Chávez, Obama et le Pentagone

Chávez, Obama et le Pentagone



Affecté par la crise
économique mondiale et la baisse du prix du pétrole,
éprouvé par une sécheresse qui menace
l’approvisionnement électrique du pays, le Venezuela
traverse une période difficile comme cela arrive dans de
nombreux pays du monde. Mais la droite et les états-Unis
cherchent la faille pour renverser Chávez.

Le pays est entouré de bases militaires et d’espions de la
CIA, scruté à la loupe par les grands médias
locaux et internationaux de même que par les gouvernements
occidentaux, tous attendent un faux pas de sa part. Ce faux pas,
l’opposition interne, très minoritaire mais très
appréciée à l’extérieur des
frontières vénézuéliennes, est prêt
à tout pour le provoquer de sorte que la moindre mesure prise
par l’administration Chávez prend des proportions
démesurées.

Chávez dans le collimateur

Par exemple, une dévaluation partielle de la monnaie,
annoncée le 8 janvier, suivie par l’expropriation de la
chaîne de supermarchés Exito qui en avait profité
pour spéculer sur les prix des aliments et accaparer des stocks,
a déclenché un tollé médiatique accusant le
président Chávez  de fermer « par
centaines des commerces constamment menacés
d’expropriation ». La dévaluation vise,
sagement et en toute souveraineté, à réduire les
importations pour relancer la production nationale et diversifier les
exportations, puisque celles reliées au pétrole
représentent 90 % des revenus en devises du Venezuela.

    Une autre mesure, décriée partout
comme une preuve d’inefficacité de la révolution
bolivarienne, est la baisse drastique de 20 % de la consommation
d’énergie qui, depuis le début de cette
année, affecte les secteurs public et privé. La mesure
est causée par une longue période de sécheresse
qui fait dramatiquement baisser le niveau d’eau des barrages
hydro-électriques, principalement celui de la centrale El Guri
qui, à elle seule, alimente en électricité
73 % du pays. L’état « d’urgence
électrique », décrété
officiellement le 8 février dernier, provient aussi de
l’arrêt « temporaire » de vente
d’électricité au Venezuela de la Colombie voisine,
également très touchée par la sécheresse.

    Une troisième mesure, qui ailleurs serait
passée inaperçue, a relancé l’agression
médiatique permanente envers le gouvernement
vénézuélien, cette fois sous la forme
d’accusations de « faire taire les médias
d’information critiques » et de
« s’attaquer à la liberté
d’expression ». Il s’agit de la suspension
temporaire par la Commission nationale des
télécommunications (CONATEL) des activités
d’une demi-douzaine de chaînes
télévisées qui ne se conformaient pas aux
exigences de la Loi de responsabilité sociale en matière
de radio et télévision (RESORTE).

Une opposition tentée par le coup d’Etat

La chaîne RCTV, qui a participé activement au coup
d’Etat raté de 2002 contre Hugo Chávez, se retrouve
aujourd’hui parmi les fautives, et ignore volontairement cette
loi. Alors que toutes les autres chaînes suspendues s’y
sont rapidement conformées et ont repris leur programmation,
RCTV a un tout autre agenda : agiter les rues et espérer
qu’un gouvernement sous haute surveillance commette les erreurs
qui précipiteront sa chute. Contre les mesures
mentionnées, les médias vénézuéliens
et les recteurs de certaines universités ont mobilisé un
mouvement étudiant issu des classes riches. Des affrontements
qui ont duré toute la dernière semaine de janvier ont
fait deux morts et 16 blessés.

    À leur tour, ces violences ont
alimenté une nouvelle campagne médiatique
annonçant « la fin imminente du cycle Chávez 
». Le 25 janvier, le Washington Post publiait un éditorial
affirmant que « Hugo Chávez  et le socialisme
du 21e siècle ont été défaits et sont en
train de s’écrouler ». « Le pays,
poursuit l’éditorialiste, s’enfonce dans la
récession, l’inflation à deux chiffres et le
possible effondrement du réseau électrique
national. » Quatre jours plus tôt, en pleine
entrevue télévisée, le président de la
Fédération des chambres de commerce et de production du
Venezuela (FEDECAMARAS), Noel Alvarez, lançait à un
animateur hilare, que « la solution pour sortir du
régime Chávez  est la solution
militaire. »

Les Etats-Unis sur pied de guerre

Les États-Unis, rappelle Ignacio Ramonet, sur le portail
internet Mémoire des luttes, ont immédiatement
réagi à l’entrée en fonction du
président Chávez , le 2 février 1999.
Obligés par le traité Torrijos-Carter de 1977
d’évacuer l’importante base militaire de Howard au
Panama, le Pentagone choisit alors de disperser ses installations
à Manta (Équateur), Comalapa (Salvador) et dans les
îles d’Aruba et Curaçao, situées à
quelques kilomètres de la côte
vénézuélienne. Dès le début,
l’un des objectifs est de surveiller le Venezuela et
d’aider à déstabiliser la révolution
bolivarienne.

    En même temps, après les
événements du 11 septembre 2001, Washington abandonne
définitivement les grandes bases militaires avec un personnel
nombreux et des équipements lourds pour les remplacer par des
installations dotées de très peu d’effectifs mais
d’une technologie avancée en matière de
détection. La base de Manta a participé au coup
d’Etat manqué contre Hugo Chávez , en avril 2002,
et en 2005, les États-Unis renouvellent l’accord avec les
Pays-Bas pour Aruba et Curaçao, où s’intensifie
rapidement l’activité militaire. C’est au cours de
cette même année qu’est créée
l’ALBA et que, facilement réélu, le
président Chávez  commence à évoquer
le « socialisme du 21e siècle ».

    Les États-Unis réagissent encore en
imposant un embargo sur la vente d’armes et de matériel
militaire au Venezuela sous le faux prétexte que le pays ne
collabore pas suffisamment à la lutte contre le terrorisme.
L’embargo force le gouvernement Chávez  à se
tourner vers la Russie pour équiper l’armée
bolivarienne dont les avions F-16 de fabrication états-unienne
se retrouvent sans pièces de rechange. Les États-Unis ont
alors beau jeu de dénoncer un « réarmement
massif » du Venezuela omettant de mentionner la colossale
aide militaire qu’ils fournissent eux-mêmes à la
Colombie et les budgets d’armement brésilien et chilien,
infiniment plus élevés que celui du Venezuela.

    En 2008, Washington réactive la
quatrième flotte, abolie depuis 1948, dont la mission est de
surveiller et contrôler la côte Atlantique de
l’Amérique du Sud. L’encerclement du Venezuela
s’accélère ensuite. La base de Manta,
évacuée en 2009, est remplacée par
l’utilisation de plusieurs bases militaires colombiennes, dont
certaines proches de la frontière sud-ouest du Venezuela. Puis,
en octobre dernier, le président conservateur du Panama, Ricardo
Martinelli, cède l’usage de quatre autres bases de son
pays aux États-Unis. À cela, l’expert en
géopolitique, Michel Chossudovsky, ajoute l’invasion
d’Haïti, déguisée en aide humanitaire qui,
depuis le tremblement de terre du 12 janvier dernier, permet à
Washington de disposer d’une véritable armada à la
fois proche de Cuba et du Venezuela. Sans oublier le coup d’Etat
du 28 juin dernier, au Honduras, que l’administration Obama a
largement aidé à réussir, encourageant clairement
les aspirants putschistes de la droite
vénézuélienne.

    « Le
Venezuela et la révolution bolivarienne, conclut Ignacio
Ramonet, se retrouvent donc encerclées par pas moins de 13 bases
états-uniennes ( ) ainsi que par les porte-avions et les
vaisseaux de la quatrième flotte. »
« Le président Barack Obama semble avoir
donné carte blanche au Pentagone. Tout paraît annoncer une
agression militaire. Les peuples du monde accepteront-ils que soit
commis un nouveau crime contre la démocratie en Amérique
latine ?
 » 


André Maltais*


* Paru dans L’Autre Journal, Montréal, du 17 février 2010. Titre et intertitres de notre rédaction.