Livres en lutte: tour d'horizon de l'édition alternative

Livres en lutte: tour d’horizon de l’édition alternative

Daniel Bensaïd
La politique comme art stratégique
Paris, Syllepse, février 2011

Fin de la politique et fin de l’histoire coïncident dans
l’infernale répétition de
l’éternité marchande. L’idée
d’une autre société est devenue presque impossible
à penser, et d’ailleurs personne n’avance sur le
sujet dans le monde d’aujourd’hui. Nous voici
condamnés à vivre dans le monde où nous vivons. Le
philosophe Daniel Bensaïd, récemment disparu, tente ici de
répondre à cette désespérance en portant
son attention aux débats du mouvement altermondialiste, en
interrogeant Marx, Lénine et les années 1970, notamment
en Europe du Sud et en Amérique latine. Dans ce recueil de
textes, il s’agit tout à la fois de souligner des
continuités et des ruptures, afin de donner de la profondeur
théorique et historique aux controverses actuelles. Pour Daniel
Bensaïd une politique de l’opprimé ne pouvait
contourner les questions stratégiques, mais devait, au contraire
les mettre au centre. 

Bernad Calbuïg, José Tovar
Faites chauffer l’école.
Principes pour une révolution scolaire.
Paris, Syllepse, mars 2011

Le système éducatif, plongé dans la tourmente
libérale, est à bout de souffle. La droite le restructure
à marche forcée avec pour principal motif et
finalité la formation d’un nouveau salariat adapté
aux besoins du Capital. Il est plus que temps de dessiner radicalement
les contours d’une école commune, une école de
l’intelligence, de la culture et de la professionnalisation pour
tous et toutes. Des changements profonds sont devenus urgents :
structures, modes de fonctionnement, programmes qui sont en
déphasage complet avec les aspirations et les
potentialités des jeunes et de la société
d’aujourd’hui. Se fondant sur les acquis les plus novateurs
des recherches en sciences de l’éducation qui montrent que
tous les élèves peuvent réussir une
scolarité de haut niveau, pourvu qu’on leur en donne les
moyens, les auteurs proposent d’en finir avec
l’école de la sélection telle qu’elle
fonctionne, pour lui substituer un système d’école
commune se donnant comme objectif premier l’acquisition par tous
d’une culture commune ambitieuse, mieux en prise avec les
évolutions culturelles, économiques et sociales de notre
temps. 

Michel Warschawski
Au pied du mur
Paris, Syllepse, janvier 2011

Pendant deux ans, Michel Warschawski, journaliste et militant pacifiste
israélien, a livré à l’hebdomadaire
Siné Hebdo une chronique des événements courants
du conflit israélo-palestinien et de la colonisation des
territoires palestiniens voulue par l’État
d’Israël. Ces billets d’actualité
décrivent par le menu les réalités, politiques,
sociales et culturelles de cette région du globe. Opposant
farouche à la politique coloniale de son pays, l’auteur ne
parle pas du « processus de paix »,
qu’il craint n’être que virtuel. Il évoque au
contraire d’autres processus qui compromettent une
« paix juste et durable », à savoir la
colonisation, le Mur de la honte, l’apartheid, la fuite en avant
et la fascisation de l’État d’Israël. 

Bernard Duterme,  Aurélie Leroy (coord.)
Monde arabe. État des résistances dans le Sud – 2010
Paris, Syllepse, janvier 2010

Face à l’autoritarisme et au militarisme des États
de la région – monarchies et républiques confondues
–, la possibilité de mouvements sociaux contestataires, de
sociétés civiles dynamiques, d’acteurs autonomes
mobilisés pour la reconnaissance de leurs droits sociaux,
politiques et culturels existe-t-elle vraiment ? Que penser des
organisations islamistes qui, dans toute leur diversité,
semblent dominer le panorama ? A quelles conditions
participent-ils à la démocratisation des
sociétés arabes et à l’émancipation
des peuples ? C’est à ces questions que cet ouvrage
collectif apporte des réponses concrètes, pays par pays,
du Maghreb au Moyen-Orient. Les résistances à
l’ordre établi et aux inégalités sociales
n’y naissent pas de nulle part. L’échec des
politiques « nationalistes » des États postcoloniaux
et les crises laissées ouvertes par la libéralisation
économique, la mondialisation et la géopolitique du
pétrole ont nourri le mécontentement social et ouvert la
voie aux poussées protestataires. Les réactions des
pouvoirs contestés oscillent entre répression, cooptation
et ouvertures en trompe-l’oeil. 

Nicolas Beau, Jean-Pierre Tuquoi
Notre ami Ben Ali
Paris, La Découverte, février 2011

Zine el Abidine Ben Ali est un cas. Au pouvoir de 1987 à 2011,
le président tunisien a peu à peu transformé la
paisible Tunisie en une immense caserne. Les opposants y ont
été systématiquement persécutés,
souvent torturés, avant d’être jugés dans des
parodies de procès. Depuis sa première édition en
1999, ce livre explosif conserve tout son pouvoir d’explication
pour comprendre le processus qui a abouti à la
« révolution de jasmin » de janvier
2011. Grâce à leur excellente connaissance du dossier et
des enquêtes inédites sur ses aspects les plus sombres,
les auteurs révèlent la face cachée du
« miracle tunisien ». Ils retracent la
carrière étonnante du président Ben Ali,
décortiquent les rouages de son système répressif,
révèlent les dérives mafieuses du régime.
Et surtout, ils expliquent pourquoi « notre ami Ben
Ali » a bénéficié en France et en
Europe d’une aussi extraordinaire indulgence. Ce livre,
actualisé pour prendre en compte l’évolution de la
situation jusqu’au début 2011, passionnera tous les vrais
amis de ce pays qui souhaitent comprendre les ressorts d’un
règne de vingt-trois ans… 

Enzo Traverso
L’histoire comme champ de bataille
Paris, La Découverte, janvier 2011

Le XXe siècle s’est arrêté un beau jour de
1989, avec la chute du mur de Berlin. Ce qui jusqu’à la
veille palpitait dans le présent a soudainement semblé
faire partie de l’histoire. Profondément affectée
par cette rupture, l’historiographie a dû remettre en cause
ses paradigmes, questionner ses méthodes, redéfinir ses
domaines. Les clivages figés de la Guerre froide ont
laissé place à un monde
« liquide », et la nouvelle histoire globale,
en lieu et place d’un siècle divisé en blocs,
s’est intéressée aux réseaux
d’échanges économiques, aux transferts
démographiques, aux hybridations culturelles à
l’échelle de la planète. Dans ce livre, Enzo
Traverso reconstitue de manière magistrale et critique le
tableau d’ensemble des mutations qui sont au cœur des
grands débats historiographiques actuels. Il y aborde les
grandes catégories interprétatives, tant anciennes
(révolution, fascisme) que nouvelles (biopouvoir), pour mettre
en lumière à la fois la fécondité et les
limites de leurs apports ou de leurs métamorphoses. Il y
interroge le comparatisme historique, d’abord en étudiant
les usages de la Shoah comme paradigme des génocides, puis en
mettant en parallèle l’exil juif et la diaspora noire,
deux thèmes majeurs de l’histoire intellectuelle.