Journée sans achat ...et si on profitait de la crise pour s’arrêter et réfléchir?

Journée sans achat …et si on profitait de la crise pour s’arrêter et réfléchir?

C’est sous ce slogan en forme de
suggestion que se tiendra samedi 29 novembre l’édition
2008 de la journée sans achat. Agendée en pleine
fièvre acheteuse de fin d’année, cette
journée d’action internationale se veut une
dénonciation de l’insoutenabilité écologique
et sociale de la croissance exponentielle de la société
de consommation.

Les «objecteurs de croissance» veulent en finir avec un
déni. Il est aujourd’hui connu qu’il faudrait au
moins 3 planètes supplémentaires si nous voulions
généraliser le niveau de vie d’un-e Suisse-sse
«moyen-ne» à l’ensemble des 6.5 milliards
d’habitant-e-s sur terre (le chiffre serait de 6 planètes
pour un-e Etasunien-ne «moyen-ne»). L’extension de
notre niveau de consommation à l’ensemble du globe et le
maintien du taux actuel de croissance pendant 48 ans
nécessiteraient alors 30 planètes! Inutile de
préciser qu’il nous est matériellement impossible
de poursuivre sur la trajectoire actuelle.

Même en faisant abstraction des inégalités criantes
au sein des économies occidentales, lorsque 20% de la population
mondiale (les pays riches) consomme 86% des ressources
planétaires, comment justifier que l’organisation
économique (et les politiques sociales) reposent sur la
croissance arithmétique du PIB (produit intérieur brut),
à savoir l’expansion continue de la consommation et de la
production? Plus simplement: une croissance infinie est-elle vraiment
possible dans un monde aux ressources limitées?

Cette «religion du toujours plus», savamment entretenue par
le matraquage publicitaire et les injonctions des milieux
économiques et gouvernementaux à «relancer la
consommation» pour mieux «soutenir la croissance» est
un mirage aveugle et insoutenable.

Aveugle car strictement quantitative, l’augmentation du PIB est
incapable de distinguer les besoins vitaux et bénéfiques
pour la population des consommations superflues ou des productions
néfastes (une guerre peut parfaitement relancer une croissance
en berne!).

La croissance infinie est bien sûr insoutenable,
puisqu’elle ne prend en considération ni les limites
écologiques de la planète ni les conditions sociales de
production souvent désastreuses des biens de consommation. De
plus, l’augmentation du PIB est un objectif
systématiquement présenté comme un
préalable incontournable à une meilleure
répartition des richesses. C’est cette fuite en avant vers
un agrandissement perpétuel du gâteau qui légitime,
dans les discours dominants, de remettre à plus tard un meilleur
partage de ce dernier. Mais le gâteau peut-il grandir à
l’infini?

Faire de la crise une opportunité

Dans une perspective écologique anticapitaliste, la crise
financière et économique actuelle est une
opportunité unique au sens où elle constitue, pour qui
veut bien le voir, un formidable avertissement. La crise du
crédit et du surendettement, par l’explosion de cette
gigantesque bulle qui avait permis à l’économie
étasunienne de continuer à croître en vivant aux
crochets du monde et en s’accaparant les ressources de la
planète n’est pas sans rappeler la crise écologique.

Car l’humanité vit précisément à
crédit sur le capital des ressources que nous offre la
planète. La 6e extinction massive des espèces a lieu en
ce moment, les ressources fossiles s’épuisent et nous
émettons plus de deux fois trop de CO2 dans
l’atmosphère. Qui viendra à notre secours lorsque
le crédit planétaire s’écroulera?
Pourra-t-on vraiment «sauver la planète» à
grand renfort de milliards ou de technoscience?

Décroissance choisie ou récession subie?

Il apparaît clairement, comme le dit Paul Ariès, que si
l’on souhaite un meilleur partage du gâteau, il est
indispensable d’en changer la recette. La sobriété
pour les pays riches est dé-sormais une condition de la
solidarité à l’échelle mondiale. La
transition vers une économie de faible consommation pour les
pays de l’OCDE, orientée vers la satisfaction des
véritables besoins humains et d’une décroissance
des inégalités devrait s’engager dès
maintenant, sans quoi le bouleversement imposé par les limites
planétaires risque d’être très brutal.

Nous avons encore le choix: soit nous attendons de subir une
aggravation de la crise, marquée par la déplétion
du pétrole qui entraînera une longue récession
subie et une instabilité internationale croissante
(paupérisation, guerres de contrôle pour les ressources,
etc.), soit nous engageons des politiques de sobriété
énergétique, autrement dit une décroissance de
l’empreinte écologique au Nord, et donc une remise en
cause profonde du capitalisme, mais aussi du productivisme et donc de
nos modèles de développement (surconsommation, transports
énergivores, agriculture intensive, filières
industrielles et militaires nocives et inutiles, etc.).

Il est temps de nous arrêter pour réfléchir, et
construire ensemble un modèle véritablement soutenable.


C’est précisément
dans le but d’interpeller les citoyen-ne-s sur la
nécessité de cette décroissance soutenable que
s’organiseront diverses actions de «grève de la
consommation» dans les Rues basses de Genève le samedi 29
novembre dès 12h30. Un débat public autour du
thème «Décroissance et simplicité
volontaire» sera organisé à 17h à Uni-Mail
(S150) avec Josef Zisyadis (POP), Isabelle Chevalley (Ecologie
libérale), Hugo Zbinden (Les Verts) ainsi que divers
témoignages individuels et associatifs.


Thibault Schneeberger