Assurance chômage : la régression

Assurance chômage : la régression



Nous publions dans ce cahier
Emancipations un article rédigé mi-janvier 2010 par
Jean-Michel Dolivo, avocat et membre de notre comité de
rédaction, pour la Revue juridique et politique Plädoyer
(1/10), avec l’autorisation de ladite Revue. Nous la remercions
ici. Les deux encarts « 4 e révision :
comment faire passer la pilule en douceur ? » et
« chômage partiel : à qui
profite-il ? » ont été
rédigés spécialement par l’auteur pour ce
cahier. 

La 4 e révision de la LACI constitue une étape
supplémentaire dans une politique de
démantèlement, renversant les fondements d’un
système de protection des personnes sans emploi face aux
mécanismes d’exclusion et de précarisation du
marché du travail.

La LACI, une rapide érosion

Les caisses mutuelles ou « caisses de
secours », fondées au cours du XIXe siècle,
permettaient aux ouvriers de se prémunir contre le risque du
chômage. La première véritable
assurance-chômage a été créée par
l’Union suisse des typographes en 1884. Les caisses de
chômage syndicales sont subventionnées par la
Confédération depuis 1924. En 1974, 18 % seulement
des personnes actives étaient couverts par une
assurance-chômage. Suite à la crise économique du
milieu des années 70, le peuple approuve, en 1976,
l’article constitutionnel 34 novies imposant l’affiliation
à une caisse de chômage de tous les salariés. Cette
disposition, mise provisoirement en vigueur par un arrêté
fédéral du 8 octobre 1976, devient définitive avec
la Loi fédérale sur l’assurance-chômage
obligatoire et l’indemnité en cas
d’insolvabilité (LACI) du 25 juin 1982, entrée en
vigueur au 1er janvier 1984. Selon l’art. 114 de la Constitution,
l’assurance-chômage doit  notamment respecter le
principe suivant : l’assurance garantit une compensation
appropriée de la perte du revenu et soutient les mesures
destinées à prévenir et à combattre le
chômage (art. 114 § 2 litt.a Cst). Tout au long des
années 1980, le taux de chômage est resté
au-dessous de 1 %. De nombreux travailleurs immigrés sont
en effet renvoyés dans leur pays d’origine. Ces migrants
remplissent une fonction d’absorption des variations
conjoncturelles. Une sorte de « soupape de
sécurité » qui permet à la Suisse
d’éviter des taux élevés de chômage.
Début des années 90, la Suisse connaît une
augmentation massive du chômage : au printemps 91, quelque
33 700 chômeurs inscrits, fin de l’année 93
près de 200 000. C’est dans ce contexte qu’au
milieu des années 1990, dans le cadre de la révision de
la LACI, une « nouvelle philosophie » de
l’assurance-chômage s’est imposée, sous
l’impulsion des associations patronales, avec l’accord des
syndicats. C’est là un tournant fondamental. La
priorité est accordée à « une
politique dite active », ce qui implique la
définition du « travail convenable »
(art. 16 LACI), une définition très souple, de
manière à contraindre les chômeurs à
accepter un nouvel emploi, même à des conditions largement
détériorées par rapport à celui
qu’ils ont perdu. Cette priorité implique également
une obligation pour les personnes sans emploi de fournir une
« contre prestation » qui vise à
améliorer leur
« employabilité », en participant
notamment à des emplois temporaires ou à des cours de
formation. Les offices régionaux de placement (ORP) sont alors
censés travailler de manière « plus
efficace », c’est-à-dire qu’ils vont
exercer davantage de pression pour que ces personnes
« sortent du chômage ». L’ORP a
la compétence de sanctionner les chômeurs (art. 30 LACI),
par exemple pour une arrivée tardive à un rendez-vous ou
pour des offres d’emplois insuffisantes. Le principe d’une
sanction ainsi que la quotité exacte des jours de suspension du
droit aux indemnités sont très souvent arbitraires
(appréciation de la gravité de la faute, art. 45 OACI).
L’ORP examine également s’il y a motif à
suspension des indemnités si l’assuré refuse un
travail qualifié de convenable (LACI art. 16, OACI art. 16 et
17). L’assuré a l’obligation, lorsque
l’autorité compétente le lui enjoint, de participer
aux mesures relatives au marché du travail (MMT) propres
à améliorer son aptitude au placement (LACI art. 15 et
17), aux entretiens de conseil, aux réunions d’information
et aux consultations spécialisées. S’il
n’accepte pas de se soumettre aux mesures actives censées
« améliorer son aptitude au
placement », il risque d’être jugé
« inapte au placement » et de n’avoir
plus droit aux prestations de la LACI. Dans cette logique,
l’assurance-chômage a pour objectif de contribuer au
fonctionnement rationnel du marché du travail, le dit
fonctionnement étant présenté comme une condition
pour arriver à un taux de chômage le plus bas possible.
D’un système d’assurance, qui lie le paiement
d’une prime (cotisations sur les salaires) à la couverture
d’un risque (perte d’un emploi), on est passé
à un système visant à rendre le marché du
travail plus performant, à savoir à augmenter la
flexibilité des salariés. C’est avec cette
argumentation que le gouvernement a justifié la réduction
du nombre maximum d’indemnités de chômage de 520
à 400 et la prolongation de 6 à 12 mois de la
période minimale de cotisation ouvrant le droit à des
prestations, modifications acceptées en votation populaire le 24
novembre 2002.

Tour de passe-passe des statistiques

Le Secrétariat d’Etat à l’économie
(SECO) publie chaque mois les statistiques du chômage. En janvier
2010, il constate qu’en l’espace d’une année,
le chômage est passé de 118 762 personnes à
fin décembre 2008 à 172 740 fin décembre
2009. En moyenne, 146 089 personnes étaient
enregistrées au chômage en 2009. Par rapport à
l’année précédente (101 725
personnes), cela représente une augmentation de 44 364
personnes, soit 43,6 %. Le taux de chômage atteint ainsi
3,7 % en moyenne annuelle contre 2,6 %
l’année précédente. Le chiffre des
demandeurs d’emploi, entre fin décembre 2008 et fin 2009,
a passé de 171 279 à 234 359 personnes,
soit une hausse globale de 63 080 personnes en l’espace
d’une année. Le chômage des jeunes (de 15 à
24 ans) a augmenté, au mois de décembre 2009, de 336
personnes (+1,1 %), passant à 29 672. Par rapport
au même mois de l’année précédente, la
hausse est de 10 409 personnes (+54 %).

    Ce que ne précise pas le SECO, se targuant
d’un taux de chômage en moyenne annuelle de 3,7 %,
c’est qu’il est calculé sur le nombre de
« chômeurs inscrits », notion
particulièrement restrictive. Elle ne comprend que les personnes
sans emploi qui sont inscrites auprès des ORP et qui sont
immédiatement disponibles pour un placement. Le taux de
chômage présenté n’englobe pas les personnes
au chômage, inscrites auprès des ORP et qui se trouvent en
situation de gain intermédiaire, ni celles qui suivent des cours
de reconversion ou de perfectionnement, ni celles qui sont en programme
d’emploi temporaire ou qui ne sont pas immédiatement
disponibles pour d’autres raisons, par exemple maladie ou
école de recrue. La somme de ces différentes
catégories et des chômeurs inscrits correspond à la
notion officielle de « demandeurs d’emploi
inscrits ». Et l’on ne parle pas ici de celles et
ceux qui ne sont même pas dans ces catégories, les
personnes qui sont arrivées en fin de droit, celles qui ont
renoncé à toute inscription auprès des ORP, les
bénéficiaires de rentes invalidité qui sont dans
l’obligation de faire tous les efforts nécessaires pour
retrouver un  emploi, ou les femmes qui n’ont pas droit
à l’aide sociale parce que leur époux travaille.
L’enjeu politique des catégories statistiques est
évident : dissimuler l’exclusion de nombreuses
personnes du marché du travail.

Révision et crise économique

Les objectifs visés par la 4 e révision de la LACI sont
triples : équilibre des comptes, amortissement de la
dette et renforcement du principe d’assurance en éliminant
les incitations dites indésirables. La révision vise
à créer des sources de financement complémentaires
pour couvrir les déficits, il est prévu d’augmenter
les cotisations de 2 à 2,2 % du salaire (temporairement
à 2,3 %) et prélever temporairement sur les
revenus compris entre 126 000 et 315 000 francs une
« contribution de solidarité »
jusqu’à l’assainissement de
l’assurance-chômage. Ces mesures touchant au financement
servent de prétexte pour présenter une réduction
des prestations. II est notamment proposé
d’échelonner la durée d’indemnisation en
fonction de la durée de cotisation. La personne qui aura
cotisé pendant 12 mois ne bénéficiera plus que de
260 indemnités journalières au lieu de 400. Pour avoir
droit à 400 indemnités, il faudra cotiser 18 mois. Les
prestations seront massivement réduites pour les personnes qui
n’ont pas cotisé, dont celles en formation. Un
délai d’attente de 120 jours leur sera imposé,
elles ne bénéficieront plus que de 90 indemnités
au lieu de 260. Cette mesure frappera en particulier les jeunes qui
terminent une formation scolaire ou académique. Des coupes sont
également prévues dans les domaines dits des mesures
relatives au marché du travail. Le gain assuré pour le
délai-cadre suivant sera calculé sur la seule base du
gain intermédiaire effectivement réalisé, en ne
prenant plus en compte, comme actuellement, partiellement ou
complètement des indemnités compensatoires versées
par l’assurance-chômage. La possibilité de porter la
durée maximale d’indemnisation de 400 à 520 jours
dans les régions de crise sera supprimée, les personnes
de plus de 55 ans devront cotiser 22 mois au lieu de 18 pour
bénéficier d’une durée d’indemnisation
allant jusqu’à 520 jours.

    Dans son Message du 3 septembre 2008 relatif
à la modification actuelle de la Loi sur
l’assurance-chômage, le Conseil fédéral
propose un certain nombre de mesures visant notamment à la
réduction des coûts. Le gouvernement indique que
« la réduction des coûts sera avant tout mise
en œuvre par le renforcement du principe d’assurance en
éliminant les incitations indésirables et en augmentant
l’efficacité des mesures de
réinsertion » (point 1.3.2.2). Dans son commentaire
du nouvel alinéa 3 bis de l’art. 23 LACI qui exclut la
possibilité d’assurer un gain réalisé dans
le cadre d’une mesure relative au marché du travail (MMT)
financée par les pouvoirs publics, le gouvernement enfonce le
clou de la nécessaire flexibilité des personnes au
chômage : « La politique du marché du
travail vise à réinsérer les demandeurs
d’emploi dans la vie active le plus rapidement possible
(souligné par nous). C’est un but que devraient poursuivre
non seulement les autorités du marché du travail mais
également les autorités sociales. II faut dès lors
empêcher que des programmes d’emploi temporaire soient
organisés dans le seul but de générer des
périodes de cotisations et se focaliser sur la
réinsertion. Le nouvel alinéa 3 bis vise
précisément à garantir que seule une
activité lucrative normale, et non la fréquentation
d’une MMT, donne droit à l’indemnité de
chômage (…) La suppression des alinéas 4 et 5
permet de ne plus prendre en compte les indemnités
compensatoires qui ne sont pas soumises à cotisation pour
calculer le gain assuré dans un nouveau
délai-cadre ».

Les jeunes dans le collimateur

La 4 e révision de la LACI a été discutée
aux Chambres fédérales en 2009. Elle devrait être
adoptée durant l’année 2010. Lors de sa session de
décembre 2009, le Conseil national a durci encore le projet de
4 e révision de l’assurance-chômage. Qui veut
travailler, trouve toujours un emploi ! Qui n’en trouve
pas est un fainéant ! Le chômage est
présenté comme une question personnelle et non plus comme
une réalité sociale. Ainsi une majorité
parlementaire a décidé que les chômeurs de moins de
30 ans sans obligation familiale n’auront droit qu’à
260 indemnités journalières (400 aujourd’hui), les
chômeurs de moins de 25 ans n’auront droit
qu’à 130 indemnités et les personnes de moins de 30
ans, inscrites auprès d’un ORP, pourront se voir imposer
n’importe quel travail. Le délai d’attente passera
de 120 jours à 260 jours pour les personnes qui viennent
d’achever leur formation. Un transfert de charges vers les
parents et l’aide sociale ! Or, selon les données
de l’Office fédéral des statistiques (OFS),
28 % des étudiants sont encore sans emploi 20 mois
après l’obtention de leur diplôme (OFS, Taux
d’entrée dans la vie professionnelle HEU). Une mesure qui
va aggraver la précarité des étudiants, une fois
leurs études terminées, et dévaloriser nombre de
diplômés en les obligeant à accepter un emploi pour
lequel ils sont surqualifiés. Les chômeurs de longue
durée verront le montant de leur indemnité baisser de
5 % après 260 jours d’indemnisation puis de
5 % encore après 330 jours d’indemnisation.
Rappelons que, dans le régime actuel, le revenu d’une
personne au chômage baisse déjà de 20 %, si
elle a un enfant à charge ou si son gain assuré est
inférieur à 3 797 francs, et de 30% dans toutes
les autres situations.

Toujours plus de fin de droit

Le démantèlement des prestations de
l’assurance-chômage provoquera une forte augmentation des
arrivées en fin de droit. L’OFS a récemment
publié une étude (OFS 2009 : Arriver en fin de
droit, analyse de la réinsertion des personnes arrivées
en fin de droit de l’assurance-chômage, Neuchâtel,
octobre 2009) sur la situation de ces dernières qui constate que
« les formes de travail flexibles (intérim, travail
sur appel) sont plus répandues parmi les personnes ayant connu
une arrivée en fin de droit que dans la population
salariée dans son ensemble. Ainsi, 85 % des
premières bénéficient d’un contrat de
travail de durée indéterminée, contre 92 %
de la population salariée. Les proportions salariées
travaillant sur appel sont respectivement de 13 % et 7 %
et celles des employés placés et payés par une
agence de location de services de 6 % et 1 %
(…) ». Cette flexibilité accrue de
l’emploi se reflète également dans les taux
d’occupation. 27 % des hommes ayant retrouvé un
emploi après une arrivée en fin de droit travaillent
à temps partiel contre 12 % de l’ensemble des
hommes actifs et occupés. L’étude l’OFS
constate également un « fort impact de
l’arrivée en fin de droit sur le niveau des
salaires ». Alors qu’un salarié gagne 34.50
francs par heure (salaire horaire médian), une personne
arrivée en fin de droit ayant trouvé un emploi
salarié perçoit 26.20 francs, soit une différence
de 8.30 francs.

Pas d’économies, des reports de charges

Une étude réalisée en 2009 par la
Conférence des directrices et directeurs cantonaux des affaires
sociales (CDAS) met en évidence le fait que les mesures
prévues par la 4 e révision de la LACI
« peuvent par exemple aboutir à ce qu’une
partie des demandeurs d’emploi soient exclus plus tôt de
l’assurance-chômage; ils devront donc entamer plus
rapidement leur patrimoine privé avant de recourir, plus
tôt et pour une part, à l’aide sociale ; les
réductions des prestations sont également susceptibles de
créer davantage de chômeurs qui, de surcroît, auront
besoin de versements de l’aide sociale. Par ailleurs, en
comparaison du statut de « chômeur »,
le fait de dépendre de l’aide sociale stigmatise
davantage, ce qui a souvent des incidences négatives sur la
santé des bénéficiaires de l’assistance, sur
leurs chances de s’imposer sur le marché du travail ainsi
que sur leur acceptation et intégration sociales ».
Cette étude montre que les cantons et les communes seront
confrontés à « des charges
supplémentaires notables, l’essentiel de celles-ci prenant
la forme d’une hausse des coûts de l’aide
sociale ». L’estimation des ces charges
supplémentaires frappant ces collectivités publiques est,
selon l’étude, de 137 à 236 mio de francs par an.

Précarisation de l’emploi

Les modifications de la législation sur le chômage ont un
impact important sur l’évolution des salaires et des
conditions de travail à moyen terme. Le chômage est devenu
une menace permanente pour une très grande proportion de
salariés. Il se combine avec d’autres modifications qui
ont bouleversé le monde du travail ces dernières
années, notamment la privatisation de secteurs importants du
service public (CFF, Poste, Swisscom) ou la flexibilité devenue
la norme dans la gestion de la main d’œuvre par les
employeurs. Un chômage de masse s’est durablement
installé. Il n’a pas disparu dans la période de
relance économique et va encore fortement progresser en 2010,
conséquence de la crise économique et financière.
La 4 e révision de la LACI impliquera, si elle devait entrer en
vigueur, un transfert massif de salariés d’un
régime d’assurance à un régime
d’assistance, avec la perte de droits que cela signifie, faisant
suite au trauma que représente la perte d’un emploi ou
l’extrême difficulté rencontrée pour des
jeunes à débuter une trajectoire professionnelle
correspondant à leur formation.

Jean-Michel Dolivo


4e révision : comment faire avaler la potion en douceur ?

Mi-janvier 2010, la Commission de la sécurité sociale du
Conseil des Etats a cherché un
« compromis » pour rendre
« acceptable » la 4e révision de la
LACI face à la menace d’un référendum et de
son éventuel succès en votation populaire. Il est vrai
que le chômage creuse de plus en plus profondément son
sillon : en janvier 2010, le nombre des demandeurs
d’emploi inscrits s’élève à
236 317, soit près de 2 000 de plus qu’en
décembre, et le chômage des jeunes (de 15 à 24 ans)
touchent 29 979 personnes, soit une hausse de 31,1 % par
rapport à janvier 2009 ! La Commission a formulé,
par rapport aux décisions prises par le Conseil national en
décembre 2009, des propositions un brin moins
excessives : supprimer le délai de carence de 260 jours
pour les étudiants qui ne trouvent pas un emploi à
l’issue de leur formation, augmenter légèrement le
droit aux indemnités pour les chômeurs de moins de 25 ans
qui passerait de 130 à 200 jours (alors qu’il est de 400
jours actuellement), supprimer la réduction à 260 jours
du droit aux indemnités pour les jeunes de moins de 30 ans sans
charge de famille et enfin supprimer la baisse de 5 % du montant
d’indemnisation après 260 jours, puis de 10 %
après 330.
    Un recul cosmétique, qui ne modifie en rien
le centre de gravité de la révision, à savoir
donner un coup d’accélérateur brutal au
démantèlement de l’assurance-chômage comme
assurance sociale. Le tout petit pas en arrière, amorcé
par la Commission de la Chambre des cantons, annonce un marchandage qui
va très certainement se produire avec la direction de
l’Union syndicale suisse (USS) et celle du parti socialiste
suisse (PSS). Ce fut déjà le cas lors de la
dernière révision de la Loi sur le travail qui a permis
l’extension du travail de nuit et du dimanche et ouvert les
dernières barrières à la flexibilisation à
outrance de la durée et des horaires de travail. Une
première mouture de la révision avait été
rejetée, suite à un référendum, en votation
populaire le 1er décembre 1996, combattue qu’elle
était par un front très large d’opposants. Une
seconde mouture avait ensuite été acceptée,
quelques années après : elle avait reçu la
bénédiction de l’USS et du PSS, qui
s’étaient opposés à un
référendum lancé par la gauche syndicale, soutenue
notamment par solidaritéS.

    Le 4 février 2010 le comité de
l’USS a annoncé publiquement que cette centrale syndicale
entendait combattre la révision de la LACI par
référendum. Il indique que l’USS « ne
reviendra sur sa décision que si les prochaines
délibérations parlementaires se traduisent par des
progrès importants. Ceux-ci devraient garantir un niveau plus
élevé de protection que le projet –
déjà à l’enseigne du
démantèlement – présenté par le
Conseil fédéral.» Effet de manches ou affirmation
d’une véritable détermination ? A
suivre !
JMD


Chômage partiel, à qui profite-t-il ?

En Suisse, comme dans d’autres pays européens, face
à l’ampleur de la crise économique et de ses
conséquences en matière d’emploi, ce sont
d’abord les emplois intérimaires qui ont servi
d’amortisseur. Puis, c’est le recours au temps partiel et
au chômage partiel. Ce dernier  devient la panacée
dans la gestion sociale de la crise. En Allemagne, plus d’un
million de salariés ont été mis au chômage
partiel (Kurzarbeit). C’est notamment le cas dans
l’industrie automobile et la sidérurgie. C’est
l’Agence pour l’emploi qui prend en charge les deux tiers
du salaire, l’entreprise comblant la différence. Un
système très coûteux pour les collectivités
publiques qui supportent les conséquences des restructurations
effectuées par ces entreprises pour maintenir leur taux de
profit.
   
Collectivisation des risques, privatisation des profits : 15
millions de francs supplémentaires à la charge de
l’assurance-chômage en Suisse, en 2009. De nombreuses
entreprises ont en effet déposé des demandes
d’indemnités de réduction d’horaire de
travail (RHT). Selon les statistiques du Secrétariat à
l’économie (SECO), en novembre 2009, 3 382
entreprises avaient recours au chômage partiel, contre 168 en
novembre 2008, 48 630 salariés étaient
concernées, contre 2 608 en novembre 2008. Le Conseil
fédéral a porté, depuis le 1er avril 2009, de 12
à 18 mois la durée d’indemnisation en cas de
réduction de l’horaire de travail et a réduit le
délai d’attente à la charge de l’employeur
à un jour. Une entreprise qui a touché l’indemnité
pendant la durée maximale doit observer un délai
d’attente de six mois avant de présenter une nouvelle demande.

    Relevons que n’ont pas droit au chômage
partiel les travailleurs ayant un contrat de travail de durée
déterminée, les travailleurs sur appel et ceux qui sont
intérimaires. Les plus précaires sont évidemment
les premiers licenciés! Le SECO vient de lancer une
procédure d’audition pour un prolongement temporaire de la
durée maximale d’indemnisation du chômage partiel de 18
à 24 mois. Le Conseil fédéral devrait trancher en
mars prochain. La RHT permettrait en principe d’éviter un
certain nombre de licenciements, dans la mesure où elle
correspond à une situation de suspension, complète ou
partielle, de l’activité de l’entreprise ou de
certains de ces secteurs, alors même que les rapports de travail
se poursuivent. L’entreprise a droit au versement
d’indemnités de l’assurance-chômage pour ses
employés, notamment lorsque la perte de travail est
inévitable ou passagère, qu’elle atteint au moins
10 % de l’ensemble des heures normalement
effectuées et qu’elle touche des salariés qui ont
un emploi de durée indéterminée. Pendant la RHT,
l’employeur a la faculté d’utiliser
complètement ou partiellement, avec l’accord de
l’autorité cantonale, le temps de travail qui est
supprimé pour perfectionner sur le plan professionnel les
travailleurs et travailleuses concernés.

    Une étude menée sur mandat du SECO en
2005, portant sur la période de récession 2001 à
2003, montre pourtant que l’indemnisation du chômage
partiel n’a pas du tout encouragé les entreprises à
conserver leurs emplois ! Dans un article publié dans la
Vie économique (1/2-2006), ses auteurs, Andres Frick et Aniela
Wirz, concluent que « les résultats de
l’enquête montrent clairement que le chômage partiel
n’a pas atteint son objectif, voulu par le législateur,
qui est de préserver l’emploi dans les périodes de
récession économique. Il semble même que
d’utile instrument qu’il était, dans les phases de
diminution temporaire de travail, pour assurer la soudure avec des
temps meilleurs dont la perspective demeurait intacte, le chômage
partiel soit progressivement devenu un élément parmi
d’autres d’une stratégie d’entreprise visant
à adapter l’effectif du personnel à un volume
d’occupation en baisse sur le long terme ». Il
n’y a par ailleurs aucune interdiction pour les entreprises au
bénéfice d’une RHT de licencier des salariés
pendant la période de chômage partiel, et elles ne
s’en privent pas !
JMD