La planète des singes : les origines
La planète des singes : les origines
Une fois de plus, le mainstream
américain samuse à dépeindre la chute
dune humanité trop cruelle et trop avide à travers
une préquelle de la Planète des Singes. Malgré des
lourdeurs de style, le film parvient à questionner le lien
à lanimal et la nécessité de la
révolution.
On peut bien sûr trouver que le cinéma commercial est peu
intéressant par sa forme et son fond, et assez dégoutant
par les sommes colossales quil avale. Mais se réfugier
dans le cinéma dauteur revient à se faire une
fausse conscience de ce quest la culture, notamment populaire,
aujourdhui. Au niveau politique, cest choisir de faire
abstraction de la situation historique. Or, même sans se plonger
profondément dans lanalyse, il est évident que les
films, qui occupent les premières places du box office, ont
quelque chose à nous dire sur lesprit du temps qui les
voit être produits. Le cinéma étant depuis presque
toujours sous la domination dHollywood, en observer les films
revient à questionner lhégémonie
américaine et le regard quelle porte sur elle-même.
Ainsi les années 1990 avaient été le
théâtre dune humanité triomphante,
exterminant les extra-terrestres (Independance Day) sur fond de
familles traditionnelles se tenant la main devant la parfaite petite
maison de banlieue résidentielle. A la fin, même le chien
sen sortait. Les années 2000, au contraire, ont
montré une humanité cupide et défaite, proche de
lapocalypse, et le bon rôle revint souvent à
lautre, quil vienne dune autre planète ou
de la nature. La crise que connaît le capitalisme actuellement
na fait quaccélérer cette tendance. Et le
cinéma de ne plus valoriser que des êtres hors de
lhumanité. Ainsi dans District 9, les aliens
subissaient le racisme dune humanité violente parmi
laquelle seul un homme au sang mêlé à celui des
aliens avait une chance dêtre bon. Dans Avatar, les
hommes, insensibles et avides de matières premières,
détruisaient lharmonie dune planète et de
sa population dindigènes. Une fois de plus, le salut
nétait possible que dans le changement
despèce. Plus récemment dans Super 8,
lextra-terrestre était à nouveau un être
sans violence poussé à se révolter par des hommes
qui ne voient en lui quun potentiel de profit et de puissance
scientifique. Dautres exemples pourraient encore être
donnés, quon songe simplement aux succès
récents de films où les héros sont des vampires.
Tout vaut mieux que des humains.
Le visage et lintelligence
Dès sa première scène, ce nouvel épisode de
la Planète des Singes entre dans cette catégorie. De
paisibles chimpanzés batifolent dans la nature quand soudain de
terribles humains les attaquent pour les mettre dans des cages. Les
raisons de cet enlèvement sont dans la ligne classique des films
de science fiction, cest-à-dire à
lintersection dintérêts scientifiques et
économiques, où ce sont toujours ces derniers qui ont le
dessus. Ici il sagit de mettre au point un médicament
efficace contre la maladie dAlzheimer. Pour cela, les
scientifiques testent sur les singes un produit qui a pour effet de
stimuler le cerveau et de les rendre plus intelligents. Le film va
alors souvrir sur un diptyque : dun
côté lhumanité des singes, puis la
révolution de ceux-ci. Au bénéfice du premier
volet, il faut reconnaître que les chimpanzés en image de
synthèse sont plutôt bien réalisés, ce qui
permet à certaines scènes dêtre
bouleversantes : quand le singe aide le vieillard à
manger, quand il communique via le langage des signes ou quand il se
rend compte avec tristesse quil est traité comme un
animal de compagnie. Le propos est bien sûr de donner à
voir que la différence, qui fait notamment quon enferme
les animaux dans des zoos, est injustifiable. Et cela, le
réalisateur le fait même avant que le chimpanzé ait
vu son intelligence augmentée suite aux expériences. En
fait dès la première scène de
lenlèvement, la caméra se concentre sur la partie
de lanimal qui, en étant le réceptacle des
émotions comme la peur et la colère, en fait un proche de
lhomme : le visage.
Révolution plutôt quorigine
Et pendant ce temps, que font les êtres humains, ils se
querellent pour des voitures, nont aucune forme de compassion,
ils font des recherches dans le seul but daccumuler des profits,
peu importent les risques quils font courir aux animaux et
à lhumanité ; et ils maltraitent les
singes. Cest ce dernier élément qui va
entraîner la seconde phase du film : la révolution
simiesque. Ce terme nest pas du tout usurpé, tant le
scénario va reprendre les codes du genre, et il faut savoir que
le titre du film en espagnol nest non pas « les
origines » mais
« révolution ». Le chimpanzé
intelligent, César, se retrouve enfermé aux milieux
dautres singes et maltraité par un gardien. Il
décide alors de se révolter en rendant les autres singes
intelligents et en prenant leur tête. Quoi de plus inattendu que
de voir soudain, dans un film à gros budget, une sorte de
métaphore animale des indignés. En effet, la
révolte se fera notamment à partir de la prononciation du
mot « non » comme droit de refuser
linjustice. Cette révolution sera de plus montrée
sous un jour des plus positifs en montrant quelle est
guidée par un idéal de non-violence, le meurtre
dhumain étant refusé par principe par
César. Et quand vient la fin, le spectateur de se réjouir
de voir lhumanité une fois de plus renversée par
meilleur quelle, par ceux qui savent dire
« non »
Pierre Raboud