Nouveau psychodrame parlementaire en vue à Athènes et grèves annoncées dans les pays du sud de l'Europe
Dans les jours qui viennent, de nouveaux développements sur le front de la crise dans la zone euro vont avoir lieu. D’un côté, la tentative du nouveau gouvernement grec de trouver une majorité parlementaire pour imposer les nouvelles mesures d’austérité négociées avec ses bailleurs de fonds, de l’autre, une toute timide tentative d’organiser une action syndicale paneuropéenne contre la politique d’austérité.
Le gouvernement grec est aujourd’hui face à un test crucial. Sorti des urnes en juin dernier, il devait convaincre les créanciers internationaux de la Grèce de sa capacité à mettre en œuvre les mesures que lui réclamaient ses partenaires européens. L’enjeu était de taille puisqu’il s’agissait de regagner leur bienveillance, d’obtenir de possibles assouplissements à la rigueur exigée et des mesures supplémentaires de soutien à l’économie grecque. Sur le plan intérieur, le nouveau gouvernement se devait de convaincre une large partie des électeurs·trices qu’une renégociation du plan d’aide visant à flexibiliser les conditions posées par les créanciers était à portée de main et que, moyennant quelques efforts supplémentaires, la population grecque verrait bientôt le bout du tunnel.
Nouvel acte de la pièce grecque
Dès lors, le gouvernement grec s’est employé à rassurer ses créanciers, cédant sur la plupart des mesures demandées par la troïka dans de dures négociations. Depuis fin août, l’attitude des européens a en effet changé. Au lieu du discours rigide de coutume, sur la nécessité pour le gouvernement grec de tenir ses engagements, l’accent est désormais mis sur les sacrifices consentis par la population grecque et les avancées réalisées. La visite de la chancelière allemande en Grèce le 6 octobre dernier a été le signe le plus tangible de ce revirement.
Son résultat concret : les Européens vont accepter la principale demande du gouvernement grec : un allongement de deux ans (de 2014 à 2016) de la durée de l’ajustement budgétaire prévu par les mémorandums. De surcroît, les Européens cherchent un moyen pour accorder de nouveaux prêts à Athènes, de manière à combler les besoins supplémentaires de financement qui en découleront, mais aussi à organiser de façon indirecte une nouvelle restructuration (un nouveau défaut partiel) de la dette grecque.
La récession qui a résulté des plans de rigueur depuis 2010 a été plus profonde que prévue et donc les objectifs en terme de réduction de la dette publique grecque échouent régulièrement.
Mais tout ne va pas aussi bien sur le front interne pour le gouvernement. Sa cohésion est ébranlée par les votes cruciaux des mercredi 7 et dimanche 11 novembre sur les nouvelles mesures de rigueur et les nouvelles réformes structurelles. Après les élections, l’effondrement du PASOK s’est poursuivi non seulement dans les sondages mais aussi sur le terrain et même jusque dans ses rangs parlementaires. Sur ses 31 député·e·s, deux ont démissionné la semaine dernière, et deux ou trois autres ne voteront pas les mesures. Quant au troisième parti de la coalition, DIMAR (Gauche démocratique), il refuse de voter la réforme du marché du travail. Ce qui laisse une maigre majorité, entre 152 et 158 député·e·s sur 300. Les mesures seront probablement adoptées, mais la légitimité du gouvernement sera sérieusement mise à l’épreuve, et le psychodrame parlementaire et médiatique ne sera pas évité. Tout cela sur fond d’une grève générale de 48 heures, mardi et mercredi, signe que la colère ouvrière ne s’épuise pas.
Une nouvelle journée de grèves coordonnées dans le sud
Il y a un peu plus de deux ans, le 29 septembre 2010, avait eu lieu une première grève coordonnée dans plusieurs pays européens – notamment l’Espagne et la Grèce. Deux ans plus tard, la tentative va se reproduire, le 14 novembre, en Grèce, en Espagne, au Portugal, en Italie (mais seulement une grève de quatre heures), avec des manifestations en France, en Belgique et même en Suisse.
Sous la pression des syndicats espagnols, la Confédération Européenne des Syndicats (CES) a décidé d’appeler à une journée d’action contre l’austérité. Il était temps ! Au moment où l’ensemble de la zone euro sombre à nouveau dans la récession, c’était la moindre des choses. Evidemment, dans chaque pays la situation est différente et une dynamique propre de résistance se développe. Mais une grève coordonnée ne peut que renforcer la détermination des travailleurs.euses qui sont dans le collimateur.
Le problème cependant est double : cette journée ne s’inscrit pas dans une stratégie offensive de construction d’un rapport de force, ni à l’échelle européenne ni à l’échelle nationale. Preuve en est la Grèce qui compte à son palmarès une bonne vingtaine de grèves générales mais où le rouleau compresseur ne s’est pas arrêté pour autant. Le deuxième problème découle du premier: faute d’une stratégie offensive, les modes d’action sont à la carte en fonction des pays: on fera grève dans les pays du Sud, et tout au plus on manifestera dans certains pays du Nord. Le danger est évident : reproduire le fossé entre « nord » et « sud » au sein du mouvement ouvrier. Or, c’est la solidarité qui est nécessaire. Et la gauche radicale doit sans cesse le marteler: cette crise ne sépare pas les Grecs et autres méridionaux dispendieux des vertueux luthériens du nord de l’Europe; elle sépare les travailleurs.euses de toute l’Europe et les patrons de toute l’Europe. Notre arme ne peut être que la solidarité de classe.
Christakis Georgiou