Christoph B., Dominique B., Oskar F., racistes et identitaires
Christoph B., Dominique B., Oskar F., racistes et identitaires
Avec la révision de la loi sur
le chômage, lUDC a gagné une bataille. Elle
sest unie à toute la droite qui a avalisé sa
campagne raciste. Et la gauche parlementaire ne la pas
dénoncée. Illustrant létranger comme
« lhomme de couleur »
malhonnête, lUDC a défini le Suisse comme
blanc, travailleur et honnête.
LUDC veut gagner la guerre. Elle veut imposer la discrimination
dans tous les rouages. Au contrat social que fondent des valeurs
universelles, elle veut substituer un nouvel ordre
« identitaire », racial. Son
alliée ? Le Zeitgeist, lesprit de
lépoque. En 1948, la Déclaration universelle des
droits de lhomme restaurait lEtat-nation qui devait
être démocratique et social. Lorsque les
néolibéraux pulvérisent les acquis sociaux, il ne
reste que la nation. Mais que reste-t-il de la nation lorsquils
la soumettent aux règles internationales du libre marché
pour enrichir le capital en toute liberté ? Dans la
crainte dêtre dépouillés, les peuples
deviennent des proies faciles pour le nationalisme identitaire qui leur
fait miroiter un futur où ils croient reconnaître quelque
chose de leur passé, de leur culture.
Gagner la guerre ? Imposer des droits inégaux.
La Suisse ne peut pas prendre lengagement de ne pas commettre de
discrimination raciale, car son droit des étrangers repose sur
elle. Avec la loi sur les étrangers de 2006, la discrimination
sest étendue au droit de la famille. Ses
« dispositions sur ladmission et le séjour
des étrangers » autorisent lofficier
détat civil à refuser de marier (Code civil,
art 97) et les autorités compétentes à
dissoudre un mariage (Art 105) ou annuler la paternité
(Art 109). Linitiative sur le renvoi étend la
discrimination au droit pénal. Les étrangers seraient si
« autres » quun droit pénal
spécial devrait leur être appliqué. Et leur
différence serait si irréductible que le droit de la
nationalité devrait être modifié. La campagne
actuelle de lUDC annonce déjà ses prochains
objectifs. Par exemple, un naturalisé devrait pouvoir être
déchu de sa nationalité
et expulsé,
sil a commis un délit puni dexpulsion pour un
étranger.
Un racisme dEtat
Dès sa genèse en 1917, le « droit des
étrangers » donnait à ladministration
le pouvoir de discriminer. Le droit au séjour existait
jusqualors. Il a été remplacé par le
régime de larbitraire, de lautorisation de
séjour. La loi de 1931 sur le séjour et
létablissement des étrangers couvrira la politique
antisémite suisse de lépoque du nazisme.
Prorogée en 1948, cette législation permettra la traite
des saisonniers. Sur cette base, le Conseil fédéral
ordonnera en 1964 que les « ressortissants des pays
lointains » euphémisme désignant les
anciennes colonies ne puissent pas bénéficier de
lautorisation de séjour. La loi sur lasile de 1980
donnera pourtant à certain·e·s dentre eux
le droit de résider en Suisse. Depuis 1985, elle est donc
sujette à dincessantes révisions qui stigmatisent
ces personnes comme des profiteurs, afin détablir un
ordre public fermé « aux ressortissants des pays
qui nont pas les idées européennes (au sens
large) ». LUDC considère quà
partir de cette date, les étrangers naturalisés restent
des étrangers.
Un racisme de gouvernement
Comme les autres partis de droite, mieux que les autres, lUDC
manipule la mythologie (Guillaume Tell, etc.), pour bricoler un homme
nouveau. Responsable, celui-ci se dirige lui-même, se
libère de la tutelle des juges étrangers et des aides
sociales. Il demande un gouvernement à son image pour aggraver
la punition des délits, réduire lavortement
à un soin de confort et légitimer la discrimination. En
2003, avec lélection de Blocher au conseil
fédéral, et malgré son éviction en 2007,
lUDC a engrangé de gros succès. Les Chambres ont
jugé constitutionnelle son initiative islamophobe et les partis
de gouvernement ne lont pas combattue. Pas plus que le Conseil
fédéral. Côté pile, celui-ci adhère
aujourdhui au principe dune justice spéciale
contre les étrangers et propose, côté face, des
mesures particulières pour leur
« intégration ».
Un racisme de masse
La pub de lUDC distribuée en juillet 2010 était
limpide. On ne peut pas devenir suisse : « Halte
aux combines et aux manipulations. Voilà comment on compte
correctement le nombre détrangers vivant
réellement en Suisse : 34,3 % sans tenir compte
des naturalisations ».
Les Suissesses et les Suisses respectent leurs
institutions et lUDC le sait. Elle recourt à la loi pour
imposer ce quelle souhaite. Plus consciente de lampleur
de la crise sociétale que ses partenaires au gouvernement, elle
nhésite pas à heurter les traditions cantonales et
communales. Elle bâtit un parti national centralisé
doté dun fort ancrage populaire. Elle exprime son
nationalisme racial dans le langage de la rue contre lennemi
étranger dont les enfants menaceraient les nôtres, dont
les murs menaceraient nos femmes.
Elle attise le ressentiment contre
létranger et fait rêver à son expulsion pour
reprendre les logements quil occuperait à notre
détriment, les emplois dont il nous priverait, les prestations
sociales quil nous volerait. Et jusquà notre
identité dont nous spolierait cet infiltré qui se
prétend Suisse. Jexagère ? « Quand un Suisse commet un délit, le peuple se demande tout de suite : Mais
depuis combien dannées il est
Suisse ? On constate alors souvent que
lauteur du délit est issu de limmigration. » (Chr. Blocher, Le Matin, 25.8. 2007).
Karl Grünberg