Escroquerie du 2e pillier

Escroquerie du 2e pillier : L'heure de vérité

Les prestations du deuxième pilier sont en constante diminution, suite à une série de mesures prises depuis 2003. Et tout d’abord, la diminution du taux minimum de rendement accordé aux avoirs vieillesse (passés de 4 % en 2003 à 1,5 % en 2012). Pour un actif né en 1963, celle-ci entraîne une diminution de sa future rente de 22,5 % en 2028.

En outre, le taux de conversion, déterminant le montant de la rente en fonction du capital accumulé, passera progressivement de 7,2 % à 6,8 % d’ici à 2014, ce qui abaissera la retraite de 4,3 %. La volonté patronale de diminuer ce taux de 6,8 % à 6,4 % a été victorieusement combattue par un référendum. Cependant la droite annonce clairement vouloir revenir à la charge sur ce terrain, ce qui ajouterait 4 % à la diminution déjà prévue.

De plus, la diminution du taux technique de 4 % à 3,5 % imposée par les actuaires entraîne une nouvelle diminution du taux de conversion de 5,1 %.

Enfin, parmi les mesures prises depuis 2003 mentionnons la création d’une Réserve de Fluctuation de Valeur, imposant une accumulation d’un capital supplémentaire de 84 milliards ne pouvant pas servir aux prestations. L’effet de cette mesure est essentiellement de « ne pas pouvoir » payer l’indexation des rentes, ce qui correspond à une diminution moyenne de la totalité des rentes pendant 20 ans de 13 %, si l’inflation moyenne est de 1,5 %.

Au total, la diminution de la retraite pour un actif qui avait 40 ans en 2003 correspond à 44,9 %, voir à 48,9 % si l’offensive pour diminuer encore le taux de conversion finit par réussir. Une retraite initiale de 3 000 francs passera donc en moyenne à 1650 francs. Peut-on dire que l’on a échappé au pire, si l’on considère que l’actuaire en chef de la Zurich Assurance réclamait en 2003 un taux de rendement de 0,5 % (pour la LPP, pas pour Zurich Assurance) et un taux de conversion de 5,4 %, ce qui aurait diminué les rentes de 64 %.

Il faut aussi considérer la question du système des prestations : 98 % des travailleurs.euses du privé subissent la primauté des cotisations : leurs cotisations servent à accumuler un capital, et c’est ce capital qui détermine leur future retraite. En d’autres termes, ils-elles ne savent pas combien ils-elles toucheront, si la bourse va mal. Tant pis pour eux ; ils-elles doivent assumer les risques. D’un autre côté, 57 % des travailleurs·euses du secteur public ont conservé la primauté des prestations, qui sont définies en pourcentage de leur dernier salaire, donc une sécurité nettement supérieure. Les salarié·e·s du secteur public savent ce qu’ils toucheront. 

C’est là qu’il faut chercher à comprendre les attaques contre les caisses du secteur public (sur ce sujet voir également page 14, ndr). La primauté des cotisations correspond à l’individualisation de la prévoyance vieillesse, au chacun pour soi, à un système de capitalisation intégrale où la solidarité est exclue. Un système mixte qui donne une place importante à la répartition, où les actifs payent en partie par leurs cotisations les rentes des aîné·e·s, est en revanche adapté à la primauté des prestations.

Enfin le deuxième pilier est une insulte à l’égalité homme-femme : la rente moyenne des femmes qui y ont accès est la moitié de celle des hommes !

Toutes ces dégradations de la prévoyance vieillesse, y compris le projet d’augmenter l’âge de la retraite, sont basées sur un mensonge : les retraité·e·s vivent de plus en plus longtemps, on ne peut plus assumer les coûts. Le mensonge est facile à démontrer. C’est vrai que les retraité·e·s vivent plus longtemps ; chaque année leur espérance de vie augmente de 0,5 %. Mais depuis 1985, la somme des richesses produites chaque année a augmenté en moyenne de 3 %. En d’autres termes, on produit en Suisse 6 fois plus de richesses que ce qui serait nécessaire pour compenser l’augmentation de l’espérance de vie.

Il ne fait aucun doute qu’un système qui diminue les retraites, qui n’est pas social et élimine les solidarités, qui ne garantit pas l’indexation des rentes, doit être changé. Et la solution réside dans une fusion de l’AVS et du deuxième pilier. Une telle fusion permettrait de se débarrasser de la capitalisation intégrale, en fonctionnant comme un système de répartition avec fond de réserve : la répartition comme pour l’AVS (les cotisations des actifs financent les rentes des retraité·e·s) avec un fond de réserve (les capitaux engrangés par le deuxième pilier) qui fournit des intérêts participant au financement des rentes. Un tel système convient à une primauté des prestations.

La fusion permettrait en outre d’introduire une véritable solidarité : rente minimum de 3 500 frs et maximum égale à 3 fois ce montant. Elle garantirait l’indexation des rentes car, étant basée sur la répartition, l’indexation des actifs permet celle des rentes. Elle réaliserait l’objectif d’une rente égale à 80 % du dernier salaire. On arriverait ainsi à des prestations vieillesse supérieures en moyenne de 13 % à la situation actuelle, avec le maintien intégral des droits actuellement acquis par les travailleurs·euses. Enfin, elle éliminerait les inégalités les plus criantes pour les prestations et les cotisations, avec entre autres la répartition 2 tiers / 1 tiers entre l’employeur et les travailleurs·euses ; ce qui est loin d’être impossible puisque l’employeur paye actuellement le 61 % du financement.

Des projections, certes largement simplifiées, montrent qu’un tel système tient financièrement la route.

 

Michel Ducommun