Xstrata à la conquête du Pérou
Xstrata à la conquête du Pérou
A en croire le président du
Pérou, Alan Garcia, il sagirait du « contrat
du siècle » : son gouvernement vient
dautoriser lentreprise minière helvétique
Xstrata à investir 4,2 milliards de dollars pour le
développement de deux nouvelles mines.
Sajoutant à Las Bambas, une exploitation de 35 000
hectares en service depuis 2004, ces deux nouveaux domaines permettront
à lentreprise partiellement contrôlée par le
groupe Glencore domicilié, comme Xstrata, dans le
paradis fiscal de Zoug dexporter dès 2015 plus de
600000 tonnes de cuivre péruvien chaque année. Si
le président vante les avantages économiques du projet,
il nen va pas de même pour les populations
indigènes qui luttent depuis plusieurs années contre une
exploitation minière tous azimuts qui met le Pérou, et en
particulier la zone amazonienne, en coupe réglée. Trois
manifestants ont encore trouvé la mort jeudi 7 avril, lors
daffrontements avec la police dans le sud du pays. Ces heurts,
qui ont également fait 50 blessés, sont survenus lorsque
les forces de lordre tentaient de débloquer la route
panaméricaine, interrompue par les opposants à un projet
minier du groupe Southern Copper qui menace dempoisonner les
sources deau de la région. En juin 2009, des
manifestations réclamant labolition de lois favorables
aux nouveaux projets dexploitation minière du Bassin
amazonien, dont ceux de Xstrata, sétaient soldées
par 34 morts.
Pillage
Comme le résume Nicanor Carrasco, un des porte-parole des luttes
indigènes au Pérou : « Les ressources
exploitées ne créent aucune richesse sur place. Des
tonnes dor et de cuivre sont extraites chaque jour du sol
péruvien, mais ne sont pas transformées au Pérou.
Si nous savions que les minerais extraits rapportaient de vraies
richesses en permettant par exemple de fournir de
lélectricité à nos communautés qui
nen ont pas [40 % de la production de cuivre étant
destinée aux câbles électriques] et en
usant dune technologie qui naurait pas ces
conséquences dramatiques sur lenvironnement et la
population, nous pourrions supporter ces extractions ».
Sagissant de la mine de Las Bambas exploitée par Xstrata,
même la Neue Zürcher Zeitung (NZZ, 9.9.2010), qui
senthousiasme pourtant pour les investissements péruviens
de lentreprise zougoise, le reconnaît :
« Las Bambas suscite des craintes quant aux pollutions
environnementales ou à la raréfaction de leau.
Dautres projets miniers au Pérou ont fourni des exemples
qui les justifient. Un représentant dune
confédération paysanne estime que la majorité de
la population de la région [
] est opposée au
projet. »
Ambassades contre indigènes
Face aux résistances des populations, les grandes entreprises
minières ne restent pas inactives et trouvent lappui des
ambassades occidentales. Des câbles de lambassade US
révélés par Wikileaks (disponibles sur le site du
Guardian) démontrent ainsi que les ambassades
étasuniennes, canadiennes, britanniques et suisses ont
formé une véritable force opérationnelle pour
contrecarrer les résistances indigènes. Un câble de
2005 révèle ainsi que le directeur de la mine
dAntamina, exploitée par Xstrata,
« recommande aux diplomates de prendre rendez-vous
collectivement avec le ministre de lEducation pour quil
organise la mutation des enseignants souvent membres de
syndicats radicaux [
] en conflit avec les entreprises
minières. [
] Les ambassadeurs
acceptent. » On y apprend aussi que les ambassades se
livrent à lespionnage systématique des militants
indigènes, et quelles donnent leur
bénédiction à lengagement par les trusts
miniers de miliciens censés défendre les exploitations,
de manière souvent très musclée allant
jusquà des interventions
« préventives » destinées
à terroriser les activistes.
Autre sujet dinquiétude pour les
ambassades et les entreprises minières type Xstrata, la
présence au deuxième tour des élections
présidentielles du 5 juin dOllanta Humala, qui critique
la politique néolibérale de Garcia, envisage la
nationalisation du secteur minier et dit sinspirer du
« processus bolivarien » de Chavez et
Morales ; un processus durant lequel les entreprises suisses ont connu
quelques mauvaises expériences (lire ci-dessus). Selon un
câble de lambassadeur US datant de février dernier,
Humala serait le partisan « dune philosophie
boueuse qui veut faire retourner le Pérou dans un passé
où seuls les indigènes détiennent le pouvoir
politique. »
La NZZ (4.5.2011) se veut néanmoins
rassurante, soulignant qu« il y a peu à
craindre que le Pérou tombe dans labîme
vénézuélien, dans la mesure où Humala ne
disposera pas dune majorité au parlement ».
En attendant, labîme se creuse sous les pieds des peuples
indigènes.
Hadrien Buclin
Multinationales suisses mises en cause en Bolivie et au Venezuela
Les investisseurs helvétiques ont connu quelques mauvaises
expériences avec les partisans de la
« révolution bolivarienne » :
en 2008, Hugo Chavez résiliait ainsi les contrats du magnat
helvétique du ciment Holcim dans le cadre dun projet de
nationalisation du secteur. Et en automne dernier, Morales mettait fin
au contrat de la Zurich Financial, qui gérait une large part des
caisses de pensions boliviennes; il sagissait alors de supprimer
les marges bénéficiaires pour aider au financement de
labaissement de lâge de la retraite de 65 à
58 ans. Il est vrai toutefois que ces résiliations de contrat ne
sont pas la règle dans ces pays, de nombreux secteurs cruciaux
étant toujours aux mains des multinationales : cest
le cas de Glencore qui continue à régner en maître
sur les mines boliviennes (Le Courrier, 30.4.2011). Qui plus est, les
nationalisations se sont accompagnées de gros
dédommagements, le Venezuela ayant ainsi versé 660
millions de francs à Holcim : concessions qui renvoient aux
limites actuelles des « processus bolivariens »
dun point de vue anticapitaliste.
HB