Musique
Musique : Frank Ocean: «Channel Orange», sensualité masculine
L’été touchant à sa fin, penchons-nous sur un des albums les plus chauds, en provenance de la nouvelle scène hip-hop / R’n’B californienne. Cette dernière, et même globalement une bonne part de la dernière vague rap US, connaît un changement profond. Ainsi le cliché, parfois malheureusement justifié, qui voit ce genre comme largement homophobe est mis à mal. Publiquement, A$AP Rocky, nouvelle star de Harlem, condamne tous les homophobes tandis que Lil B, sans être homosexuel, a intitulé un de ses albums I’m Gay par solidarité et pour dénoncer l’homophobie persistante dans le milieu hip-hop.
D’un point de vue musical, un changement concerne l’apparition de nombreux musiciens, abandonnant les caractéristiques hyper-viriles attachées au genre (violence, agressivité), pour adopter un style tout en sensualité et en émotion. Les exemples ne manquent pas : Drake, The Weekend, ou le retour en grâce de Usher.
Sortie du placard
Channel Orange de Frank Ocean représente sûrement l’aboutissement de ces deux tendances. Premièrement, le jeune chanteur de 23 ans est un des premiers à faire son coming out publiquement via twitter. Une démarche d’autant plus forte du fait de l’homophobie rampante du côté de nombreux artistes, y compris dans le collectif dont fait partie Frank Ocean, et d’une homophobie criante dans un public qui a parfois réagi violemment à l’annonce de Frank Ocean. Deuxièmement et surtout, Channel Orange résonne de la sensualité la plus assumée, redonnant ses lettres de noblesse au sous-genre du R’n’B. Les dix-sept titres de l’album s’appuient sur une qualité musicale indéniable pour tout oser dans les registres de l’émotion amoureuse ou du désir irrésistible. La voix part dans les aigus sans jamais que cela ne sonne faux ou kitsch. Thinking about you chante l’obsession d’un «il» en mettant l’auditeur dans un état de coup de foudre jouissif. Super rich kids se moque de la mélancolie cachée sous le strass d’une jeunesse dorée. Enfin Pyramids touche au sublime avec une ode de plus de neuf minutes à Cléopâtre où scintillent les synthétiseurs. A écouter et réécouter channel Orange, on retient l’été.
PR