Les pilleurs du trésor public


Les pilleurs du trésor public


La semaine dernière, les Conseiller-e-s nationaux bourgeois ont détourné quelque trois milliards de francs en faveur des riches. En prenant prétexte d’allègements fiscaux pour les familles avec enfants, ils réduisent en fait les impôts des privilégié-e-s. La bataille pour les votations du 2 décembre est lancée.

Urs Dithelm

«Les conseillerEs nationaux paient en moyenne leurs impôts sur un revenu de 244 000 francs», rapporte le journal «Bilanz» pour 1999. Suivant les décisions actuelles du Conseil national, étonnamment, pour des familles de deux enfants disposant de ce coquet revenu annuel, la facture fiscale de l’impôt fédéral direct sera réduite de moitié. Par contre des familles avec deux enfants disposant d’un revenu annuel inférieur à 80 000 francs (ce qui concerne la grande majorité des familles) ne profiteront que légèrement de ces allégements fiscaux.


Nouveaux cadeaux aux entreprises et aux propriétaires


Le taux maximal des impôts sur les gains d’entreprise a été abaissé également de 8.5 à 8%. De cette façon, 7 % des grandes entreprises les plus rentables peuvent épargner chaque année 300 millions de francs d’ impôts. C’est presque autant que ce que la Confédération aimerait économiser en augmentant l’âge de la retraite des femmes à 65 ans par la onzième révision de l’AVS (445 millions par année). Les femmes pourraient même avoir une année de plus de retraite, si le droit de timbre n’avait pas été supprimé et si le seuil de dérogation pour des taxes d’émission avait été augmenté de 250 000 francs à un million (pertes de 400 millions par année).


C’est encore l’équivalent d’une année de plus de retraite des femmes qui a été offerte ainsi grâce à des cadeaux fiscaux à des caisses de retraites et à des assurances-vies (cadeau fiscal de 300 millions chaque année). Considérons aussi les propriétaires de logements qui ont été gratifiés d’allègements d’impôts (avec 240 millions par année), alors que les retraité-e-s voient leurs rentes diminuer, non seulement par la réduction des rentes de veuves (environ 120 millions chaque année) mais aussi par la réduction générale de leur retraite, qui subit le ralentissement généralisé de l’adaptation au renchérissement (150 millions par année).


Nouveaux sacrifices sur les prestations sociales


Pendant une semaine, le Conseil national s’est battu en session spéciale sur la question de l’AVS, en mai dernier, en voulant économiser 370 millions par année sur le dos des retraité-e-s. En une demi-journée, les Conseillers nationaux ont réussi à absorber environ 3 milliards d’impôts de la Confédération et des cantons en faveur des riches. Même le ministre des finances Villiger a désigné le pillage des caisses de l’Etat comme «honteux» et le journal bourgeois zurichois, le Tagesanzeiger, l’a caractérisé de «mauvais rêve».


Les baisses d’impôt pour les riches impliquent une dégradation des prestations sociales pour les petits revenus. L’affaire deviendrait encore plus claire si la décision de la Confédération sur le «frein à l’endettement» devait être acceptée par le peuple et les cantons le 2 décembre prochain. Par le nouvel article de loi qu’elle propose au peuple, la Confédération veut rétablir l’équilibre entre les dépenses et les recettes. Au moyen d’un véritable rapt des recettes fiscales, la bourgeoisie a ainsi ouvert un combat politique pour une baisse de toutes les dépenses sociales.


Toujours la politique des caisses vides


Les cadeaux fiscaux massifs aux privilégié-e-s vont créer un déficit de l’Etat qui va de accentuer de surcroît le recul de la croissance économique. Les milieux bourgeois s’opposent par là vigoureusement à toute recette fiscale, même s’ils disposaient de moyens plus efficaces de lutte contre la fraude fiscale. C’est ainsi que la majorité du parlement aspire à accentuer encore le démantèlement social sous le prétexte fallacieux de l’équilibrage des finances publiques.


Le Parti socialiste et les syndicats sont tombés dans le piège des partis bourgeois en accréditant l’action d’allègement des impôts. La classe bourgeoise, par le biais de la table ronde de Villiger, a réussi, par des promesses, à extorquer le consentement mutuel du Parti socialiste et des syndicats à la décision fédérale pour un «frein à l’endettement». Elle a tiré à soi pratiquement toute la part annoncée du butin, alors que la gauche se contentait de regarder bêtement sur la table où le pillage avait lieu. Il reste encore un peu de temps pour quitter les tables rondes et pour combattre activement la décision fédérale. Ecoutez les signaux alarmants devant lesquels nous place la bourgeoisie, on ne peut plus faire semblant de ne pas les entendre.