tout aux Anglais, puis aux Américains. On sait depuis, que les deux tiers des bombes larguées sur les villes allemandes nont atteint aucun objectif militaire ou industriel.
Le 27 juillet 1943, un seul raid sur Hambourg fait quelque 50000 morts, contre 100000 à Dresde, le 13 février 1945. Le célèbre théoricien militaire britannique Liddel-Hart condamnera les bombardements stratégiques comme «barbares et stupides». Pourtant, le 9 mars 1945, le général Curtis Le May devait réduire un quart de Tokyo en cendres, tuant 100000 habitant-e-s et faisant un million de sans abri. On connaît la suite, avec les bombes atomiques dHiroshima et de Nagazaki.
Le dernier jour de la Seconde guerre mondiale voit cependant la France, fraî-chement libérée, bombarder 40 villages algériens afin de donner un coup darrêt à la lutte pour lindépendance de ce pays.
Au service de limpérialisme
Dans laprès-guerre, les Etats-Unis sont devenus les champions toutes catégories des bombardements néo-coloniaux: 32000 tonnes en Corée, 373000 tonnes au Vietnam, des bombes à fragmentation, des bombes au napalm… Qui dit mieux?
On connaît la suite, notamment dans le Golfe, en ex-Yougoslavie et, aujour-dhui, en Afghanistan. Le fait que la presse occidentale ne parle plus de bombardements, mais de frappes, nenlève rien à lhorreur de cette pratique terroriste. Il sagit toujours des mêmes violences de masse visant à intimider un Etat par le massacre indiscriminé de sa population civile à des fins politiques.
Lire: Sven Lindqvist, A History of Bombing, Granta Books, 2001.