AVS: les non-dits de l’U.S.S.
AVS: les non-dits de lU.S.S.
Le 1er octobre dernier, une
majorité des Chambres rejetait la 2e mouture de la 11e
révision de lAVS (déjà refusée par
le peuple en 2004). Face à ce nouvel échec, le Conseil
fédéral annonçait le 3 décembre quil
se donnait lannée 2011 pour négocier un
nouveau « compromis » avec les partis
et les « partenaires sociaux », et
quil proposait dans limmédiat une 11e
révision purement « technique ».
Le même jour, lUSS rendait publiques les grandes
lignes de son projet AVSplus.
La 11e révision de lAVS a échoué.
Dabord, parce que les comptes de cette assurance sont sains,
minant lultimatisme du Conseil fédéral en faveur
déconomies impopulaires ; ensuite, les apparents
« compromis » concoctés par le
Parlement ont été jugés insuffisants par la
gauche, tandis que lUDC, qui avait soutenu le projet de 2004, a
fini par rejeter celui de 2010, pour éviter une seconde
défaite populaire.
Berne avait initialement proposé une hausse
supplémentaire de la TVA, des économies sur
lindexation, ainsi que lélévation de
lâge de la retraite des femmes (de 64 à 65 ans),
des mesures refusées à une large majorité par le
peuple en 2004. Pour revenir devant le Parlement,
lexécutif avait renoncé à la hausse de
limpôt indirect, mais sans aucun geste sérieux en
faveur de laide à la retraite anticipée. Ce sera
une nouvelle gifle !
Une mémoire sélective
Dans le contexte ouvert par le double échec de la 11e
révision et le rejet de la baisse du taux de conversion LPP,
lUSS vient de publier des « Thèses sur la politique des syndicats en matière de rentes vieillesse »,
qui revendiquent un niveau de pensions (AVS + 2e pilier)
équivalant à 80 % du salaire pour les revenus
inférieurs à 5000 fr., réduit progressivement
à 60 % au-delà de 7000 fr.
Ce document commence par rappeler les progrès
historiques de lAVS, sans distinguer une première phase
daméliorations sans contrepartie, jusquen 1979-80,
dune seconde phase, marquée par les marchandages des
années 1990 (splitting et bonifications pour tâches
dassistance contre élévation de lâge
de la retraite des femmes de 62 à 64 ans).
Surtout, il fait limpasse sur les
conséquences du soutien de lUSS et du PSS au
système des trois piliers, dont la mise en place a
sanctionné la fin des améliorations de lAVS. On
relèvera tout de même cet aveu : « Depuis
lentrée en vigueur de la prévoyance
professionnelle (LPP) en 1985, la priorité financière en
matière de prévoyance vieillesse résidait dans le
développement du 2e pilier ».
Le 2e pilier na plus la cote
Aujourdhui, lavenir du 2e pilier nest plus
assuré. La bourgeoisie a en effet profité de
léclatement de la bulle internet, puis de la crise
financière, pour justifier des mesures drastiques (diminution
des taux dintérêt et du taux de conversion).
LUSS et le PSS avaient pourtant chanté les louanges de
cette prévoyance professionnelle dans les années 1970,
lorsque les assureurs, le patronat et la droite voulaient inscrire le
système des trois piliers dans la Constitution.
En 1971, le congrès de la FTMH accusait le
Parti du travail, partisan dun système de retraites
populaires fondé sur lextension de lAVS, de « mettre en danger la croissance de léconomie nationale », tandis que Domaine Public rêvait de « placer
de vastes champs de léconomie suisse à la
portée des syndicats et des travailleurs », pour
permettre « une collectivisation douce et souriante de
pans de léconomie suisse » (cité par M. Leimgruber, Solidarity without the State, Cambridge U.P., 2008, pp. 254-5).
Une AVS miraculeuse ?
Aujourdhui, lUSS sémerveille à juste titre des prouesses de lAVS, ce « modèle à succès » dont les « avantages »
résident dans les « faibles coûts de gestion
( ), la grande efficience et le principe de solidarité ».
De 1975 à 2008, ne sest-elle pas montrée
capable de doubler le nombre de rentes avec un financement stable
à hauteur de 6 à 6,5 % du PIB, « parce
que lobligation de cotiser nest pas plafonnée et
concerne donc les salaires les plus élevés, alors que la
rente maximum ne peut être que le double de la rente minimale ».
Mais pourquoi forcer à tel point le
trait ? En réalité, ce résultat surprenant
est dû à une baisse du montant moyen des rentes, en raison
du nombre croissant de pensions partielles (les travailleurs-euses
étrangers nayant souvent pas cotisé assez
longtemps) et dune indexation insuffisante. Il nest
évidemment pas exclu que lAVS ait aussi vu son effet
redistributeur amplifié par le creusement des écarts
salariaux (mais de là à sen
réjouir !), tandis que son financement était
renforcé par un point de TVA supplémentaire depuis 1999.
Le tabou des cotisations
Si lUSS ferme les yeux sur ces aspects, cest
quelle ne veut pas aborder la question du financement de
lAVS, quelle ne mentionne pas dans ses thèses.
Elle refuse en effet de parler de laugmentation des taux de
prélèvement sur les revenus du travail (un tabou pour les
patrons), que la majorité des Suisses disent pourtant
préférer à celle de la TVA (cf. sondage de
lUniversité de Saint-Gall, publié le 29 mars
dernier).
Avec un taux de 4,2 % sur les salaires bruts
(auquel sajoutent les 4,2 % de lemployeur et les
7,8 % des indépendants), lAVS a perçu
27,3 milliards de cotisations en 2009, soit 6,5 milliards par
point de pourcentage. En comparaison, laugmentation de la TVA
dun point (décidée en 1999), ne rapporte que
2,6 milliards (60 % de moins).
Or, pour la majorité des
travailleurs·euses, limpact dune retenue de
1 % sur la fiche de paye est à peu près comparable
à une élévation de 1 % de la TVA, alors que
dans le deuxième cas, les retraité-e-s passent aussi
à la caisse. De surcroît, le financement des assurances
sociales par limpôt indirect pénalise les revenus
les plus faibles.
Nous reviendrons sur le dossier de lAVS et du
2e pilier par une série darticles au début de
lannée 2011.
Jean Batou