Le travail flexible et ses risques pour la santé

Le travail flexible et ses risques pour la santé

Malgré une perspective de « gestion du
changement » et de « restructurations plus
saines » (sic !), le rapport de plus de cent pages
que le groupe d’experts européens HIRES a consacré
à « La santé dans les
restructurations : approches innovantes et recommandations de
principe » livre un intéressant matériel.

A titre d’exemple, voici ce qu’il y est dit sur le travail
flexible. Titre et intertitres sont de la rédaction ; les
mentions de sources ont été supprimées pour des
raisons de lisibilité.

« Puisque les efforts de restructuration visent à
accroître la productivité, les ventes et les
bénéfices, leurs conséquences structurelles,
à l’exception des suppressions d’emplois, tendent
à augmenter la quantité et l’intensité du
travail précaire. Quatre critères servent à
définir le travail précaire : une faible assurance
de garder son emploi, l’absence de possibilité pour
l’individu d’influencer son travail (notamment ses heures
de travail), un faible niveau de protection (contre le chômage ou
la discrimination) et peu de possibilités de formation.

    Au cours de la dernière décennie, le
nombre de salariés employés selon des modalités de
travail flexible ou précaire (contrats à durée
déterminée, travailleurs indépendants,
travailleurs intérimaires) a connu une croissance exponentielle.
De plus, la législation en matière de licenciement tend
à s’être assouplie dans divers pays. Cette
flexibilité numérique peut renforcer la
compétitivité, mais elle déplace la charge vers le
travailleur flexible. Une analyse des différentes études
réalisées sur les conséquences de l’emploi
précaire sur la santé et la sécurité au
travail montre que 14 des 24 études portant sur le travail
temporaire ont fait ressortir un lien négatif entre celui-ci et
la santé et la sécurité au travail. Une autre
étude a révélé que plus
l’instabilité de l’emploi est grande, plus elle est
liée à la morbidité et à la
mortalité.

Flexibilité et insécurité

Plus particulièrement, la flexibilité numérique
(notamment les contrats à durée déterminée)
engendre une plus grande insécurité de l’emploi.
Sur les marchés du travail où la probabilité de
passer d’une situation d’emploi à une situation de
chômage est élevée, les salariés ressentent
aussi fortement l’insécurité de l’emploi. Une
insécurité de l’emploi fortement ressentie est
assimilée à une mauvaise santé au regard de trois
indicateurs, surtout parmi les femmes. En règle
générale, le niveau de détresse et de
morbidité psychologiques est élevé parmi les
salariés sous contrats à durée
déterminée. Les contrats à durée
déterminée peuvent également entraîner des
niveaux de présentéisme élevés. Les
études ont en effet montré que les travailleurs
temporaires étaient davantage présents quand ils
étaient malades.

    Les études montrent que les réductions
d’effectifs multiplient par 2,3 le nombre de congés
maladie recensés pour les salariés permanents. Mais ce
n’est pas le cas pour les intérimaires. La crainte de
perdre son emploi peut expliquer cette situation. Comme nous
l’avons souligné plus haut, le présentéisme
peut à la longue provoquer une détérioration de la
santé.

Plus fatigués, moins satisfaits

De plus, les travailleurs non permanents reconnaissent dans une plus
forte proportion ne pas être satisfaits de leur emploi, souffrir
davantage de la fatigue, de lombalgie et de douleurs musculaires que
les travailleurs sous contrat permanent à plein temps.
Toutefois, les travailleurs à temps partiel disposant d’un
contrat permanent ont plus de problèmes de santé que les
travailleurs à temps partiel occupant un emploi non permanent.
Les travailleurs indépendants semblent être les moins
nantis de tous, pourtant ce sont eux qui présentent le moins de
problèmes de santé. En outre, les salariés
occasionnels sont beaucoup plus sujets aux accidents du travail. Si
l’on prend en considération l’âge et surtout
la durée de l’emploi, le lien entre le statut de
l’emploi et le nombre d’accidents du travail perd toute
signification statistique.

Davantage victimes des accidents du travail

Cette situation montre que le manque d’expérience
représente l’une des causes fondamentales des taux
élevés d’accidents du travail parmi les
travailleurs flexibles. Ce fait est également confirmé
par les résultats qui montrent que les accidents du travail sont
beaucoup plus nombreux au cours des quatre premiers mois qui suivent la
prise de fonctions. Toutefois, une autre explication peut être
avancée : cela tient au fait que les travailleurs
flexibles suivent moins de formation que les travailleurs permanents.
D’autre part, de façon générale, le nombre
des travailleurs occasionnels est extrêmement élevé
dans les postes nécessitant peu de formation préalable.
En outre, ils travaillent souvent dans des lieux où ils sont
à la merci du danger et où ils sont en contact avec des
produits dangereux.

    Il existe une dernière série
d’explications concernant la situation relativement
médiocre que connaissent les travailleurs temporaires en termes
de santé et de sécurité au travail : il
arrive qu’ils aient moins de contacts avec les professionnels de
la santé et de la sécurité au travail,
qu’ils échappent aux contrôles de santé
pendant des périodes de temps plus longues et qu’ils
soient négligés par les représentants des
travailleurs chargés de la politique de santé et de
sécurité au travail. »