Un théâtre politique populaire et pas chiant
Un théâtre politique populaire et pas chiant
Cest par ces mots que Dominique
Ziegler qualifie son théâtre. Aujourdhui un livre,
regroupant ses différentes pièces, permet de se faire une
idée quant à sa réussite.
Est-ce que cela sert à quelque chose de lire du
théâtre ? En effet, le texte seul dune
pièce, cest encore pire quune traduction ou un
film en vf. On perd énormément
déléments par rapport à sa
représentation sur scène. Mais NDongo revient et
autre pièces se révèle être un ouvrage
riche, notamment grâce aux préfaces pour chacune des
pièces. Le·la lecteur·trice a ainsi accès
à la genèse des différentes uvres.
Dominique Ziegler indique comment chacune a été
montée, quest ce qui la inspiré et ce
quil a voulu pointer du doigt. On perçoit alors une
continuité forte à travers toutes les pièces du
recueil. Et cest là une autre qualité de ce
dernier que de permettre une vision densemble sur ces
différentes pièces. Si les thèmes et les formes
varient, on retrouve une unité qui nous oblige de donner raison
à lauteur. Il sagit bien dun
théâtre politique populaire pas chiant. Cette unité
nimplique pas une répétition lassante. Les
thèmes, sils touchent souvent des questions politiques,
varient : de la françafrique à la CIA en passant
par les mondes de la publicité et de la finance. Une seule
pièce du recueil échappe à ce rôle
dillustration denjeux politiques, il sagit de
Tempête dans un vers deau. Elle raconte les
déboires rencontrés avec les autorités
helvétiques lors dun projet de tournée de la
pièce NDongo revient en Afrique. Mais cette pièce
paraît presque à linsu de son auteur, celui-ci
disant ne lavoir écrit que comme une catharsis
personnelle, que seul lenthousiasme de ceux qui lont lue
et entendue la décidé à publier.
Un théâtre du off
Une autre unité des différentes pièces tient
à leur forme, et cest là quintervient la
dimension du « pas chiant ». Dominique
Ziegler noublie pas quil sadresse à un
public populaire qui vient au théâtre aussi pour se
divertir. Les enjeux sociaux ne doivent pas forcément être
montrés sous une forme sérieuse à mourir, ou
désespérée. Lauteur le prouve en utilisant
la farce pour illustrer des thèmes graves. Mais il ne
sagit pas dune simple comédie. Cest une
farce réaliste, mêlant des ressorts ludiques à
lévocation de questions sérieuses. Ainsi
Opération Métastases parle des méfaits de la CIA
en Amérique latine, au Moyen-Orient et dans les crises
actuelles, mais par le biais du « jeu » de
deux espions se confrontant lun à lautre. Dans
Building USA, cest la forme du western qui est choisie. Ce que
Dominique Ziegler met en scène, cest souvent ce
quon appelle le off à la télévision, ces
moments, hors antenne, hors de la scène publique où
chacun dévoile son vrai visage et ses vices. Dans NDongo
revient, la pièce se déroule entre les discours officiels
des présidents français et africains, dans ces moments
où ils tombent le masque. En off, peu de choses sont
reluisantes : le président africain pète, les
riches samusent à tuer, le propriétaire viole, le
financier sadonne au sado-masochisme, la manipulation est
partout.
Cette notion de off ne doit pas faire croire que le
propos des pièces se trouve hors du temps. Au contraire, la
plupart entretiennent un lien direct avec
lactualité : la françafrique dans
NDongo revient et plus précisément les rapports de
Chirac avec les différents présidents africains ;
les élections françaises de 2002 dans Les Rois de la
Com, qui débouche sur une critique du sarkosysme.
Même dans Building USA, qui évoque la
férocité des colons américains dans leur
conquête de lOuest au détriment des indiens, le
moment historique sert à illustrer, de façon
générale, le rapport entre dominants et dominés.
Pierre Raboud
Dominique Ziegler, « NDongo revient et autres
pièces (théâtres 2001 2008) »,
Théâtre en CamPoche.