Révolte du lait: un cri du cœur des paysans de Suisse et d’Europe

Révolte du lait: un cri du cœur des paysans de Suisse et d’Europe

Aujourd’hui, la situation dans
le monde paysan est extrêmement difficile, et cela
particulièrement dans la filière laitière. Depuis
la libéralisation totale des contingents laitiers, les prix ont
chuté d’environ 25% en l’espace d’une
année.

Le prix du lait industriel est passé de 0.76 Fr/kg à
environ 0.55 Fr/kg aujourd’hui. Les coûts de production
n’ont par contre pas évolué. Ils se situent
entre  0.98 Fr/kg et 1.17 Fr/kg. Les producteurs sont donc loin
d’obtenir un prix du lait équitable. Certains paysans,
aujourd’hui, parlent d’une rémunération par
heure de travail d’environ 6.-/heure… Comment, dans ces
conditions, rémunérer correctement l’ensemble des
membres de la famille paysanne et les travailleurs·euses
agricoles qui représentent 20% de la main-d’œuvre
sur les exploitations agricoles ?

    En Europe, la situation n’est guère
plus réjouissante. Les prix du lait n’ont jamais
été aussi bas. Les prix se situent entre 18 et 22 cts
d’euro/kg alors qu’ils devraient atteindre plus de 40 cts
d’euro. La révolte des producteurs de lait
européens a donc commencé le 10 septembre en France.

Non à la spéculation laitière!

Aujourd’hui, 40% des producteurs en France ne livrent plus leur
lait. L’action fait tache d’huile en Belgique, en
Allemagne, en Autriche, en Italie, au Pays-Bas, au Luxembourg et en
Espagne. Alors, au vu de la situation de nos collègues des pays
voisins, on voit mal comment un accord de libre-échange avec
l’Union européenne pourrait être alléchant
pour la filière.
    En Suisse, 300 producteurs se sont retrouvés
le 14 septembre 2009 et ont décidé de lancer une
« révolte paysanne » afin
d’obtenir à terme un prix du lait qui couvre les
coûts de production (cela devrait être d’ailleurs la
règle pour l’ensemble des productions agricoles). Ils
exigent de l’industrie laitière qu’elle communique
de manière transparente les quantités de lait dont elle a
besoin pour l’année, afin que les spéculations et
les jeux poussant à la surproduction cessent. Ils veulent
obtenir de la part des politiques une base légale qui
permettrait aux producteurs exclusivement d’obtenir la
« force obligatoire » dans le but de
gérer les quantités. Cette gestion devrait ainsi
permettre à court ou moyen terme, d’atteindre un prix qui
couvre les coûts de production et de garantir une
répartition de la production sur l’ensemble du territoire.

Pour une solidarité citoyenne

Jusqu’à ce jour, tant les politiques que les acheteurs ne
souhaitent donner suite à ces revendications pourtant claires.
Ils repoussent les décisions à des dates
ultérieures alors qu’il y a urgence. Ils ne proposent pour
l’instant que des réductions de stocks par des subventions
à l’exportation qui ne sont éthiquement pas
acceptable, car elles détruisent les marchés locaux
d’autres pays.
    Le problème est structurel et c’est un
changement profond qu’il faut opérer, non proposer des
ajustements légers. Parties le 14 septembre par le
déversement de 1000 litres de lait dans le caniveau, les actions
ont pris de l’ampleur. Manifestations en tracteur, actions dans
les supermarchés Coop et Migros, ventes de lait
équitable, blocages etc. Depuis le 19 septembre, les Suisse
allemands ont également rejoint la révolte. Plusieurs
milliers de producteurs sont impliqués dans le mouvement.
Uniterre et BIG-M, les deux organisations à la pointe de la
révolte, appellent les citoyen-ne-s à faire preuve de
solidarité en se rendant sur les fermes pour acheter du lait, en
faisant pression sur Coop et Migros en interpellant les gérants
ou en collant des étiquettes en faveur du mouvement
(téléchargeables sur le site www.uniterre.ch).
    En Europe, quelques politiciens en Autriche, en
France ou en Belgique, commencent à sentir le vent du boulet et
sont prêts à entamer une négociation avec les
organisations agricoles pour trouver une solution satisfaisante. Il
faudra voir si celle-ci pourra se concrétiser dans les prochains
jours. En tous les cas, les Français, initiateurs cette
année du mouvement, sont partis pour plusieurs semaines de
révolte ou de grève du lait qui compte aujourd’hui
50% des producteurs de lait. Des inquiétudes se font sentir chez
les acheteurs qui commencent à manquer de stocks.
    Tant en Europe qu’en Suisse, les organisations
paysannes en révolte ont depuis plusieurs années
proposé des mesures efficaces. Mais elles dérangent
indéniablement certains lobbies qui font des profits depuis de
nombreuses années sur le dos des paysans et des
consommateurs·trices. Du coup, les politiques refusent de mettre
en place ces propositions.

Un choix écologique et social

Aujourd’hui, vu la situation du secteur, c’est un
véritable choix de société qu’il faut faire:
souhaitons-nous encore une agriculture en Suisse et une filière
agro-alimentaire qui soit pourvoyeuse d’emplois
rémunérateurs ? Du paysan, en passant par le
travailleur agricole, l’ouvrier de l’usine de
transformation et le vendeur du magasin jusqu’au consommateur
final, nous sommes toutes et tous concernés ! Rappelons
que la filière agro-alimentaire représente 10% des places
de travail en Suisse… Ce n’est pas un
détail !
    Nous devons sérieusement nous demander si ce
massacre en règle de la filière pourra avantageusement
être compensé par des importations de produits bons
marché, produits dans des conditions sociales et
environnementales moins sévères et moins
contrôlables ? Les quelques centimes
économisés font-ils le poids contre les milliers
d’emplois sacrifiés ?
    Pour Uniterre, la réponse est clairement non.
Nous voulons une agriculture paysanne rémunératrice pour
toutes et tous, ancrée dans l’économie de
proximité et qui répond aux attentes écologiques
et sociales de la société!


Valentina Hemmeler Maïga

Uniterre