Loi sur l’aide sociale (LASI): le référendum incontournable
Loi sur laide sociale (LASI): le référendum incontournable
La violence des politiques
ultralibérales, sur le marché du travail et en
matière de politiques publiques, doit provoquer chez nous
une détermination dégale intensité pour y
faire barrage. La campagne référendaire contre la
révision de la loi sur laide sociale individuelle (LASI),
qui sera votée au Grand Conseil au début de
lan prochain, est un cas décole dans ce sens.
Cette lutte sera dautant plus importante à mener que nous
pourrions nous retrouver peu nombreux sur ce front. Car, osons-le
dire : « Les pauvres et les chômeurs, tout le
monde sen fout
ou à défaut sen
méfie ». Le débat parlementaire nest
pas clos, mais il est vraisemblable que, quelle que soit lardeur
des rares opposant·e·s à cette révision au
Grand Conseil, ils-elles ne parviendront pas à lui ôter
son caractère rédhibitoire.
Revenu minimum à la trappe
Premièrement, elle abroge la loi sur le Revenu minimum cantonal
daide sociale (RMCAS), occultant ainsi la notion de
chômage de longue durée comme problématique de
société et la transformant en problème individuel
à prendre en charge par le Service social et non plus par
lOffice cantonal de lemploi (OCE). Pour les
usagers·ères, au-delà des mesures transitoires qui
viseront à atténuer le premier choc, il sagira
dune baisse des prestations daide aux
chômeurs-euses en fin de droits, puisque laide sociale
voit une partie de son minimum vital soumis à condition de
« mérite », ce qui nest pas le
cas du RMCAS. Surtout, elle abaisse ainsi le seuil daccès
aux prestations, elle diminue fortement le nombre de
bénéficiaires et reporte la charge du chômage sur
les individus ou les associations caritatives.
Cette révision soumet en outre les
bénéficiaires de laide sociale à un stage
de 4 semaines pour évaluer leur « distance à
lemploi », ou plus prosaïquement dit leur
« employabilité », afin
dopérer un tri entre les personnes
« réinsérables » et les autres.
Gageons quun traitement différencié sera
appliqué aux personnes selon la catégorie dans laquelle
elles seront placées, à linstar de la pratique de
cantons ayant mis en place des suivis uniquement financiers et
administratifs pour les personnes à potentiel de
« réinsérabilité »
faible, alors quils complètent ces mesures par un suivi
social et à la réinsertion pour les autres. Cest
le prélude à la « rente
dexclusion ».
Opportunisme politique
La révision confie aussi une nouvelle mission à
lHospice général (HG) : linsertion
professionnelle. Il sagit typiquement dun opportunisme
politique lié à la volonté du conseiller
dEtat radical François Longchamp dutiliser
laide sociale comme
« dérivation » de son dispositif de
chômage. Cette modification de loi projetée opère
également un transfert de compétences et de charges de
lOCE vers lHG. Sous couvert douvrir les
allocations de retour en emploi et les emplois sociaux et solidaires
aux bénéficiaires de laide sociale, on les chasse
de lOCE, ce qui permet de supprimer le Service des mesures
cantonales. Léconomie est substantielle. La
révision fait passer les chômeurs·euses des
statistiques du chômage à celle de laide sociale et
les bénéficiaires de cette dernière hors des
statistiques de laide sociale. On retrouve cette constante, qui
consiste à sortir les assuré·e·s sociaux ou
bénéficiaires de laide sociale des statistiques ou
de les faire basculer dans un autre régime moins onéreux
et plus coercitif. Pour preuve, référons-nous
à cet autre projet de loi déposé par Longchamp,
qui instaure la double peine dans le domaine de laide sociale
également. Un projet donnant une base légale à la
pratique douteuse consistant à sanctionner
systématiquement à laide sociale le·la
chômeur·euse qui aura déjà
été, pour le même motif, sanctionné·e
par lassurance chômage.
Sans compter que la révision externalise une
part de lévaluation sociale. Elle vide ainsi de sa
substance lintervention professionnelle. Elle clive
lintervention et la taylorise. Elle attente ainsi à la
qualité de la prestation à
lusager·ère.
Et la création demplois ?
En fait, cette révision prône la réinsertion et
sen veut loutil privilégié, mais sans
aborder réellement la lancinante question de la création
demplois. Au contraire, elle sinscrit dans un mouvement
qui ouvre au secteur privé les emplois cantonaux de formation.
Elle contribue ainsi à la sous-enchère salariale,
accentuant la pression sur le marché du travail. Elle contribue
à alimenter une forme de statut permanent de linsertion.
Cest-à-dire quelle renforce la rotation des
personnes en insertion sur les stages, les formations
« croupions », et autres
« contre-prestations » au lieu de
créer de nouveaux emplois et de réhabiliter les postes de
travail supprimés par lEtat et occupés
actuellement « gratuitement » par des
« stagiaires ».
On le voit, un changement sopère
ostensiblement dans la politique de gestion du chômage. Par un
amalgame entre la couverture du risque de chômage et la
finalité de laide sociale, lune est
substituée à lautre. La problématique
économique du chômage et son volet politique de
lemploi sont oblitérés de leurs
responsabilités et dégagés de lobligation
dagir dans leurs champs de compétences.
Cest inacceptable, les milieux
économiques responsables de cette transformation et de cette
dégradation du marché de lemploi ne peuvent se
défausser sur lEtat, et ce à moindre coût en
optant pour la voie de laide sociale. Nous devons donc lutter
contre la loi qui sortira des débats du Grand Conseil si elle
nest pas drastiquement transformée. A tout le moins, tant
quelle ne renonce pas à labrogation du RMCAS et au
tri des bénéficiaires selon leur
« employabilité ». Tant quelle
ne replace pas dans le contexte et le champ de compétences de
lassurance chômage le suivi et laccompagnement des
chômeurs indemnisés et des demandeurs demploi.
Jocelyne Haller